Aussi court qu’intense, le règne de Napoléon Ier a toutefois laissé un impact considérable sur la France, et notamment Paris. Au-delà de l’instauration de lois ou services encore en vigueur de nos jours, le règne de l’Empereur a surtout donné naissance à de prestigieux bâtiments qui font encore aujourd’hui la renommée de la capitale. Et si l’on connaît tous l’Hôtel des Invalides ou l’église de la Madeleine, d’autres merveilles moins connues méritent tout autant le détour…
Un hôtel particulier à la transformation impériale
Coincé entre le quai Anatole France et l’Assemblée nationale, en plein cœur du quartier Saint-Germain, se trouve un somptueux hôtel particulier dont la discrétion contraste avec les illustres personnages qui l’ont un jour occupé. Jumeau de l’hôtel de Seignelay, hôtel voisin bâti par le même architecte que fut Germain Boffrand, ce bâtiment voit le jour en 1713, après que l’architecte ait lui-même acheté le terrain. Un ouvrage dont il ne profite guère, puisqu’il la vend un an après son installation à Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torcy et neveu de Colbert. Acquis par de nombreux propriétaires au fil des années, il revient finalement en 1803 à Eugène de Beauharnais, fils de Joséphine de Beauharnais, elle-même épouse du Premier consul : Napoléon Bonaparte. Particulièrement délabré après les pillages de la Révolution Française, l’hôtel particulier devient donc, contre 195 000 francs, la propriété du beau-fils du futur empereur des Français. Un établissement digne de ce nom pour celui que l’on considère alors comme le successeur de Bonaparte. Et pour rendre cet écrin encore plus beau, l’impératrice Joséphine et sa fille Hortense ne regardent pas à la dépense pour le faste de cet hôtel, à l’image de sa somptueuse bibliothèque au mobilier clinquant et aux serrures dorées, sublimée par son ouverture de plain-pied sur le jardin. Et que dire de l’ajout d’un porche de style égyptien, dont l’Europe se passionne tout juste. Revenu d’entre les morts, l’hôtel particulier a retrouvé une nouvelle gloire, et un nouveau nom : l’Hôtel de Beauharnais.
L’un des plus beaux vestiges du style Empire
L’hôtel délabré est devenu une résidence de rêve pour Eugène, nommé entre-temps archi-chancelier de l’Empire, puis vice-roi d’Italie. De quoi déclencher le courroux de l’empereur, qui n’apprécie pas forcément autant de dépenses. Dans une lettre datant de 1806, il reproche directement à son beau-fils d’avoir “jeté des sommes immenses à la rivière” et met l’embargo sur l’hôtel, qui n’est finalement habité par son propriétaire que durant un court séjour à Paris en 1811. Parmi les plus belles réalisations pour cet hôtel, le Grand Salon, comme il fut appelé dans l’inventaire de 1817, fait partie des plus belles créations de décor intérieur de l’Empire, avec ses quatre peintures représentant les allégories des saisons et des danseuses pompéiennes. Autre pièce à l’aménagement unique : une chambre à coucher ornée d’un plafond préservé depuis sa réalisation avec un lit à baldaquin qui demeure l’unique exemplaire de lit d’apparat d’un hôtel parisien de l’époque. Mais la suite n’est guère plus joyeuse pour l’Empereur. Du fait de son abdication en 1814 et de l’entrée des alliés à Paris, le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III décide de faire de l’hôtel de Beauharnais son logement et même le siège de la légation de Prusse, pour rivaliser avec l’ambassade du Royaume-Uni.
Un trésor jalousement gardé mais pas inaccessible
Il faudra attendre 1862 pour que l’hôtel devienne l’ambassade officielle de la Prusse, accueillant quelques années, comme un symbole, une réception où est invité… Napoléon III. Parmi les hôtes venus d’outre-Rhin, le chancelier Otto von Bismarck aimait travailler dans le boudoir turc, qui était la seule pièce chauffée. Demeurant le siège officiel de son ambassade jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, l’hôtel est ensuite offert à l’Allemagne, en 1962, par le président Charles de Gaulle, en signe de paix entre les deux pays. Un site emblématique de l’histoire de Paris, qui peut tout de même se vanter d’être la demeure la plus fidèle au style Empire, mais qui demeure avant tout un joyau bien secret. Fermé au public, y compris durant les Journées du Patrimoine, l’Hôtel de Beauharnais est toutefois ouvert les deux premiers lundis du mois pour une courte visite matinale, sous contrainte d’annulation de dernière minute liée à l’agenda de l’ambassadeur d’Allemagne. Un moment privilégié, où le nombre de visiteurs est forcément très restreint, qui permet d’admirer quelques merveilles comme le minuscule et non moins somptueux cabinet des bains. Riche d’une décoration basée sur les modèles de l’antiquité romaine, avec colonnettes et fresques, celui-ci accueille un boudoir turc, qui fait office de salle de repos et qui constitue un rare témoignage de la mode orientale vers 1800.
Hôtel de Beauharnais – Ambassade d’Allemagne
78 rue de Lille
75007 Paris
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Image à la une : Hôtel de Beauharnais © Ambassade d’Allemagne / F. Brunel