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Petite histoire de la construction du quartier de la Défense

Par Colombe

Quartier d’affaires parmi les plus importants au monde, second en Europe en volume d’activités financières après la City de Londres, la Défense renferme une histoire complexe dont la construction s’étale sur plusieurs décennies. Retour sur la chronologie de ce pôle situé en banlieue ouest de Paris, dans les Hauts-de-Seine.

Une zone stratégique depuis l’époque de François Ier !

Idéalement située à l’Ouest de Paris, le long de la Seine en aval la capitale, la zone est au centre des questionnements dès le règne de François Ier. En effet, à cette époque, le roi décide de faire du château de Saint-Germain-en-Laye la résidence secondaire de la famille royale. Pour cela, il est nécessaire de relier ce dernier au cœur du pouvoir : le palais du Louvre. Plus tard, sous le règne du Roi Soleil, André le Nôtre organise la capitale selon un axe qui part du Louvre et passe par ce qui deviendra les Champs Élysées sous Napoléon Ier. L’axe se poursuit ensuite jusqu’à l’Arc de Triomphe et termine sa route à l’emplacement de la Défense actuelle.

Au début du 20e siècle, la société s’industrialise peu à peu et les prairies laissent place à de multiples usines : blanchisseries, maroquineries, usines d’automobiles ou de métallurgie s’ancrent à Puteaux et Courbevoie, transformant durablement le quartier. La nécessité de faire de la France un pays dynamique et prospère durant les Trente Glorieuses, orientera les projets naturellement vers ces villes pour y construire un nouveau quartier, que l’on surnomme alors « le nouveau Manhattan ». Dès la fin des années 1950, les tours vont alors commencer à pousser à une vitesse rarement égalée en région parisienne.

Le quartier qui deviendra La Défense, en 1956

Premier centre d’affaires européen par l’étendue de son parc de bureaux : le fruit d’une longue construction

Mais ce complexe est le fruit d’une longue construction. En 1958, l’État décide de créer l’EPAD : l’établissement public pour l’aménagement de la région de la Défense afin de construire et gérer le quartier pour 30 ans. S’en suit un premier plan d’aménagement massif en 1964 qui marque le début de la sortie de terre des tours : la tour Nobel est inaugurée deux ans plus tard. Elles sont toutes d’un gabarit identique : une hauteur limitée de 100 mètres pour une surface de 30 000 mètres carrés. La forte demande des années 1970 entraine un élargissement des critères de construction et une plus grande diversité architecturale. La Tour Fiat voit le jour en 1974, haute de 184 mètres et de 44 étages. Le quartier se trouve alors à un tournant de son histoire : le bidonville de Nanterre voisin, où vivaient la plupart des ouvriers des tours de la Défense, venait seulement d’être démantelé deux ans plus tôt.

Le quartier de la Défense est désormais en grande majorité constitué d’immeubles de grande hauteur abritant près de trois millions de mètres carrés de bureaux et accueillant des multinationales françaises et étrangères à l’instar de la Société générale ou Total. Au total, 2950 entreprises dont 14 des 20 premières nationales et 15 des 50 premières mondiales évoluent dans le centre d’affaires de la Défense. Ce dernier abrite également des logements sur plus de 600 000 mètres carrés, et le centre commercial Les Quatre Temps, le plus grand d’Europe au moment de sa construction en 1981.

Début de la construction, 1958. Le Centre des nouvelles industries et technologies (CNIT) – aujourd’hui devenu un centre commercial – est le premier bâtiment construit à La Défense, à la place des anciennes usines Zodiac.
La construction de la tour Fiat, janvier 1974, avec, à ses pieds, le CNIT ©Bouygues Construction

Le RER, achevé en 1977 relie la Défense à la place de l’Étoile en moins de 5 minutes et la gare de la Défense devient peu à peu un hub stratégique qui contribue à donner davantage de dynamisme au quartier. Un projet, abandonné en 1974 devait même voir apparaitre un aérotrain entre la Défense et Cergy-Pontoise capable d’embarquer 160 passagers à plus de 200km/h ! Le choc pétrolier de 1974 et la crise économique qu’il entraine ralentissent les projets d’agrandissement de la Défense et les droits de construire se font plus rares. En 1973, 600 000 mètres carrés de bureaux sont vides et les entreprises ne s’installent plus.

Les années 1980 et 1990 voient l’expansion du quartier grâce notamment à la construction de l’autoroute A14 qui trace son chemin en dessous de la Défense. François Mitterrand lance le concours « Tête-Défense » en 1982, qui conduira à l’élévation de la Grande Arche, devenue le symbole du quartier d’affaires à travers le monde. Au mois d’avril 1992, la ligne 1 du métro prolonge ses rails jusqu’aux tours : le quartier n’est plus qu’à un ticket de métro de Paris centre. Aujourd’hui, le territoire de la Défense est classé « opération d’intérêt national » et le périmètre d’action de l’aménagement de l’espace est élargi et s’étend sur les communes de Puteaux, Courbevoie, Nanterre et la Garenne-Colombes.

Inauguration de la prolongation de la ligne 1, 1992.

Le défi de rester attractif et moderne

Quatrième quartier d’affaires le plus attractif au monde, le défi de la Défense est de rester proche du podium et d’évoluer avec son temps et les enjeux qui l’accompagnent. D’ici à 2025, le quartier comporterait en plus de la Tour First – plus haut gratte-ciel de France inauguré en 2010 et s’élevant à 231 mètres de haut, quatre autres tours de plus de 200 mètres. La prouesse architecturale que l’on retient sûrement reste la Grande Arche, ce « cube ouvert, fenêtre sur le monde » comme la qualifie son auteur, Johan Otto Van Spreckelsen. Un « cube » dont le poids équivaut tout de même à 4 Tours Eiffel !

Les travaux de la Grande Arche en mai 1987, ©BouyguesConstruction, Pascal Cornier

La Défense fait face également au défi de rester « moderne ». Dès ses débuts, c’est le cri de ralliement. Pensé selon les principes du mouvement moderne des années 1960, l’organisation de l’espace repose sur une séparation des flux comme le préconise la Charte d’Athènes de 1933, conclusion du Congrès international d’architecture moderne (CIAM) sous l’égide de Le Corbusier. La Charte énonce son principal concept, la création de zones indépendantes pour quatre fonctions : la vie, le travail, les loisirs, et les infrastructures de transport. Le quartier de la Défense s’attache également – et ce depuis ses origines – à se faire l’ambassadeur d’une culture riche. Le premier bâtiment construit, la CNIT (centre national de l’industrie et des techniques), et la dalle de La Défense, accueillent de grandes expositions et des événements populaires. Le site de la Défense est également parsemé de près de 70 œuvres d’art, dont des œuvres monumentales comme le fameux Pouce de César installé à la sortie Ouest du CNIT.

Installation du Pouce, César.
Concert de Jean-Michel Jarre le 14 juillet 1990 © Jean-MichelJarre

Mais pourquoi « La Défense » ?

Là encore, l’aspect stratégique et le pouvoir sont en jeux. En 1870, le conflit franco-allemand entraine le siège de Paris. Le rond-point de Courbevoie est fortifié et assure la défense de la ville. En 1883, on inaugure la sculpture en bronze de Louis-Ernest Barrias à la gloire des soldats. La statue baptisée « La Défense de Paris » est installée rond-point de Courbevoie, qui deviendra le « rond-point de la Défense de Paris », nom qui évoluera au fil du temps pour devenir la Défense.

Ré-implantation de la Statue de la Défense en 1983 ©ArchivesEPAD

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