Disparue depuis 1976, cette voie privée, comme bien d’autres dans Paris, répondait au nom de « villa ». Au-delà du charme qui y régnait, c’est une flopée d’artistes majeurs qui sont passés ou ont habité à la villa Ottoz.
Une architecture typique des villas parisiennes
Ce petit coin disparu de Belleville abritait de petits immeubles ouvriers avec la même particularité que beaucoup d’allées à Paris : des ateliers au rez de chaussée et un coin habitation à l’étage. De l’ancienne configuration il ne reste que le portail en fer d’ouvrage où sont toujours visibles les inscriptions de l’ancienne voie. La seule différence ? Il se trouve aujourd’hui au 43 de la rue Piat alors qu’autrefois il ouvrait le numéro 37 de la même rue. Ces anciennes maisons disposaient, à l’époque, d’une vue imprenable sur la capitale. Une vue qu’il est toujours possible d’apprécier depuis le Parc de Belleville, construit 10 après les travaux d’urbanisme qui ont coûté la destruction de la villa Ottoz.
Les habitants, contraints à l’exil et conscients de leur chance d’habiter ce petit havre de paix en plein Belleville, n’ont pas bien vécu cette disparition.
Un repaire d’artistes
Et c’est un coin qui a forcément séduit plus d’un artiste. Parmi les personnalités qui ont marqué la Villa Ottoz, par leur présence et parfois leurs actions, on compte notamment Christiane Rochefort. Après le retentissant succès de son premier roman (Le repos du guerrier) en 1958, elle achète le rez-de-chaussée du numéro 10. Elle est une figure de la littérature française de la deuxième moitié du XXe siècle.
Un autre personnage haut en couleur habite la partie supérieure de ce pavillon, et pas n’importe lequel ! Le peintre graveur Pierre Alechinsky, autre artiste majeur de la même époque y a posé ses valises de 1954 à 1964 avec Micky sa femme et son fils aîné Ivan. Il a été séduit, lui aussi, par cette oasis urbaine en plein Belleville. À croire que cette partie de Paris transcende les artistes, Jean Dolent, écrivain respecté, y tenait un salon artistique et recevait les défenseurs du symbolisme chez lui. Si les résidents permanents faisaient la renommée de la Villa, de nombreux artistes y sont passés au gré de leurs pérégrinations.
Un rôle au cinéma
Deux scènes du film culte Jules et Jim de François Truffaut ont été tournées à la villa Ottoz. C’est, à l’origine, l’appartement de Pierre Alechinsky qui devait faire office de demeure parisienne pour Jim, mais les nombreuses toiles présentes n’ont pas permis aux caméras de tourner la scène. C’est finalement le pavillon voisin qui a été choisi…
La fin d’une époque
En 1975, le charme de la villa Ottoz prend fin. La nouvelle tombe sous la forme d’un arrêté d’expropriation pour raison « d’intérêt public ». Comme ultime protestation, la célèbre écrivaine féministe Christiane Rochefort se confie avec ardeur dans son livre Ma vie revue et corrigée par l’auteur :  “La fameuse maison de la villa Ottoz, aujourd’hui tas de gravats, où il n’y a même plus où mettre une plaque et pourtant il y en a des qui mériteraient des plaques qui ont défilé en ce lieu (que ceux qui ont édicté et forfait sa destruction soient maudits, d’ailleurs la première chose qu’ils ont cassée en arrivant c’est une plaque, d’un poète qui avait vécu là , c’est dire […] ».