Lieu insolite, théâtre d’événements historiques, grottes remplies d’étonnants récits ou jardin paisible, ce sont de tels lieux, à côté des monuments qui attirent chaque année des millions de curieux, qui font également la richesse d’une ville. Tout comme Paris ou Marseille regorgent de sites insolites, la ville de Lyon est aussi une destination immanquable pour les amateurs de curiosité…
L’œuvre d’un homme pour sa mère
C’est dans la cour intérieure d’un immeuble du 4ème arrondissement que se cache l’un des espaces espace les plus étonnants de Lyon : le Jardin Rosa Mir. Celui-ci est l’œuvre de Jules Senis Mir, un maçon espagnol installé à Lyon avec sa famille dans les années 50. Formé à la rigoureuse école du compagnonnage, il devient artisan maître maçon, respectant ainsi une tradition familiale de 4 générations. Engagé du côté républicain pendant la guerre d’Espagne, il se résout, pour fuir le franquisme, à se réfugier en France en 1947. En 1951, il arrive à Lyon avec sa femme et ses deux fils, s’installe à la Croix-Rousse et crée une entreprise de maçonnerie et carrelage. Après des années d’hospitalisation pour traiter un cancer, Jules Senis fait le vœu de construire un jardin à l’arrière de son immeuble grande rue de la Croix rousse s’il obtient une rémission. Guéri, il va alors réaliser patiemment à partir de 1958 le jardin qu’il avait rêvé. Pendant près de 25 ans, il travaille à aménager cet espace de 400 m² de vieux tuyaux préfabriqués avec galets, cailloux et coquillages d’huîtres récupérés aux Halles. Un jardin pour le moins étonnant mais dédié à sa mère Rosa Mir Mercader ainsi qu’à la Vierge Marie, à laquelle un autel est consacré. Peu avant la mort de Jules Senis Mir, en 1983, l’Association des amis du jardin Rosa Mir est créée pour préserver et promouvoir ce site. Malheureusement, avec les années, le jardin se dégrade, à tel point que la ville de Lyon, propriétaire du site, décide de le fermer au public en 2013 afin d’engager des travaux de rénovation importants. Ce n’est qu’en 2016 que ce jardin assurément insolite rouvre au public.
Quand la nature et la poésie ne font qu’un avec la culture espagnole
Après 5 ans de rénovation avec le concours de l’architecte paysagiste Frédéric Reynaud, le jardin Rosa Mir est réapparu plus poétique que jamais. Si le site a à nouveau fermé entre-temps, à cause de la Covid et d’un mur mitoyen risquant l’effondrement, la prouesse est d’autant plus remarquable que, Jules Senlis n’ayant jamais dessiné de plans, les différents paysagistes ont dû redonner vie à la composition initiale à partir de photos d’archives. Près de 450 végétaux ont été plantés dans les vasques supérieures et 4000 joubarbes ont trouvé place dans les coquilles Saint-Jacques. Aux côtés des 750 vivaces, on peut également trouver une palette impressionnante de 5000 plantes importées de Méditerranée. C’est d’ailleurs pour cette raison que, si l’originalité de ce jardin évoque souvent pour les visiteurs l’œuvre du facteur Cheval, cet espace lyonnais se démarque ici par son savant mélange d’art floral et de structures décorées mariant finement le minéral et le végétal. Pénétrer dans ce jardin en plein cœur de Lyon, c’est également entrer pleinement dans la culture espagnole, puisque la structure architecturale est marquée par les lieux d’Espagne sur lesquels Jules Senis a travaillé : une Espagne multiculturelle et républicaine, l’Alhambra de Grenade, la basilique de Montserrat en Catalogne sans oublier une touche de l’architecte Gaudi, le “constructeur” de Barcelone à qui l’on doit notamment le parc Güell et la Sagrada Familia.
Le passage obligatoire pour une virée à Lyon
Le matériel de base de ce jardin est le ciment, d’une grande qualité pour l’époque et qui permet de faire le lien entre la pierre et le coquillage. Deux matériaux qui ont permis à Senis d’apporter une certaine esthétique à son jardin, tout en jouant avec les couleurs blanc cassé, beige, gris et noir. Cette utilisation de la pierre et des coquillages pour former des colonnes surplombées de verdure rend le spectacle encore plus mémorable et s’annonce surtout comme un appel aux plus belles photos. De nouveau ouvert au public, ce jardin pas comme les autres peut se visiter chaque samedi après-midi, mais en petit comité. Pour les plus curieux, les moindres charmes de cet espace peuvent également se découvrir à travers une visite guidée au prix de 6 euros. De quoi pleinement occuper une future virée à Lyon cet été, sur les traces d’un petit paradis discret et poétique qui peut se vanter d’être classé à l’inventaire des monuments historiques et de posséder le label “Patrimoine du 20e siècle”.
Jardin Rosa Mir
87 Grande Rue de la Croix-Rousse – Lyon 4e
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Image à la une : Jardin Rosa Mir © Adobe Stock