fbpx

Cette oeuvre d’art installée dans un monument historique a suscité bien des polémiques

Situées dans la cour d’honneur du Palais-Royal, les colonnes de Buren, officiellement appelées Les Deux Plateaux, forment l’une des œuvres d’art contemporain les plus emblématiques – et controversées – de Paris. Conçue par l’artiste Daniel Buren en 1985, cette installation s’inscrit dans une démarche audacieuse et innovante, mêlant patrimoine historique et art moderne. Si aujourd’hui ces colonnes rayées noires et blanches sont pleinement intégrées au paysage parisien, leur installation a provoqué une vive controverse à l’époque. Retour sur l’histoire d’une œuvre hors du commun qui continue de diviser.

Daniel Buren : un artiste conceptuel

Né en 1938, Daniel Buren est une figure incontournable de l’art contemporain français. Connu pour son approche minimaliste et conceptuelle, il utilise souvent des formes simples et des motifs répétitifs pour interroger la perception et l’espace. Sa signature artistique, les bandes verticales alternées de 8,7 cm, qu’il utilise depuis les années 1960, est devenue son langage visuel caractéristique. Ces motifs se retrouvent dans une multitude d’œuvres, allant des installations éphémères aux œuvres permanentes, comme c’est le cas des colonnes du Palais-Royal.

Buren ne conçoit pas ses œuvres comme des objets isolés, mais comme des interventions dans un espace donné, engageant une réflexion sur l’environnement, le contexte et l’architecture. Les Deux Plateaux ne font pas exception : cette œuvre est avant tout une réflexion sur l’appropriation de l’espace public et son interaction avec le patrimoine historique.

L’installation des colonnes

En 1985, Daniel Buren se voit confier une commande publique pour aménager la cour d’honneur du Palais-Royal, alors appelée Cour d’Orléans. Cet espace, conçu au XVIIe siècle, était quelque peu délaissé et destiné à accueillir un parking souterrain. Plutôt que de se contenter d’une simple réhabilitation architecturale, Buren propose une intervention artistique ambitieuse : Les Deux Plateaux. L’œuvre se compose de 260 colonnes en marbre noir et blanc, de hauteurs différentes, disséminées sur toute la surface de la cour. Les colonnes semblent émerger du sol, certaines ne faisant que quelques centimètres de haut, d’autres atteignant plusieurs mètres.

Les bandes noires et blanches, marque de fabrique de Buren, créent un contraste saisissant avec l’architecture classique du Palais-Royal. L’installation joue également avec les perspectives : la répétition des colonnes et leurs hauteurs variables produisent une illusion de profondeur et de mouvement, modifiant la perception de l’espace.

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par Fabienne Travaux (@fabienne_tvx)

Un message sur l’espace public et l’histoire

Avec Les Deux Plateaux, Daniel Buren interroge la place de l’art dans l’espace public et son rapport au patrimoine. En installant des formes géométriques modernes au cœur d’un lieu chargé d’histoire, il fait cohabiter passé et présent, tout en perturbant l’usage traditionnel de cet espace. Les colonnes invitent les visiteurs à interagir avec l’œuvre : on peut les toucher, s’y asseoir, les enjamber ou tout simplement les contempler. Buren a voulu rompre avec la sacralisation de l’art, habituellement confiné aux musées, et offrir une œuvre accessible à tous.

Son œuvre interroge aussi la manière dont l’architecture et l’art influencent notre perception de l’histoire. En installant ses colonnes dans la cour d’un bâtiment emblématique de l’histoire de France, Buren propose une nouvelle manière d’appréhender ce lieu, non plus seulement comme un monument figé, mais comme un espace vivant, en constante transformation.

Une polémique nationale

Si les colonnes de Buren sont aujourd’hui largement acceptées et font partie intégrante du paysage parisien, leur installation a suscité une polémique d’ampleur nationale. En 1986, lors de la révélation du projet, de nombreux critiques se sont insurgés contre cette « intrusion » de l’art contemporain dans un lieu aussi prestigieux que le Palais-Royal. Certains y voyaient une défiguration du patrimoine, d’autres une provocation inutile.

Les critiques ont été particulièrement vives de la part de personnalités attachées à la défense du patrimoine. Les détracteurs qualifiaient l’œuvre de « disgracieuse » ou de « ruine moderne » dans cet environnement classique. L’État a même failli interrompre le projet à plusieurs reprises, mais le ministre de la Culture de l’époque, Jack Lang, a soutenu Buren jusqu’au bout, convaincu de la nécessité d’introduire l’art contemporain dans des lieux historiques.

Cette controverse a suscité un large débat sur l’art contemporain en France et sa place dans l’espace public, interrogeant les frontières entre conservation du patrimoine et ouverture à la modernité.

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par Keiko (@keiko.11.pico)

Une œuvre aujourd’hui incontournable

Malgré les critiques initiales, les colonnes de Buren sont rapidement devenues un lieu prisé des Parisiens et des touristes. L’œuvre invite à la déambulation, et les visiteurs aiment se prendre en photo sur les colonnes, transformant l’œuvre en véritable terrain de jeu. Avec le temps, les colonnes ont cessé de choquer et sont désormais considérées comme une partie intégrante du patrimoine contemporain de Paris.

En 2008, après des années de détérioration, Les Deux Plateaux ont fait l’objet d’une importante rénovation, financée en grande partie par l’État. Cette restauration a permis de redonner tout son éclat à l’œuvre, confirmant son statut d’installation majeure de l’art contemporain à Paris.

Aujourd’hui, les colonnes de Buren incarnent un dialogue réussi entre patrimoine historique et création contemporaine, prouvant que l’art peut, même au prix de la polémique, renouveler la perception que l’on a de lieux emblématiques. Les Deux Plateaux sont plus qu’une simple installation artistique : elles sont un symbole de l’évolution de l’art dans l’espace public et un reflet des débats passionnés qu’il suscite.

Les prochaines visites guidées



Voir toutes nos activités