C’est un fait commun à toutes les villes : chaque quartier raconte une histoire sur le passé de sa ville, voire de sa région. Ancien village annexé, boom industriel ou héritage d’un savoir-faire aujourd’hui disparu… les origines peuvent être très différentes mais à chaque fois fascinantes. Prenons le cas de ce quartier à une vingtaine de minutes de Lyon, qui n’était encore qu’un modeste village au début du XXe siècle… mais dont la simple vue nous ferait penser à New York.
Faire de Villeurbanne une ville “accueillante, exemplaire et saine”
Village voisin de Lyon, la commune de Villeurbanne voit sa population fortement augmenter avec la révolution industrielle, sa croissance démographique provenant alors de la délocalisation d’activités économiques de Lyon. De 5 000 habitants en 1856, les chiffres gonflent jusqu’à 42 000 habitants en 1911 et même 82 000 habitants en 1931. Une explosion démographique qui entraîne forcément une problématique de taille : la question du logement. La ville voit la construction de grandes usines et doit prévoir les logements nécessaires à cette poussée démographique. Cabanes en bois et taudis insalubres se multiplient, favorisant la prolifération des maladies. Élu maire en 1924, Lazare Goujon est préoccupé par les questions d’hygiène et de maladie, et souhaite offrir aux ouvriers un confort moderne tout en créant pour Villeurbanne, un vrai centre-ville. Une manière d’affirmer que Villeurbanne n’est pas Lyon, mais bel et bien une commune à part entière. L’objectif est clair : doter Villeurbanne d’un nouveau centre urbain pour “transformer la commune en une véritable ville, accueillante, laborieuse, exemplaire, saine et humaine”. Nés de la rencontre entre le maire visionnaire et un architecte avant-gardiste, Morice Leroux, les prémices d’un nouveau centre regroupant à la fois des habitations et des équipements municipaux voient le jour : le Quartier des Gratte-Ciel.
Une inspiration puisée outre-Atlantique
Dès 1928, les éléments du futur quartier prennent forme : le premier bâtiment à voir le jour est le Palais du travail, un véritable “temple laïque, centre d’activité intellectuelle, artistique et morale, indispensable au développement de la cité, ainsi qu’à l’éducation intégrale de la classe ouvrière”, qui abrite d’abord un dispensaire d’hygiène municipal puis une piscine, un théâtre, une brasserie et une maison du peuple. Si la crise économique de 1929 freine le projet, un hôtel de ville et surtout près de 1500 logements viennent ensuite compléter le tout. Réalisé par Robert Giroud, grand prix de Rome, l’hôtel de ville est un édifice aussi surprenant que monumental, dominé par un beffroi de 65 mètres de haut. Deux tours géantes de 19 étages et 60 mètres de haut encadrent l’entrée de ce nouveau centre et s’inscrivent d’emblée dans l’histoire de la ville, à tel point qu’elles figurent dans le logo de la ville. Rien que ça ! Quatre ans à peine se sont écoulés entre la conception et l’inauguration car, pour imaginer ce qui sont alors les premiers gratte-ciel de France, les architectes et ingénieurs se sont inspirés des édifices nord-américains pour l’esthétique et les techniques de construction. Les immeubles que l’on imagine en béton ont en fait été édifiés grâce à une structure métallique et à un remplissage de briques, le tout enduit de ciment. Une technique assurant économie, rapidité d’exécution et solidité. Un pari plus que réussi puisque 90 ans plus tard, ces étonnants Gratte-Ciel sont toujours là.
Un quartier engagé dans un chantier XXL
Nourri d’une utopie moderniste et du rêve américain, et exemple quasiment unique d’un centre urbain composé de logements sociaux, le quartier des Gratte-Ciel demeure une fascinante expérience à voir de ses propres yeux, que ce soit pour un shooting photo dans un cadre qui sort de l’ordinaire ou à des fins culturels. En effet, il est possible de découvrir la reconstitution d’un appartement typique des années 30 au moment des Journées du Patrimoine. Sans oublier son passé, l’emblématique quartier de Villeurbanne est également tourné vers l’avenir et s’apprête à ouvrir un nouveau chapitre de taille. Doubler la surface du centre-ville historique de la commune, c’est l’objectif du chantier colossal qui a démarré en 2024 et dont la livraison est attendue mi-2027. Dans les faits, pas moins de six tours de logements , des commerces et services, un cinéma municipal, un bureau d’information jeunesse et des jardins suspendus avec une activité d’agriculture urbaine professionnelle sont ainsi attendus pour inventer un urbanisme en harmonie avec l’œuvre architecturale des Gratte-Ciel tout en répondant aux exigences de la ville de demain. Avec ce projet urbain, Villeurbanne devrait accueillir 1 750 nouveaux habitants à l’horizon 2030, dans des logements toujours abordables, fidèles à l’esprit de ce quartier emblématique.
Quartier Gratte-Ciel
Avenue Henri Barbusse
69100 Villeurbanne
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Image à la une : Quartier Gratte-Ciel © Adobe Stock