Somptueuses, impressionnantes, insolites, méconnues ou encore bien cachées… les qualificatifs ne manquent dès lors qu’il s’agit d’évoquer les églises de Paris. Bien plus que de véritables prouesses architecturales, ces lieux de culte font pleinement partie de l’histoire de Paris, tant chacune d’elles raconte un chapitre, voire un siècle, de la capitale. Certaines forcent également l’admiration pour leur résistance face à des siècles de changement, et même de destructions dans le cas de cette magnifique église méconnue…
Un véritable joyau du (long) passé parisien
Accéder à ce monument méconnu de Paris, cela se mérite puisque, avant de le découvrir, il faut d’abord arpenter de petites rues sinueuses, nous plongeant ainsi dans une ambiance médiévale. De quoi coller parfaitement avec le bâtiment qui se dresse alors devant nous : l’Église Saint-Séverin. Non contente d’être l’une des plus belles églises parisiennes de style gothique flamboyant, cet édifice du 5ème arrondissement est surtout la plus ancienne des églises paroissiales de la rive gauche de la Seine. Sa construction remonte en effet au temps des Mérovingiens, plus précisément au VIIe siècle. Un ermite du nom de Séverin, à qui l’église est dédiée, a pour habitude de prier dans un petit oratoire rudimentaire. Après sa mort, une basilique est alors érigée sur les lieux, bien qu’il s’agisse d’abord d’une chapelle. Détruite par les Vikings lors du siège de Paris au IXe siècle, il faut attendre le XIIIe siècle pour que le clocher et les trois premières travées de la nef soient rebâtis, puis la seconde moitié du XVe siècle pour le reste. Malgré les siècles écoulés et les nombreuses restaurations, l’édifice baigne toujours dans une véritable atmosphère médiévale, avec son clocher carré et ses nombreuses gargouilles gothiques. Et en parlant de clocher, il convient de mettre en lumière que Macée, l’une des plus anciennes cloches de Paris, fondue en 1412, se trouve encore aujourd’hui sous le clocher de l’église Saint-Séverin.
Un édifice aux mille et une vies
Devenue l’église des étudiants de l’Université de Paris créée par Philippe Auguste à la fin du XIIe siècle et le siège de leurs assemblées, mais également l’église des voyageurs car située à proximité du pont reliant la rive gauche à l’Ile de la Cité, l’église Saint-Séverin traverse l’Histoire de Paris au gré des destructions et reconstructions. Sous la Révolution française, elle perd même, comme la majorité des églises, sa fonction de lieu de culte et se retrouve transformée en dépôt de poudre, puis en entrepôt de fourrage et de cloches. Autant d’anecdotes révélatrices sur l’ancienneté de cette église, mais sûrement pas aussi étonnantes que cette dernière : le jour où l’église Saint-Séverin fut le théâtre d’une opération chirurgicale de grande ampleur ! En 1474, la première opération de la maladie de la pierre, une maladie génétique se caractérisant par une ossification progressive des muscles squelettiques et des tendons qui les rattachent aux os, est tentée dans le charnier, là où sont entassés les cadavres et ossements. Manquant de volontaires, Louis XI promet alors la vie sauve à l’un de ses archers condamné à mort et souffrant de cette maladie s’il accepte l’expérience. L’opération étant réalisée avec succès, le soldat est comme promis gracié et pensionné. Fort heureusement, de telles opérations n’ont plus lieu aujourd’hui, seules demeurent quelques merveilles, comme de beaux vitraux des XVe et XVIe siècles, dont certains proviennent de Saint-Germain-des-Prés, tandis que les vitraux néogothiques du XIXe siècle qui éclairent les chapelles ont été remplacés par des compositions modernes de Jean Bazine.
Un véritable temple artistique consacré à la guérison
Tout comme Notre-Dame de Paris, dont la réouverture au public approche à grands pas, l’église du 5ème arrondissement comporte des collatéraux doublés, c’est-à-dire cinq nefs en largeur environnées d’un centre de chapelles, ce qui confère à l’édifice une grandeur étonnante. Plus loin, dans la chapelle abritant les fonts baptismaux, on trouve également un puits, encore en eau, qui était censé guérir les écrouelles (maladie d’origine tuberculeuse). Tout comme de nombreuses églises, celle de Saint-Séverin est aussi réputée pour abriter du mobilier d’exception et quelques œuvres d’art, comme des peintures murales, dont certaines classées aux monuments historiques : L’Apocalypse, Les Prédications de Saint-Jean-Baptiste ou encore L’Arbre de Jessé. Dans cette église où se marièrent notamment François Mitterrand et Danielle Gouze, le grand orgue fait également office de chef-d’œuvre, avec son buffet de 1745 également classé monument historique. Autre étape immanquable de la visite : le jardin, qui sert au XVe siècle de cimetière pour les notables parisiens et pour les quidams. C’est également ici que des archéologues ont trouvé des traces de sarcophages datant du Moyen-Âge, prouvant l’existence d’un cimetière en lieu et place avant même le XVe siècle. Une preuve supplémentaire, s’il en fallait encore une, que cette église parisienne méconnue n’a rien à envier à ses illustres voisines…
Église Saint-Séverin
1 rue des prêtres Sainte-Séverin
75005 Paris
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Image à la une : Église Saint-Séverin © Adobe Stock