A la Une
À Ivry-sur-Seine, on voyage vers les étoiles en un rien de temps. Là-bas, un complexe architectural aux angles pointus et aux terrasses verdoyantes s’élève, dénotant par son architecture insolite et portant le rêve de deux architectes visionnaires : Jean Renaudie et Renée Gailhoustet.
Une architecture en forme d’étoiles
Voir cette publication sur Instagram
À Ivry-sur-Seine, aux portes de Paris, ce complexe étonne pour son architecture insolite. Au pied d’une grosse tour grise se déploient ces blocs d’habitations originaux, qui semblent presque imbriqués les uns dans les autres sur plusieurs niveaux. Tous, finissent en angles pointus, formant une véritable constellation d’étoiles en béton armé vus du ciel, et une drôle de montagne désarticulée vus de face. Ces angles pointus d’où déborde une végétation abondante, sont la signature de Jean Renaudie, architecte brutaliste qui vécut d’ailleurs dans l’un de ces appartements jusqu’à sa mort en 1981. Issu du mouvement moderne, le brutalisme se caractérise par ses formes géométriques affirmées qui mettent le béton brut à l’honneur et déploient une conception presque utopique de l’habitat. Et ici, on tape en plein dans le mille. Construit de 1969 à 1975, le centre Jeanne-Hachette, surnommé Les Étoiles, est bien plus qu’un ensemble à l’esthétique singulière : il incarne presque un rêve de vivre-ensemble pensé par deux architectes.
Deux architectes qui voulaient révolutionner les manières d’habiter
Voir cette publication sur Instagram
Tout commence à partir de 1963, lorsque la ville lance le vaste projet de réhabilitation de son centre ville. Dans les années 60, le contexte de manque de logement était d’ailleurs particulièrement propice à l’innovation architecturale, donnant naissance à plusieurs chantiers osés et inédits comme les Choux de Créteil par Gérard Grandval . Renée Gailhoustets, architecte aguerrie, est désignée pour piloter ce projet. Sous son impulsion, quatre double-tours émergent alors dans la ville, toutes caractérisées par une forte identité brutaliste. Elle fait ensuite appel à Jean Renaudie, et de leur collaboration naissent les Etoiles, fruit d’une réflexion commune sur les nouvelles formes d’habitat social. Comment favoriser le lien social, réconcilier ville et nature et maximiser le bien-être des habitants ? En construisant ces drôles de polygones irréguliers, dotés de vastes terrasses végétalisées à tous les étages, en décalage d’un niveau à l’autre pour favoriser les échanges entre voisins ou promeneurs. En plus de son apparence hétérogène, les fonctions de l’ensemble en elles-même se veulent volontairement diverses : on y mêle commerces, logements, équipements collectifs et services publics. Un modèle de vie en communauté, déjà exploré par Le Corbusier dans sa Cité Radieuse à Marseille, par exemple. En voulant réinventer les modes de logement, Renaudie et Gailhoustets ont donné naissance à un véritable ovni architectural, totalement à contre-courant des constructions de l’époque, mais qui suscite pourtant un vif intérêt après sa construction.
De l’utopie au délabrement
Voir cette publication sur Instagram
Preuve de son succès, le modèle des Étoiles sera repris à Aubervilliers, Givors ou Saint-Martin-d’Hères. Mais après en avoir mis des étoiles plein les yeux, le rêve initial s’est quelque peu terni. Aujourd’hui, si l’ensemble reste impressionnant vu du ciel, les étoiles ont perdu de leur éclat et la réalité est plus morose vue du trottoir : façades délabrées et commerces fermés. Le centre commercial imaginé par Renaudie aux étages inférieurs est presque désert, et les passages verdoyants appelés “promenées”, qui devaient être des lieux ouverts de convivialité, ont perdu de leur charme. Trop coûteuse à réhabiliter, l’œuvre attend sa renaissance mais reste un beau témoignage d’expérimentation architecturale.
A lire également
Avez-vous déjà vu ces trompe l’œil insolites, bien cachés en plein Paris ?
Image à la une
Etoiles de Renaudie – @hicarquitectura sur Instagram
