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Le théâtre Déjazet, seul rescapé du boulevard du Crime

Par Colombe

Jeu de paume sous Louis XVI devenu établissement de bains sous la Révolution, le théâtre Déjazet est le seul théâtre de l’ancien « Boulevard du Crime » dans le 3e arrondissement à avoir survécu aux grands changements urbains de la fin du 19e siècle. On vous raconte sa longue et tumultueuse histoire.

Les multiples costumes du théâtre Déjazet

Inauguré en 1851 sous le nom de « Folies Mayer », du nom du chansonnier Joseph-Simon Mayer, le bâtiment est aménagé à ses débuts en café-concert. Spécialisé dans les opérettes, sortes de scènes comiques à deux personnages et agrémentées de chansonnettes, mais aussi dans les pantomimes, le théâtre est racheté en 1854 par l’ancien directeur du théâtre de l’Odéon Marie-Michel Altaroche et le rédacteur en chef du Charivari, Louis Huart. En 1859, c’est la célèbre comédienne Virginie Déjazet qui prend les rênes du théâtre qu’elle nomme de son nom. Comédienne très populaire, elle est connue pour avoir joué dans des rôles masculins tels que Voltaire, Rousseau ou Henri IV ! Dans les années 1870 et 1880, le théâtre est instable et voit se succéder de nombreux directeurs pour des périodes irrégulières. C’est en 1895 que le nouveau directeur Edmond Calvin fait installer l’électricité et restaure entièrement la salle. Il fait déposer une statue de Virginie Déjazet sur le fronton.

Le théâtre en 1877.

Calvin est rapidement remplacé par le journaliste Georges Rolle en 1897 et le théâtre Déjazet connait un franc succès grâce aux divers vaudevilles qui s’y jouent. Parmi eux, la pièce « Tire-au-flanc » d’André Mouezy-Éon et André Sylvane est représentée 1026 fois consécutives puis atteint les 2899 représentations en 1926. La fille de Georges Rolle vend finalement le théâtre en 1939, ce dernier ne parvenant plus à faire face à la concurrence du cinéma. Déjazet voit alors le jour en tant que cinéma et présente les films de Jean Renoir, Henri-Georges Clouzot, ou encore Marcel Carné dont les scènes intérieures des « Enfants du Paradis » seront tournées au théâtre en 1942, pendant l’Occupation !

En 1976, Jean Bouquin, président de la Société d’exploitation d’art cinématographique et fondateur du théâtre Campagne-Première rachète le lieu et le réhabilite en théâtre. La salle est baptisée le « Déjazet Music-Hall » en 1977… et c’est Coluche qui l’inaugure avec son spectacle « Bobino » ! Dix ans plus tard, Joël-Jacky Julien et Hervé Trinquier, deux musiciens anarchistes, signent le bail et modifient le nom de la salle qui devient le « Théâtre Libertaire de Paris – Déjazet ». Il devient alors le rendez-vous de grandes figures contestataires de la chanson telles que Léo Ferré, Claude Nougaro ou Georges Moustaki.

Le rescapé du Boulevard du Crime

Le théâtre Déjazet, qui abrite de sublimes fresques d’Honoré Daumier au plafond, est le dernier survivant du Boulevard où étaient installés plus d’une dizaine de théâtres au XIXe siècle. Le baron Haussmann entreprend dans les années 1860 les grands travaux dans la capitale et démolit le boulevard pour percer la place du Château d’Eau, actuelle place de la République. Le théâtre de la Gaîté déménage aux Arts et Métiers, le Cirque impérial – futur théâtre Sarah Bernard – est transféré place du Châtelet et d’autres disparaissent définitivement tandis que Déjazet, miraculeusement situé sur le côté impair du trottoir, n’est pas concerné. En effet, pour des raisons de sous-sol, les travaux ne seront engagés que sur le côté Est du boulevard.

© Théâtre Déjazet

Inscrit aux Monuments historiques , le théâtre Déjazet est aujourd’hui le seul témoignage de ce temps où les gens se pressaient aux guichets pour le spectacle. Et comme le déclarait son directeur en 2003 : « Je souhaite au Théâtre Déjazet, symbole de ce Boulevard du Crime et des Enfants du Paradis, de rester le flambeau de l’espoir de tous ceux qui s’évertuent à penser que l’avenir c’est seulement la jeunesse et que rien ne doit l’émasculer ».

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