
Partie intégrante du paysage des quais de Seine, depuis au moins le XVIe siècle, les bouquinistes de Paris semblent aujourd’hui de plus en plus menacés… Les vendeurs de livres vivent sous un régime précaire, que la crise du livre et les bouleversements politiques et urbains de ces dernières années n’ont fait qu’aggraver.
Les bouquinistes à Paris, une institution
Au XVIe siècle, des petits marchands colporteurs commencent à prendre possession des quais de Seine pour vendre leurs livres. Tour à tour chassés puis réintégrés sous agréments, les bouquinistes de Paris ont peu à peu marqué de leur empreinte les quais de Seine, et contribuent à lui donner son charme ancien. Les XIXe et XXe siècles sont à cet égard un « âge d’or » pour les bouquinistes parisiens, dont le nombre ne cesse d’augmenter entre 1892 et 1991, passant de 156 à 240. Tous les Parisiens raffolent de ces livres d’occasions, vendus à moindre coûts, par des libraires non-professionnels avec qui on aime discuter et sociabiliser. Etudiant du quartier latin venu acheter un livre pour les cours, vieil homme passionné de littérature… la clientèle des bouquinistes était alors essentiellement parisienne et fidèle. Aujourd’hui, ce sont 3 km de livres anciens ou contemporains, gravures, timbres et autres revues que l’on peut arpenter.

Et pourtant, malgré la place occupée par les bouquinistes à Paris depuis plusieurs siècles, on observerait une régression significative dans leur statut. Alors que certains vivaient de ce commerce du livre au XXe siècle (sans non plus rouler sur l’or), un bouquiniste, dans les années 2010, aurait bien du mal à gagner 100 euros par mois… De plus en plus de bouquinistes seraient d’ailleurs prêts à adapter leur petit commerce à la demande touristique et à vendre des souvenirs plutôt que des livres. Pire encore, certains bouquinistes songeraient à fermer boutique définitivement. Pour quelles raisons ?
Trois facteurs explicatifs à la crise des bouquinistes
Le premier facteur qui expliquerait la crise des bouquinistes serait liée à celle, plus générale, affectant le livre. La concurrence d’Internet et des plateformes de revente type Amazon plombent le marché du livre, car elle rend les intermédiaires traditionnels (les libraires et les bouquinistes) superflus pour le consommateur.
Dans la même veine, les attentes des consommateurs de livres ont beaucoup changé depuis une dizaine d’années. Alors que les grands classiques (Zola, Victor Hugo…), que l’on retrouve en majorité sur les étaux des bouquinistes, trustaient les premières places des ventes dans les années 1990, les nouvelles générations de lecteurs préfèrent des ouvrages plus récents, ancrés dans l’actualité, comme en témoigne les succès des essais politiques (best-sellers chaque année).
Enfin, il faut aussi évoquer les effets du tourisme de masse sur la baisse des ventes des bouquinistes. Revers de son institutionnalisation au patrimoine mondial de l’UNESCO, en 1991, les bouquinistes sont aujourd’hui un objet touristique, au même titre que les monuments parisiens. Leur vocation mercantile passe au second plan pour la clientèle étrangère, largement majoritaire sur les quais de Seine, par rapport aux Parisiens qui, depuis une dizaine d’années ont délaissé les quartiers centraux.
Aujourd’hui, plus que jamais, les bouquinistes semblent menacés par une diversité de facteurs. Or, Paris perdrait son âme avec la disparition de ses bouquinistes…