Bien plus que des sites touristiques, beaucoup de châteaux en France sont de véritables morceaux d’Histoire, qui ont joué à un moment donné un rôle majeur. Comme ce charmant édifice du Val de Loire qui, en 1870, alors les troupes ennemies venues de Prusse progressent dans les campagnes enneigées avoisinantes, ouvre ses portes au Général Chanzy pour y organiser la résistance des armées de la Loire. Et cet épisode n’est un que des nombreux événements qui ont façonné l’histoire de ce passionnant château…
Une silhouette atypique pour le XVIe siècle
Bien que contemporain des grands châteaux du Val de Loire, le château de Talcy apparaît comme une charmante exception, puisqu’il est resté extérieur à la mode italienne et à toute recherche décorative. Le puits, les communs pourvus d’un pressoir et d’un colombier, ou encore le jardin réhabilité en verger de collection soulignent le caractère autrefois agricole du domaine. Si la seigneurie de Talcy existe déjà au XIIIe siècle, c’est à Bernard Salviati que l’on doit l’essentiel de la silhouette actuelle du château. Ce riche banquier florentin, proche des Médicis et de la cour de François Ier, rachète en 1517 les terres de Talcy sur lesquelles trône une modeste demeure. Trois ans plus tard, il en fortifie l’enceinte en y ajoutant plusieurs éléments défensifs d’inspiration médiévale. Si l’heure en Europe est aux riches décors de la Renaissance, c’est bien la sobriété qui règne en maître au château de Talcy. Pas de marbre, ni de symétrie parfaite, et la façade extérieure de l’ancienne maison seigneuriale du Loir-et-Cher apparaît même plutôt rustique, bien loin du faste du domaine royal de Blois, voisin de seulement 30 minutes. La simple vision de la façade, présentant une grosse tour carrée au-dessus du porche d’entrée, deux hautes tourelles hexagonales couronnées de mâchicoulis et un chemin de ronde couvert, nous renvoie en effet plus au temps des chevaliers qu’à celui des mécènes et des artistes. Un contraste d’autant plus saisissant quand on sait que, à l’intérieur, c’est une suite de meubles du XVIIIe siècle estampillés par de célèbres ébénistes parisiens, une rarissime toile peinte à décor d’indiennes enchâssée dans les boiseries de la salle à manger ou des tapisseries qui habillent le lieu.
Celui que l’on nomme “le château des muses”
Passé entre les mains de nombreux propriétaires et témoin du dernier souffle d’Albert Stapfer, connu pour avoir traduit en français le Faust de Goethe, le château de Talcy est surtout reconnu pour avoir été le théâtre d’un événement majeur du XVIe siècle. En 1562, alors que les guerres de Religion frappent de plein fouet la vallée de la Loire, le château accueille une conférence exceptionnelle, en présence de Catherine de Médicis et de quelques-uns des hauts représentants catholiques et protestants, réunis à Talcy pour la dernière fois. La Reine Mère et Régente du royaume de France lance alors un appel à la paix qui reste toutefois sans réponse. Les chambres dites de Catherine de Médicis et de Charles IX sont ainsi nommées en mémoire de cet événement historique. Au-delà du terrain politique, le château de Talcy est aussi reconnu comme le château des muses. “Mignonne, allons voir si la rose…”, ce célèbre poème est l’œuvre du poète Pierre de Ronsard. Mais saviez-vous que celui-ci a été composé pour Cassandre Salviati, fille de Bernard Salviati ? Il lui dédie ce poème en 1545, après avoir croisé son regard lors d’un bal donné à Blois. Une passion qui reste toutefois à sens unique, puisque Cassandre épouse un autre homme l’année suivante. Vingt-sept ans plus tard, les guerres de Religion connaissent l’un de leurs épisodes les plus sanglants avec le massacre de la Saint-Barthélemy. Un événement auquel le poète protestant Théodore Agrippa d’Aubigné y échappe de peu en trouvant refuge à Talcy. C’est ici qu’il retrouve son grand amour, Diane Salviati, petite-fille de Bernard. Mais cette dernière l’éconduit, ce qui vaut définitivement au château, de par ses histoires d’amours malheureuses, le surnom de “château des muses”…
Promenade enchanteresse dans les jardins de Talcy
Terre d’inspiration et de déceptions amoureuses pour les poètes, le château de Talcy renoue aux siècles suivants avec son premier amour : l’activité agricole. Sous l’influence de la famille Burgeat au XVIIIe siècle, la demeure rurale se mue en une vaste exploitation agricole, où semences, récoltes, vendanges, coupes de bois et ventes de céréales rythment la vie des occupants. Partagé entre un potager et un verger, entre les vignes et les cultures fourragères, un jardin de 7 hectares voit alors le jour. Aujourd’hui, ce jardin magnifique est un verger de collection, où il fait bon se promener tout en étant guidés par les nombreuses essences renouvelées au fil des saisons. Pommes, poires, prunes ou encore groseilles… les jardins de Talcy est un véritable feu d’artifice de multiples espèces et variétés fruitières cultivées sous forme palissées ou naturelles. Rien d’étonnant à ce que cette charmante propriété reçoive d’illustres invités tels que Stendhal, Eugène Delacroix, Prosper Mérimée ou encore Madame de Staël au XIXe siècle, conviés par l’intellectel suisse Philippe-Albert Stapfer, alors propriétaire des lieux. Non content d’être le premier traducteur en français du poète allemand Goethe, son fils Albert est aussi l’un des pionniers de la daguerréotypie, comme en témoignent de nombreux clichés du château de Talcy et des alentours. Sa chambre photographique, ainsi que plusieurs plaques, sont toujours conservées sur place aujourd’hui, dans ce fascinant domaine où d’illustres personnalités de l’Histoire de France ont, elles aussi, foulé ce sol !
Château de Talcy
18 rue du Château
41370 Talcy
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Image à la une : Château de Talcy © Léonard de Serres / Centre des monuments nationaux