Au même titre que la circulation ou le prix des loyers, la gestion des déchets à Paris est un sujet qui cristallise beaucoup de tensions. Dans une capitale en perpétuelle développement et face à une population forcément importante, la Ville de Paris s’est lancée depuis de nombreuses années dans un vaste dispositif de lutte contre les déchets… et celui-ci va connaître un nouveau chapitre pour les années à venir.
Des stations de tris toujours plus nombreuses dans les rues
“Sur le plan écologique, ce n’est plus soutenable”. Les mots étaient forts jeudi 12 décembre de la part d’Antoine Guillou, adjoint au maire en charge de la propreté de l’espace public et de la réduction des déchets, à l’occasion d’une visite de la recyclerie de Belleville (20ème arrondissement). Alors que les déchets, liés notamment aux livraisons à domicile, sont de plus en plus nombreux, ce dernier était présent pour dévoiler le nouveau plan déchets 2024-2030. Composé de 8 axes d’actions et de 24 mesures, ce plan doit permettre de réduire d’au moins 100 000 tonnes la quantité de déchets ménagers et assimilés, soit 20 % de moins par rapport à 2010. De quoi faire disparaître pour de bon le statut de “mauvais élève” en matière de tri sélectif, que Guillou reconnaît.
Pour y remédier, l’adjoint au maire a notamment annoncé la mise en place de “points de collecte dans nos centaines d’équipements publics parisiens”. Le plan prévoit ainsi de passer de 387 stations de tris, les “trilibs”, à 500 d’ici 2030. Alors que 30 % de nos poubelles sont des déchets alimentaires, qui peuvent être compostés, la pratique du bac à compost doit encore être développée, grâce notamment au programme d’un millier d’immeubles “zéro déchet”. Si le plan est estimé à 6 millions d’euros par an dédiés à son bon fonctionnement, Antoine Guillou estime qu’“à la fin, cela permettra de faire 25 millions d’euros d’économies par an”, les ordures ménagères étant les plus coûteuses car non valorisées. Par ailleurs, l’adjoint au maire a déclaré que la tarification des entreprises à Paris allait évoluer, pour les inciter à recycler.
Les chiffres vertigineux de la lutte contre les déchets
Chaque jour, 3 000 tonnes de déchets sont collectées sous la responsabilité de la mairie de Paris, qui a pour obligation de collecter les déchets des ménages, c’est-à-dire des particuliers. Quant aux professionnels et aux associations, ils sont responsables de l’élimination de leurs déchets et peuvent recourir à un prestataire de leur choix, qu’il s’agisse de la Ville de Paris ou d’une entreprise privée. En 75 ans, le volume de déchets à Paris a doublé, passant de 239 kg par habitant en 1940 à 485 kg en 2015. Si ce chiffre colossal a connu une certaine chute pendant la pandémie de COVID-19, aidant la ville à dépasser son objectif de réduction des déchets ménagers de 10 % par rapport à 2010, avec un total de 403 kg par habitant en 2020, il est toutefois revenu à la hausse en 2021 et 2022 (425kg et 450kg).
Loin d’être une exception, puisque les pays de l’OCDE ont produit en moyenne 535 kg de déchets municipaux par habitant en 2019, Paris peut toutefois s’inspirer de certaines villes, comme Amsterdam et Tallinn (Estonie), où il existe des centres locaux de réparation et de restauration, ainsi que des dispositifs de partage de produits entre habitants. Aux États-Unis, le programme Zéro déchet de San Francisco facilite la réutilisation des surplus de la ville au sein du secteur public et leur don aux ONG et aux écoles, tandis que la ville de Groningue aux Pays-Bas a lancé une “bataille alimentaire” de sensibilisation à la réduction du gaspillage alimentaire. En attendant, Paris a été parmi les villes pionnières à se doter d’un projet en matière d’économie circulaire. Dans le cadre de sa stratégie, Paris a ouvert 15 centres de recyclage (ressourceries et recycleries), grâce auxquels elle évite la mise en décharge et l’incinération de près de 3 000 tonnes de déchets par an, mais a aussi aménagé des espaces publics construits à partir de matériaux recyclés, mis en place un quartier d’affaires circulaire ou encore promu le démontage au lieu de la démolition.
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Image à la une : Camion poubelle dans Paris © Guillaume Bontemps / Ville de Paris