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Le Palais de Tokyo, un anti-musée dans la ville

Par Romane Fraysse

L’année 2022 marque les 20 ans du Palais de Tokyo. Dédiés à la scène artistique émergente, ses 22 000 m2 en font le plus grand centre d’art contemporain d’Europe. Mais avant de devenir un véritable laboratoire d’expérimentations, le monument a connu de multiples métamorphoses depuis sa création lors de l’Exposition internationale de 1937.

Les prémices d’un palais des arts

En 1937, une Exposition internationale des arts et techniques de la vie moderne est organisée à Paris. Au lendemain de la guerre, elle a notamment pour but de promouvoir la paix entre les nations. Installée sur le Champs-de-Mars et le Trocadéro, elle donne naissance à un foisonnement de monuments éphémères s’habillant, pour la plupart, de la paisible couleur bleue. De cet ensemble, le Palais de Tokyo est l’un des trois survivants, avec le Palais de Chaillot et le Palais d’Iéna.

Le Palais de Tokyo lors de l’Exposition internationale de 1937. Au premier plan, les sculptures réalisées par Drivier et Guénot. Au fond, les bas-reliefs de Janniot.

Près de la Seine, le terrain de l’ancienne manufacture de tapis de la Savonnerie est alors choisi pour construire le bâtiment. Nommé ainsi en référence au quai de Tokio – actuelle avenue de New York – le palais est d’emblée conçu pour accueillir deux musées distincts : le Musée d’art moderne de la Ville de Paris dans l’aile est, et le Musée national d’art moderne dans l’aile ouest. Parmi les 128 propositions du concours d’architecture, auquel participent notamment Le Corbusier ou Mallet-Stevens, c’est finalement le projet des méconnus Jean-Claude Dondel, André Aubert, Paul Viard et Marcel Dastugue qui est alors retenu.

Pour séparer les deux musées, les quatre architectes conçoivent l’imposant palais avec un patio central entouré d’un portique à double colonnade. On retrouve une esthétique ostensiblement classique avec sa monumentalité, sa symétrie et ses fontaines. Ouvertes sur la Seine, les terrasses extérieures sont quant à elles composées de bas-reliefs d’Alfred Janniot mettant en scène une kyrielle de muses antiques à la gloire des Arts. A contrario, le choix d’une structure en béton massif, entièrement recouverte de dalles de calcaire, dévoile la volonté de promouvoir une architecture moderne. Sans le savoir, ce mélange de genres annonçait déjà l’hybridation caractéristique du futur musée d’art contemporain qui allait s’implanter dans l’aile ouest après plusieurs décennies.

Les métamorphoses de l’aile ouest

Si le Musée d’art moderne de la ville de Paris est installé depuis ses débuts, l’aile ouest connaît quant à elle de nombreuses agitations. Initialement, l’Etat y implante un musée national d’art moderne pour y transférer les collections du musée du Luxembourg et du Jeu de Paume, alors trop exigus. Mais avec l’inauguration du centre Pompidou en 1977, l’aile ouest se libère de nouveau : les œuvres les plus récentes s’installent à Beaubourg, tandis que les postimpressionistes rejoignent le musée d’Orsay.

Salle de l’ancien Musée national d’art moderne au Palais de Tokyo.

Durant quelques années, un musée d’Art et d’Essais occupe les lieux sans trop savoir se définir : on y trouve des peintures de la seconde moitié du XIXe siècle, quelques œuvres de Picasso en attente d’un musée dédié au peintre cubiste, ainsi que quelques collections de donateurs ayant refusé le transfert au centre Pompidou. Mais avec le succès triomphant du septième art, cet espace hétéroclite est remplacé dès 1986 par le Palais de l’image qui rassemblera La Cinémathèque française, la FEMIS et le Centre National de la Photographie durant quelques années avant qu’ils ne soient de nouveau dispersés dans d’autres monuments parisiens.

Il faut attendre 2002 pour que l’aile ouest trouve définitivement sa voie, jusqu’à s’accaparer l’historique appellation de « Palais de Tokyo ». Consacré à la scène artistique émergente, le musée cherche ainsi à se démarquer du centre Pompidou qui honore des créateurs à la réputation déjà établie. Les architectes Anne Lacaton et Philippe Vassal réhabilitent alors les 22 000 m2 en déshabillant le bâtiment de ses fioritures, dévoilant ses structures et son béton brut.

L’effervescence d’un anti-musée

Ouvert jusqu’à minuit, le Palais de Tokyo se révèle à toute heure comme un lieu hybride dans lequel tous les arts se rencontrent. Cinéma, performance, littérature, mode, peinture, vidéo, textile… les œuvres entrent en dialogue avec le spectateur qui ne voit plus l’espace muséal comme un lieu de conservation d’un patrimoine ancien. Bien au contraire, cette surface de quatre étages se réinventent indéfiniment comme un lieu de création vivante, véritable anti-musée dans la ville.

Carte Blanche à Tomás Saraceno au Palais de Tokyo, 2018-2019

De nombreux artistes émergents ont été révélés entre ses murs, à l’instar d’Adel Abdessemed, Kader Attia, Laurent Grasso ou Tomás Saraceno. Malgré son imposante ossature, le bâtiment rejette le lieu clos pour préférer une ouverture sur l’extérieur. Il accueille les cartes blanches, conférences, festivals, et fait de sa vaste esplanade un lieu privilégié du skateboard parisien. Véritable friche artistique, il cherche ainsi à décloisonner les pratiques pour donner lieu à de nouvelles formes d’expression au cœur de Paris.

Informations pratiques :

Adresse :
13, Avenue du président Wilson, 75116

Horaires :
Ouvert le lundi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche : 12h-22h.
Jeudi : 12h-00h.
Fermé le mardi.

Tarifs :
Plein tarif – 12 €
Tarif réduit – 9 €

Avis de la rédac :
On aime :
On apprécie vraiment la fermeture à 22h, qui permet de profiter des expos en sortant du bureau.
On aime moins :
Une visite à réserver plutôt aux initiés à l’art contemporain, pour pouvoir profiter pleinement des œuvres exposées.

Plus d’infos sur leur site internet.

Romane Fraysse

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