fbpx

Petite histoire du mythique restaurant Lapérouse

Par Colombe

« Maison de plaisirs » : le Lapérouse porte bien son nom ! Cet hôtel particulier du XVIIIe siècle a été le témoin de multiples événements historiques ou anecdotiques, d’histoires plus ou moins secrètes et de discussions littéraires ou frivoles… Restaurés en 2018, dix salons et ne grande salle s’offrent à nous au cœur du 6e arrondissement.

Une cave à vin devenue le premier restaurant trois étoiles de la capitale…

Tout commence en 1766, lorsqu’un certain monsieur Lefèvre, limonadier du roi Louis XV, rachète un petit hôtel particulier sur les quais de Seine, entre la place Saint Michel et le Pont Neuf. Situé en face du marché de la Vallée, spécialisé dans la volaille et le gibier, le local devient un marchand de vin et petit restaurateur. Rapidement, Lefèvre décide d’ouvrir les chambres de domestique situées au 1er étage pour les hôtes de passage. Les salons de Lapérouse qui feront sa renommée sont nés.

100 ans plus tard, en 1866, Jules Lapérouse devient propriétaire du lieu et ambitionne de le transformer en restaurant connu pour l’excellence de sa cuisine et pour son cadre. Au même moment, l’adresse devient officiellement« Lapérouse », non pas en hommage à son propriétaire, mais en hommage au grand navigateur Jean-François de Galaup, comte de Lapérouse officier de la Marine royale et explorateur français. Le succès est au rendez-vous et, en 1933,  le restaurant devient le premier à décrocher une troisième étoile au très célèbre guide Michelin.

À partir de 1969 et la perte de sa troisième étoile, Lapérouse traverse des années plus sombres, le restaurant étant, comme de nombreuses tables historiques, souvent cantonné au statut “d’attrape-touristes” qui ne vit que sur ses acquis.  Il faudra attendre 2018 et l’arrivée du chef Jean-Pierre Vigato pour que l’établissement retrouve de sa superbe : « nous avons décidé de faire une carte inspirée de son histoire avec un vrai service classique à l’ancienne ». Ce dernier se fait encore « à la clochette » pour que les clients ne soient pas dérangés. Une carte renouvelée qui garde néanmoins quelques grands classiques tel que le « bœuf Wellington » servi en mai 1940 à Winston Churchill ! Vigato y intègre son plat signature, la charlotte de pommes de terre de Noirmoutier et son caviar Lapérouse.

Où le tout-Paris se partage des secrets bien gardés

Mais Lapérouse, ce n’est pas seulement une gastronomie hors norme, ce sont aussi des clients historiques et un lieu mythique de la Belle Époque. George Sand, Emile Zola, Baudelaire, Guy de Maupassant, Alfred de Musset, Flaubert, Victor Hugo ; on ne compte plus les grands personnages qui ont élu domicile à Lapérouse. Entre la fin du XIXe siècle et la Première guerre mondiale, le restaurant devient pratiquement un salon littéraire avant d’élargir encore sa clientèle en accueillant des notables, des personnalités politiques et des hommes d’affaires.

Les petits salons deviennent l’antre des amours clandestins où les sénateurs retrouvent secrètement les cocottes les plus célèbres de leur temps comme Caroline Otero ou Liane de Pougy. Là, à l’abri des regards, des mots doux et cadeaux s’échangent et pour vérifier que leurs amants ne se moquent pas d’elles, les courtisanes griffent les miroirs avec les pierres précieuses pour attester de leur valeur. Les traces sont intactes et nous transportent au cœur d’histoires croustillantes. On raconte même que les sénateurs y rejoignaient leur maitresse par un petit souterrain relient le salon au Sénat. C’est d’ailleurs dans ce restaurant mythique que serait née l’expression « se taper la cloche » : la configuration architecturale des salons entrainait de petits incidents pour les messieurs en hauts-de-forme qui se cognaient la tête dans l’embrasure des portes.

©Lapérouse

Plus tard encore, d’autres grandes figures fréquentent ce lieu à l’instar de Cocteau, Berlioz, Sarah Bernhardt, Orson Wells, Albert Einstein ou François Mitterrand. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la cave à vin, sauvée de la crue de 1910, sert d’abri pour se protéger des bombes allemandes. Aujourd’hui, plus de 800 références décorent les murs de pierre et pas moins de 7000 bouteilles de vin de Bourgogne alimentent le restaurant.

Une source d’inspiration à travers les époques

De Honoré de Balzac dans son roman-feuilleton La Maison Nucingen en 1837, aux scènes du mythique Midnight in Paris de Woody Allen en passant par Marcel Proust qui le cite dans un de ses tomes de la Recherche du temps perdu, Lapérouse est aussi une muse, inspirant les auteurs et les créations de toutes les époques. Mais c’est sans doute Frédéric Beigbeder qui aura le mot de la fin concernant ce lieu riche en Histoire et en histoires  : « on pourrait condenser trois siècles de Paris sans sortir du 51 quai des Grands Augustins. »

Lapérouse – 51 quai des Grands Augustins 75006

À lire également La petite histoire du Procope