
Caché dans une clairière à Cruzy-le-Châtel, dans l’Yonne, ce joyau architectural de la Renaissance est unique en son genre. Construit entre 1566 et 1573, le château de Maulnes n’a aucun équivalent en France… si ce n’est dans le monde ! Qualifié de “monument insigne absolument unique” par la Commission supérieure des Monuments historiques, il aurait bien pu s’effondrer ! On vous explique ce qui le rend si particulier.
Un pentagone au cœur de la forêt
Voir cette publication sur Instagram
Alors, qu’est ce qui rend ce château aussi fascinant ? C’est avant tout son architecture hors du commun, un plan en pentagone. Assez trapu et massif, bien loin des vastes châteaux classiques aux longues façades majestueuses, Maulnes intrigue au premier regard. Seul château pentagonal de France, il déploie cinq côtés égaux de 17 mètres, chacun terminé par une tour, déjà en soi une rareté. Mais si l’on vous disait que ce n’est pas là ce qu’il y a de plus étonnant ? La pièce maîtresse du château, véritable un chef-d’œuvre d’ingéniosité, se découvre au centre : un grand escalier en colimaçon, qui s’enroule autour d’un puits central. Alimenté par trois sources, il distribue eau et lumière à l’ensemble du bâtiment : des cinq niveaux, on pouvait puiser de l’eau. Au cœur du bâtiment, ce cylindre creux, véritable colonne vertébrale du château, incarne le génie d’un architecte…… dont l’identité reste encore un mystère.

En tout cas, on doit peut-être à cet architecte inconnu le plus étonnant château de la Renaissance française. Le seul autre bâtiment présentant une telle audace architecturale est la villa Farnèse, à Caprarola, en Italie (également en pentagone). Et si sa structure vous étonne, gardez en tête qu’aujourd’hui, seule la partie principale est encore visible : le site était encore plus épatant avant. À l’époque, on accédait au logis pentagonal en entrant par des communs, disposés en demi-cercle, puis en parcourant une longue galerie couverte, qui a totalement disparu.

Le projet d’un couple ambitieux et créatif

L’histoire de ce singulier château est aussi celle d’un couple : Louise de Clermont et Antoine de Crussol, respectivement comtesse de Tonnerre et duc d’Uzès. Louise de Clermont, louée pour sa beauté, son intelligence, et sa franchise, est très appréciée de la reine Catherine de Médicis. Elle épouse le duc d’Uzès en secondes noces alors qu’elle a 52 ans et lui 28. Ensemble, ils décident en 1566 la construction d’un château capable de marquer les esprits par son originalité. Contrairement aux châteaux voisins d’Ancy-le-Franc ou de Tanlay, richement décorés, Maulnes mise sur une architecture innovante pour impressionner et montrer leur puissance. Le choix du site n’est pas non plus un hasard : au cœur d’une vaste forêt, le château était aussi un relais de chasse et permettait idéalement de gérer l’exploitation forestière. Les têtes de chiens et de lions sculptées sur les tours rappellent d’ailleurs cet usage. Décidément très créatifs et pleins d’esprit, le couple avait imaginé un véritable Eden… dont ils n’ont malheureusement pas pu profiter pleinement. Revenu malade du siège de la Rochelle, le duc d’Uzès meurt en 1573 : les travaux sont abandonnés et la comtesse ne revient plus à Maulnes à partir de mai 1975. Le projet ne sera donc jamais achevé.
Un sauvetage in extremis
Voir cette publication sur Instagram
Au fil du temps, le château connaît de multiples propriétaires … et autant d’abandons. Après avoir été passé de mains en mains, il devient une verrerie au XVIIIe siècle : la Verrerie de Maulnes, connue pour la qualité de ses réalisations, perdure jusqu’au milieu du XIXe siècle. À la suite de cette parenthèse artisanale, il tombe progressivement en ruines, tour à tour acquis par des propriétaires plus intéressés par les ressources en bois et par le terrain que par le château en lui-même. Il faudra attendre 1997 pour qu’il soit sauvé in extremis par le Conseil Général de l’Yonne, qui en fait l’acquisition. Depuis, il fait l’objet d’importantes restaurations, et de nombreuses études archéologiques qui tentent de percer des mystères persistants (comme l’identité de l’architecte). Les communs en demi-cercle, dont il ne reste qu’une partie, ont été restaurés en priorité et font maintenant office d’accueil et de salle d’exposition. Les derniers travaux en date se sont consacrés à faire revivre un jardin de 4000 m2 imaginé par le couple fondateur, mais qui n’a jamais vraiment pu voir le jour. Ouvert au public depuis 2005, le château se visite désormais toute l’année, et propose même à partir du 27 juin des soirées spéciales au coucher du soleil, dans une ambiance conviviale, avec restauration sur place.
Image à la une
Château de Maulnes – @chateau.de.maulnes sur Instagram
A lire également
Hôtel de Beauvais : le somptueux palais offert à la femme qui a initié Louis XIV à l’amour