
Non content d’avoir été le théâtre d’événements célèbres ou le site d’accueil de monuments mondialement célèbre, Paris peut également se vanter d’être le berceau de nombreux mots et expressions solidement ancrés dans la culture populaire. “Attendre 107 ans”, “tenir le haut du pavé” ou encore “aller au diable Vauvert”… toutes ces expressions sont nées d’une histoire en lien avec la capitale. Tout comme une autre expression encore très utilisée aujourd’hui, bien utile pour se donner rendez-vous…
Quand la technologie supplante le soleil
Pendant près de deux siècles, plus précisément du XVIe au XVIIIe siècle, seuls les cadrans solaires étaient en mesure d’indiquer l’heure vraie, c’est-à-dire l’heure du soleil. Les montres et les horloges devaient donc être réglées chaque jour à partir d’un cadran solaire ou d’une méridienne qui indiquait le “midi vrai”. Jusqu’à la moitié du XVIIIᵉ siècle, les horloges publiques ne sont pas nombreuses à Paris. Les habitants qui souhaitent obtenir l’heure exacte pour remettre leurs montres et horloges mécaniques “à la bonne heure” n’ont donc pas d’autre choix que de se déplacer rapidement auprès du cadran solaire le plus proche. Ce qui n’est donc pas évident lorsque l’on est attendu… Tous les midis, dans le quartier du Palais Royal, les curieux se pressent donc du côté de l’entrée sud, où se trouve justement un cadran solaire. Un attroupement qui ne manque pas d’attirer l’attention de M. Rousseau, un horloger installé dans les galeries du Palais Royal. Dès 1785, l’ingénieux artisan met alors au point un système permettant de programmer un canon pour tirer un coup de feu automatique tous les midis. Un an plus tard, son invention est fin prête et l’horloger peut ainsi installer, dans le jardin du Palais Royal, un petit canon chargé de poudre noire et surmonté d’une loupe, le tout sur un socle de pierre.

Un canon qui n’a pas complètement fini de faire du bruit
Le procédé est on ne peut plus efficace : lorsque le soleil atteint son zénith à midi, la concentration des rayons brûlants du soleil à travers la loupe vient provoquer l’allumage de la mèche, ce qui déclenche ainsi un coup de canon. De quoi alerter les passants à 1km à la ronde qu’il est “midi pétante”. Considéré comme le meilleur de Paris, le petit canon du Palais Royal attire alors un public de plus en plus nombreux, qui vient évidemment y régler sa montre. L’invention de Rousseau inspire également quelques bons mots, comme ceux de l’abbé Delille, qui reconnaît que “dans ce jardin, si l’on y dérègle ses mœurs, au moins on y règle sa montre”. Une référence qui cesse toutefois d’être au début du XIXe siècle, lorsque l’on adopte le temps solaire moyen de Paris, à savoir l’heure des horloges, en remplacement du temps solaire vrai. En 1891, l’heure moyenne du méridien de Paris est étendue à toute la France. Le petit canon du Palais Royal doit alors se taire en application de la loi de 1911, qui impose à la France l’heure de Greenwich, c’est-à-dire l’heure du temps moyen de Paris. Dès lors, le petit canon ne tonnera plus qu’à certaines occasions, comme lors de l’anniversaire de la Libération de Paris (25 août), lors des Journées européennes du patrimoine ou le 14 juillet, jour de la fête nationale.

Un canon qui fait désormais partie intégrante du jardin parisien
Devenu dès lors un objet plus décoratif que d’intérêt public, le petit canon du Palais Royal traverse sans encombres le XXe siècle, s’intégrant à merveille aux côtés des statues et arbres qui peuplent le jardin. Si ce n’est en 1998… lorsque l’objet est volé ! Il faut alors attendre 2002 pour qu’une réplique reprenne sa place. Depuis 2011, le rendez-vous, pour les habitués comme pour les touristes, est donné tous les mercredis à “midi pétante” pour entendre à nouveau la détonation de ce canon solaire. Cependant, le canon est désormais enclenché par un artificier de la ville de Paris, et non plus par la simple chaleur du soleil, afin d’être plus précis. De quoi prolonger l’envie de rester un peu plus dans cet authentique havre de paix au sein de la capitale qu’est le jardin du Palais Royal. Aménagé une première fois du temps du cardinal de Richelieu, le jardin connaît plusieurs transformations, comme des plantations redessinées par le jardinier André Le Nôtre à la demande du roi Louis XIV. Embelli au XVIIIe siècle par le duc d’Orléans et doté de ses dimensions définitives (226 mètres de long sur près de 92 mètres de large), le jardin devient un lieu de rendez-vous fréquenté par les intellectuels, les politiques et les écrivains, comme Denis Diderot. De quoi contraster avec un passé plus “scandaleux”… Aujourd’hui, on y vient toujours pour converser, se promener, déguster un repas entre deux sessions de travail ou simplement se prélasser à l’ombre des tilleuls et marronniers… sans avoir peur qu’un coup de canon nous fasse sursauter.
Jardin du Palais Royal
2 Place Colette
75001 Paris
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Image à la une : Jardin du Palais Royal © Adobe Stock