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Portrait de parisienne : la sulfureuse Ninon de Lenclos

Par Virginie

Ninon de Lenclos a ébloui le Grand Siècle par sa personnalité rayonnante. Courtisane et femme d’esprit, elle a fréquenté les plus grands noms de la cour de Louis XIV et reste, encore aujourd’hui, une icône de l’émancipation féminine.

Une destinée galante

Anne de Lenclos, dite Ninon, est née en 1620 à Paris. Elle est l’enfant d’une union très mal assortie : si son père, Henri, est un libertin et un coureur de jupons notoire, sa mère, Marie-Barbe, est une bigote confite en dévotion. Dès son enfance, Ninon se sent plus proche de son père qui lui apprend le luth dont il joue lui-même très bien. Elle devient à son tour un véritable prodige de cet instrument et reçoit, en parallèle, une excellente éducation qui lui apporte une grande culture.

Dans les années 1630, la vie de Ninon bascule : son père tue un homme après une histoire qui a mal tourné avec l’une de ses conquêtes. Pour échapper aux représailles, il s’enfuit en Italie. Les biens d’Henri de Lenclos sont saisis et Ninon et sa mère se retrouvent sans argent. Marie-Barbe va alors exhiber sa fille de neuf ans dans tous les salons de Marais lors de petits concerts de luth. Lorsque Ninon atteint l’adolescence, sa mère oublie ses scrupules religieux et pousse sa fille vers le chemin de la galanterie.

Ninon de Lenclos

C’est dans ce contexte que Ninon rencontre Marion Delorme,  la maîtresse de Richelieu, qui lui aurait enseigné l’art de la séduction. On murmure même que Ninon devient, à son tour, la maîtresse du cardinal. En 1642, Ninon perd sa mère. A sa mort, elle part au couvent mais en sort rapidement. Ayant commencé dans la galanterie, elle poursuit dans cette voie et renonce à se marier.

La plus grande courtisane de son temps

Pour subvenir à ses besoins, Ninon ne se contente pas d’être une simple fille à soldat : elle devient une courtisane de très haut rang. Ayant appris les bases de la séduction avec Marion Delorme, elle utilise également l’aura de charme qui se dégage d’elle. Femme d’esprit cultivée, elle fascine également les hommes par son intelligence.

Dès ses 16 ans, elle fréquente les hommes les plus influents du royaume. On peut citer parmi ses conquêtes le Grand Condé (cousin de Louis XIV) La Rochefoucauld (pair de France et écrivain connu pour ses fameuses maximes), le maréchal d’Estrées (frère de la maîtresse d’Henri IV, Gabrielle d’Estrées)…Dans ses relations, elle entretient un parfum de scandale : c’est elle qui fait le premier pas et qui choisit ses amants.

Gravure de Ninon de Lenclos par Antoine-Jean-Baptiste Coupé

Elle divise d’ailleurs ces derniers en plusieurs catégories : les « payeurs » qui l’entretiennent et ont le droit de coucher avec elle de temps à autre, les «martyrs », ses soupirants sans espoir dont elle refuse les avances et les « caprices » qui sont ses favoris. Elle ne les fait pas payer mais elle s’en lasse rapidement : un caprice ne le reste pas longtemps. Ninon aurait fonctionné par quartier, avec quatre favoris par an.

Elle se fait énormément d’argent et place astucieusement sa fortune : elle est véritablement libre dans un monde où les femmes n’avaient aucune indépendance financière, ou presque. Ce qui participe aussi à sa légende, c’est son appétit insatiable pour les hommes : si elle couche avec le marquis de Sévigné (l’époux de la célèbre épistolière) dans sa jeunesse, elle fera de même avec le fils de celui-ci, des années plus tard. On la surnomme d’ailleurs « Notre Dame des Amours ».

Lorsqu’elle a une trentaine d’années, Ninon rencontre celui qui restera l’amour de sa vie, Louis de Mornay, marquis de Villarceaux. Pour lui, Ninon quitte Paris pour aller vivre durant trois ans dans son château à la campagne. Louis de Mornay est marié mais cela n’empêche pas le couple d’avoir un fils ensemble. Ce scandale cause à Ninon de se faire enfermer par la reine Anne d’Autriche dans un couvent. Villarceaux et ses amis prennent le couvent d’assaut pour la faire libérer, ce qui lui apporte une notoriété encore plus grande.

Portrait présumé de Ninon de Lenclos

Vie de salonnière

Lorsqu’elle sort du couvent, elle décide de faire profil bas sur son activité de courtisane. Si elle continue à se faire payer pour ses faveurs, elle le fait d’une façon plus discrète. Pourtant, elle poursuivra son commerce jusqu’à ses 77 ans ! Elle s’installe au 36 rue des Tournelles à Paris et elle monte un salon littéraire à partir de 1667. Toute la grande noblesse s’y presse, impressionnée par sa culture. Sur demande de Molière, Ninon va même jusqu’à corriger la première version du Tartuffe.

Ce sont les plus grands noms de la culture classique française qui fréquentent le salon de Mademoiselle de Lenclos : La Rochefoucauld, son ancien amant, le poète Scarron et sa femme Françoise d’Aubigné (future Madame de Maintenon), Jean-Baptiste Lully (composition préféré du roi Louis XIV), le célèbre Jean de la Fontaine, la princesse Palatine (belle-sœur du roi), le duc de Saint-Simon (connu au travers de ses mémoires comme le témoin du Grand Siècle), la marquise de Rambouillet (grande salonnière), Charles Perrault, Jean Racine ou encore Philippe d’Orléans (futur régent de France).

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Ninon de Lenclos est au centre, en tourés des grabdes figures lettrées du XVIIe siècle.

En plus de mener son salon, Ninon a également écrit énormément de lettres et a été la source d’inspiration de nombreux écrivains comme Huygens, Olympes de Gouges et Voltaire. Elle rencontre d’ailleurs ce dernier à la fin de sa vie, alors qu’il n’a que 11 ans. Elle lui lèguera une belle somme d’argent dans son héritage pour qu’il puisse s’acheter des livres.

Ninon s’éteint à l’âge très avancé de 85 ans, de façon apaisée. Elle reste une figure avant-gardiste et même presque féministe pour son époque, étant restée indépendante des hommes toute sa vie.

 

Virginie Paillard 

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Image de mise en avant : Portrait anonyme de Ninon de Lenclos