Cette crypte cachée sous une église rappelant les Catacombes de Paris nous renvoie aux heures sombres de Lyon !
Au-delà d’émerveiller les touristes et curieux par leur apparât ou leur grandeur, les monuments sont avant tout des reflets d’une époque ou d’un événement particulier. Dans un pays riche en événements, il n’est donc pas étonnant de trouver en France des milliers de stèles, églises, palais ou sculptures. Toutefois, tous les monuments ne sont pas recouverts de feuilles d’or ou mis en lumière : il faut parfois s’enfoncer dans les profondeurs, parmi des crânes et des ossements par milliers. Vous ne nous croyez pas ? Entrez donc dans la crypte des Brotteaux en plein Lyon…
Une plaine lyonnaise marquée par le sang de nombreuses victimes
Pour mieux comprendre l’histoire de ce lieu étonnant, il faut d’abord replonger dans l’histoire de la ville de Lyon, et accessoirement celle de France. 4 ans après la Révolution Française, le pays vit alors sous le régime de la Terreur. Du côté de Lyon, la révolte gronde du côté du peuple, qui manifeste principalement pour son droit de croyance. En réponse à cette violence, la Convention, qui dirige le gouvernement, prend la décision de faire taire les contre-révolutionnaires en envoyant l’Armée des Alpes sur le terrain. Et le mot d’ordre de la Convention est plutôt clair : tous ceux qui avaient participé de près ou de loin aux mouvements de révoltes sont emprisonnés et jugés. Commence notamment l’épisode de “terreur rouge”, qui voit hommes, femmes et enfants ayant participé de près ou de loin à ce soulèvement être pourchassés, emprisonnés puis guillotinés. Très vite, les prisons sont pleines et la guillotine place des Terreaux ne suffit plus : les soldats fusillent les condamnés sur la rive gauche du Rhône, dans la plaine des Brotteaux, qui est alors un marécage. Ce qui donne lieu à des scènes insoutenables, de nombreux blessés étant achevés à la baïonnette tandis que certains sont piétinés par des chevaux ou même enterrés vivants. Le chiffre a de quoi faire frémir : plus de 2000 personnes tuées entre octobre 1793 et avril 1794. Horrifiés, les soldats refusent de prendre part à ces massacres toujours plus traumatisants, comme ce jour du 3 décembre 1793, où pas moins de 209 Lyonnais tombent fusillés dans cette plaine des Brotteaux, près de la grange dite de la Part-Dieu.
Un mémorial plusieurs fois remanié mais jamais oublié
Désireuses de rendre hommage à leurs proches, les familles font construire en 1795 un cénotaphe près des Brotteaux. Ce premier monument, dit monument des Brotteaux, est élevé sur les plans de l’architecte Claude-Ennemond Cochet, avec des ornements et des statues du sculpteur Joseph Chinard. De forme rectangulaire, le monument est surmonté d’une coupole en forme de pyramide. Très vite détruit par un incendie, celui-ci est remplacé par une seconde chapelle, qui sera à son tour détruite en 1906. Un sort inévitable pour le monument, dont l’avenir faisait débat depuis plusieurs années déjà. Avec la forte augmentation de la population et à l’aménagement du quartier, une vaste opération d’urbanisme oblige la création d’un passage sur le terrain qui abrite alors le monument. Tandis que la destruction est envisagée, riverains, politiques et religieux montent au créneaux : plus de 2 000 Lyonnais signent une pétition s’opposant à ce projet de démolition. Un compromis sera finalement trouvé, avec la destruction de la structure pyramidale mais la reconstruction, quelques mètres plus loin, d’un nouveau monument dédié à la mémoire des victimes de 1793. Cette troisième chapelle, de style romano-byzantin, est construite entre 1898 et 1908 sur un projet de Paul Pascalon, et les ossements contenus dans la crypte du Monument des Brotteaux sont ainsi transférés au début du XXe siècle dans le caveau de la nouvelle chapelle.
Ambiance particulière pour une visite assurément marquante
Aujourd’hui encore, la chapelle Saint-Croix, d’apparence assez austère, renferme cet ossuaire si particulier, formant un impressionnant amoncellement de crânes et d’os tout comme dans les Catacombes de Paris. Des ossements incroyablement bien conservés et visibles grâce à la chaux versée sur les corps, juste après les exécutions. Véritable plongée (macabre) dans l’histoire de Lyon, la chapelle abrite également, dans la nef, les noms des “Victimes Lyonnaises immolées en 1793-1794” gravés sur des plaques de marbres. Reprenant la profession et l’âge des victimes, ces registres reproduits évoquent toutes ces victimes âgées de 18 à plus de 70 ans et de toutes origines (religieux, artisans, commerçants, domestiques, etc.). De quoi offrir aux plus curieux une visite essentielle pour mieux comprendre cette époque troublée, à condition de plonger dans un silence glaçant et une atmosphère glauque, parmi ces nombreuses victimes, pour une visite assurément marquante. Pour visiter cet ossuaire, il n’y a pas d’autre choix que de téléphoner à la congrégation religieuse qui occupe la chapelle actuellement pour demander une visite guidée.
Chapelle expiatoire de la Croix Glorieuse – Crypte des Brotteaux
145 rue de Créqui
69006 Lyon
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Image à la une : Crypte des Brotteaux © Joseph-René Mellot