Cette somptueuse demeure construite sous le règne de Louis XIII abrite un passage secret pour relier une place emblématique de Paris !

Par Alexandre M

Conservés à merveille ou disparus avec le temps, les hôtels particuliers sont des trésors indissociables de Paris. De somptueuses demeures dont la plupart se trouvent dans un quartier de Paris jadis privilégié par la noblesse : le Marais. Parmi les plus beaux exemples d’hôtels particuliers qui ont fait la renommée de ce quartier, l’hôtel de Sully voit le jour au début du XVIIe siècle, sous l’impulsion de Mesme Gallet, contrôleur des finances dont la réalisation de cet hôtel majestueux doit être le point d’orgue de son ascension sociale.

Une demeure emblématique de Paris aux nombreux rebondissements

Mais si cette personnalité est devenue un sujet de prédilection pour les satiristes, c’est parce que Mesme-Gallet, en parallèle d’être contrôleur des finances. est aussi un joueur compulsif de dés. Une “passion” qui le conduit tout droit à la ruine. Il n’a donc pas d’autre choix que de vendre son précieux hôtel, encore inachevé, dès 1627, à l’un de ses créanciers, qui le revend aussitôt au conseiller d’État Roland de Neufbourg, qui fait terminer les travaux en 1630. Il faut ensuite attendre 1634 pour que Maximilien de Béthune, duc de Sully et conseiller d’Henri IV alors en disgrâce, achète le bâtiment achevé et entièrement aménagé. Il fait réaliser le décor intérieur qui subsiste aujourd’hui et, même s’il n’habite que très peu l’hôtel, celui-ci acquiert et conserve alors le nom de Sully, dont la famille possède la résidence jusqu’en 1752. Du temps où il appartient à la famille Sully, l’hôtel accueille de prestigieux invités, de Madame de Sévigné à Voltaire. Après la Révolution, l’hôtel passe entre les mains de négociants, devenant ensuite le campus des étudiants de l’École spéciale de commerce et d’industrie, avant d’être divisé au XIXe siècle en appartements et boutiques, à l’instar d’autres hôtels particuliers du Marais. Ce n’est finalement qu’à partir de 1967 que l’hôtel de Sully abrite la Caisse nationale des Monuments Historiques et des sites, remplacée depuis par le Centre des Monuments Nationaux (CMN). Pour rappel, cette institution a pour mission la mise en valeur du patrimoine qui lui est confié et l’ouverture au public, ainsi que la conservation, restauration et entretien des monuments qu’il gère.

Une façade riche de détails

Caractéristique des hôtels particuliers parisiens de la première moitié du XVIIe siècle, l’hôtel de Sully est souvent reconnu comme “l’une des demeures les plus accomplies du Marais”. Attribué à l’architecte Jean Androuet du Cerceau, la demeure éblouit d’abord par son corps de logis centré, entre cour et jardin, un dispositif qui caractérise l’hôtel “à la française”. De plus, la découverte de ce monument, frappant de ressemblance avec l’hôtel de Mayenne, impose un coup d’œil sur le registre décoratif des façades sur cour et jardin, de goût maniériste et d’inspiration Renaissance. Les plus attentifs pourront par exemple admirer les allégories des quatre éléments dans la cour de l’hôtel. L’Eau, l’Air, le Feu et la Terre y sont représentés dans la plus pure tradition antique. Tandis que l’Air porte à ses pieds un caméléon, un animal capable de monter sur les sommets des plus grands arbres, et que l’Eau tient une urne qui donne naissance à des créatures aquatiques, le Feu est accompagné d’un soleil et d’une salamandre et la Terre d’un lion, roi des animaux terrestres ici dompté. À l’intérieur de l’hôtel, certains décors ont été conservés, notamment ceux du plafond de la salle où avaient lieu les réceptions. Une salle qui abrite aujourd’hui la librairie du Centre des monuments nationaux.

Les sculptures représentant les allégories des Quatre éléments, ici la Terre et l'Eau © Mbzt — Les sculptures représentant les allégories des Quatre éléments, ici la Terre et l’Eau © Mbzt

Pause bucolique avant de rejoindre la mythique Place des Vosges

Non content de regorger de somptueux hôtels particuliers, Paris peut aussi se vanter de petites merveilles bucoliques et, une fois de plus, l’hôtel de Sully fait partie du tableau. Le jardin de l’hôtel de Sully est un petit coin de verdure à ne pas manquer lors d’une petite flânerie du côté du Marais. Tracé au XVIIe siècle, ce jardin s’articule autour de quatre pelouses cerclées de buis tout neufs et une orangerie, le tout surmonté du bâtiment des Centre des monuments nationaux. Sans oublier cette rosace en pierre finement ciselée, posée dans un angle, qui semble égarée dans ce vaste décor qui n’est pas le sien. Niché entre la très animée rue Saint-Antoine et la place des Vosges, ce charmant espace vert est un spot prisé par les étudiants et travailleurs des environs pour une pause déjeuner qui sort forcément de l’ordinaire… à condition d’avoir une place sur les seuls quatre petits bancs en pierre du jardin. En parlant de la Place des Vosges, l’Hôtel de Sully est en réalité une étape de charme reliant la rue Saint-Antoine à la place des Vosges. Au fond du jardin à droite, une discrète porte ouvre en effet sur une sorte de passage secret qui conduit directement à la place anciennement appelée place Royale.