C’est dans le 6e arrondissement, sur le boulevard des Brotteaux au numéro 53, que se trouve une demeure qui ne cesse d’attirer les curieux. Assurément, la simple vision de cette habitation a de quoi surprendre. La question qui se pose logiquement est donc : comment a-t-on pu construire des immeubles, non pas à côté, mais autour de cette maison ?
Une histoire de famille et de projet immobilier
Cette demeure du XIXe siècle est construite en 1888 par un modeste industriel lyonnais du nom de Roland Valla. Possesseur d’une usine de graisses minérales à l’angle de la rue Ney et du cours Lafayette dans le 6e arrondissement, cette maison demeure habitée jusqu’à la fin des années 1990 par les descendants du chef d’entreprise. Si les villas des grands industriels lyonnais de la fin du XIXe siècle sont connues, comme la Villa Lumière ou la Villa Gillet, les habitations des industriels plus modestes ont pour la plupart disparu et la maison Valla en est l’un des derniers spécimens. Une histoire tranquille qui va prendre fin lorsqu’un promoteur achète la maison en cette fin de XXe siècle, avec pour projet de la démolir et de construire un immeuble au même endroit. Dans un quartier qui poursuit son développement avec la multiplication d’immeubles de bureaux, le projet de construction voit très rapidement le jour. Mais tout est stoppé in extremis, lorsque l’Architecte des bâtiments de France, aidé par la ténacité du petit-fils Valla qui s’est battu pour préserver la demeure de son enfance, empêche sa démolition en la classant monument historique.
Une prouesse architecturale au-delà de la simple curiosité
Le fait que la demeure se situe dans une zone de protection à proximité de la gare des Brotteaux, qui est un site classé, et que la façade témoigne de ce que pouvait être le boulevard à l’époque sont des arguments de taille dans cette décision. Une sauvegarde qui ne met toutefois pas un stop au projet de construction d’un immeuble. Débute alors une phase de concertation entre l’acheteur et la collectivité pour savoir comment sauvegarder la demeure tout en construisant un vaste immeuble contemporain. Il suffit d’admirer le résultat aujourd’hui pour comprendre qu’une folle option est finalement retenue. Pour pallier les coûts importants des travaux, impliquant l’utilisation de techniques spécifiques et la perte de surface due au trou, la société Capri négocie un étage supplémentaire et choisit finalement de réaliser des bureaux, plus rentables. Désormais, la maison se retrouve reliée au reste du bâtiment via une coursive qui donne accès à un ascenseur permettant de se rendre aux étages supérieurs. Une destinée étonnante mais à l’issue positive pour cette demeure emblématique du passé lyonnais… qui a bien failli connaître un autre avenir.
L’un des derniers spécimens de son espèce
Avant l’immeuble de bureaux, le promoteur de l’époque avait en effet imaginé de faire de la maison Valla un restaurant dans l’esprit d’une brasserie Bocuse. Un appel à projets avait même été lancé, mais aucun restaurateur n’a tenté l’aventure. Désormais rebaptisée “Mad House”, cette demeure bourgeoise du XIXe siècle a sans surprise perdu un peu de son charme d’antan avec tous ces travaux. Toutefois, quelques pièces conservent des marques de sa vie passée, grâce à de belles boiseries, moulures et autres cheminées. Et que dire des anciens cabinets de toilette, qui contiennent deux imposantes fenêtres à vitraux, l’une représentant l’image de Pallas et l’autre de Junon. La légende raconte que tous ces éléments décoratifs auraient été dessinés par Roland Valla lui-même. Désormais préservée pour toujours, la maison Valla fait partie de ces trésors où le passé et le présent se rencontrent, ou plutôt, dans ce cas bien précis, cohabitent à merveille.
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Image à la une : Maison Valla © Benoît Prieur