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Portrait de Rose Bertin, ministre des modes

Modiste attitrée de la reine Marie-Antoinette, Rose Bertin a révolutionné les tenues de son époque. Dans un monde où la mode était une affaire d’hommes, elle a su s’imposer comme la plus grande créatrice de mode du XVIIIème siècle.

 

Des débuts prometteurs

Rose Bertin est née Marie-Jeanne Bertin 1747 à Abbeville, en Picardie. D’origine modeste, elle grandit dans cette région où le textile occupe une grande place en raison de la présence de la Manufacture des Rames, spécialisée dans les draps de luxe. Très jeune, elle sait qu’elle veut se tourner vers la mode, non pas comme simple couturière, mais comme créatrice.

Elle devient alors apprentie dans une manufacture de draps, puis dans un magasin de mode d’Abbeville. Elle se montre très douée et rejoint la capitale à 16 ans. Là, elle travaille comme modiste dans la maison de Mademoiselle Pagelle, marchande de mode en vogue. Dans ce travail, elle rencontre des grands noms de la société française et notamment la princesse douairière de Conti. Cette dernière deviendra sa protectrice.

Gravure de la boutique de Rose Bertin

Marie-Jeanne, qui se fait appeler Rose, commence à s’imposer. Dotée d’un véritable sens des affaires, elle prend son indépendance en 1770 et ouvre son magasin : Le Grand Mogol. Située rue du Faubourg-Saint-Honoré, déjà haut lieu du commerce du luxe à cette époque, sa boutique attire une très riche clientèle. Parmi ces prestigieuses clientes, elle reçoit par exemple la duchesse de Chartes. En 1774 ; cette dernière présente à Rose la toute jeune Reine de France, Marie-Antoinette. Entre les deux femmes, c’est un véritable coup de foudre : tandis que la souveraine est éboulie par les créations de Mademoiselle Bertin, cette dernière voit en Marie-Antoinette le mannequin idéal.

 

La « Ministre des Modes »

Rapidement, Marie-Antoinette choisit Rose Bertin comme modiste. Avant elle, la jeune reine ne se soucie que peu de son apparence et se fait habiller sans choisir ses toilettes. Avec cette collaboration, c’est une véritable révolution qui bouscule la façon d’habiller une souveraine. Auparavant, c’était un fournisseur officiel qui livrait des robes uniques à la Reine. Rose Bertin, elle, propose les robes que choisit Marie-Antoinette au reste de sa clientèle : les tenues de la Reine ne sont donc plus uniques.

Robe en fourreau or robe à l’anglaise ou grand habit – attribuée à Rose Bertin pour Marie-Antoinette – © Royal Ontario Museum

Devenue toute-puissante dans le monde des vêtements, Rose Bertin se fait surnommer sa Ministre des Modes par Marie-Antoinette. Les deux femmes sont très proches et s’entretiennent en privé, ce qui attire les jalousies des courtisans. Ces derniers sont scandalisés de voir une roturière devenir intime de la Reine. D’autant que Mademoiselle Bertin révolutionne les tenues de l’époque. Dans un premier temps, elle propose à Marie-Antoinette des grands habits de Cour, lourds et richement ornés, comme des robes à la française ou à la polonaise. Rapidement, elle comprend le désir de simplicité de la reine. Dans les années 1780, Mademoiselle Bertin met à la mode des robes plus simples, comme des robes champêtres en mousseline. Elle propose des robes sans tournure (NDLR : vêtement placé sous le jupon, fait de baleines métalliques et censé donner du volume à la jupe) mais simplement dotées de paniers légers. Elle se met aussi à habiller tous les aristocrates de la cour, y compris des hommes : autant des membres de la noblesse que des artistes ou des comédiens, ce qui était exceptionnel pour cette époque.

Marie-Antoinette par Elisabeth Vigée-Lebrun en 1783. Elle porte une création de Rose Bertin, une “robe-chemise” qui fera polémique.

Rose Bertin s’occupe également des accessoires dans les coiffures de la Reine. Elle s’associe au coiffeur Léonard pour proposer perruques ridiculement hautes, surnommées « poufs » à cette époque. Ornés de toutes sortes d’accessoires, de fleurs, d’animaux (parfois vivants !), d’automates, ces poufs sont très appréciés par les dames de la noblesse. Cette exagération collective autour des coiffures amènera beaucoup d’artistes à les caricaturer.

Exemple d’une coiffure “pouf”

 

Une personnalité avant-gardiste

Rose Bertin est aujourd’hui considérée comme l’instigatrice de la mode au sens moderne. Avant, le prix d’un vêtement est déterminé en fonction de la qualité du tissu et de la main d’œuvre. Tandis qu’avec elle, tout change : ses robes se vendent à des prix exorbitants car son nom devient une signature. Tout comme aujourd’hui, ce n’est pas nécessairement le vêtement en lui-même qui coûte cher, mais bel et bien la griffe du créateur.

Portrait présumé de Mademoiselle Bertin par Élisabeth Vigée Le Brun.

Elle invente aussi les changements de saison dans la mode. Elle a tout a fait compris qu’il faut proposer un renouvellement de plus en plus rapide auprès de sa clientèle pour générer un besoin. Ainsi, une tenue à la pointe de la mode un jour devient le summum de la désuétude quelques mois plus tard. Rose Bertin comprend également très rapidement le sens de la publicité : en habillant la Reine de France, censée être la femme la mieux vêtue d’Europe, elle apporte une visibilité hors-norme à ses créations et elle devient celle qui dicte les modes.

Dans ce monde autrefois exclusivement réservé aux hommes, elle s’impose et fait mieux qu’eux. Sans s’être jamais mariée, elle devient la première marchande de mode du royaume de France et amasse une fortune considérable. Dans son entreprise, elle emploit une trentaine de salariés et plus de cent-vingt fournisseurs.

 

Fuite et déclin

Mais l’heure n’est plus à la gloire pour Mademoiselle Bertin : la Révolution éclate en 1789. Le peuple la déteste autant que la Reine, la jugeant responsable du déficit de la France. Certes, le budget de la cassette de la Reine a doublé en dix ans à la suite de sa rencontre avec Rose Bertin, mais ce n’est pas ces dépenses qui ont causé la dette de la France. Contrairement à une idée largement répandue, la cassette de la Reine ne représentait qu’une infime partie du budget de la France. Ce sont surtout les guerres, et en particulier la Guerre d’Indépendance des Etats-Unis qui ont ruiné la France.

Portrait présumé de Mademoiselle Bertin par Louis-Amadée Van Loo (1789)

Rose Bertin reste quelques temps à Paris pendant la Révolution, où elle produit les cocardes tricolores pour les révolutionnaires. Restée fidèle à la Reine, c’est elle qui lui confectionne son grand habit de deuil à la mort de Louis XVI, en janvier 1793. Voyant qu’elle risque également sa vie, elle décide de rejoindre les aristocrates émigrés en Angleterre. Elle n’a plus de clientèle en France : tous sont morts ou ruinés. Elle propose donc ses services à l’étranger, notamment en Russie.

Elle rentre en France sous le Directoire, en 1795. Mais l’Ancien Régime et la haute aristocratie n’existent plus : son commerce est jugé trop cher et périclite. Elle ne retrouvera jamais son succès d’antan et elle meurt en 1813, à l’âge de 66 ans.

 

Virginie Paillard 

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