fbpx

Pourquoi le toit de Notre-Dame est-il peuplé d’étranges créatures ?

Par Romane Fraysse

Cela fait bientôt trois ans que l’emblématique cathédrale Notre-Dame a vu sa charpente rongée par de géantes flammes. Sous une épaisse fumée ocre, une tragédie : la belle flèche chute avec sa forêt de bois. Mais au milieu des cendres, les célèbres gargouilles sont quant à elles restées de marbre. Depuis le XIIIe siècle, elles surplombent fièrement Paris de leur air hagard et n’en finissent pas d’intriguer les passants, souvent peu aux faits de leur histoire.

Les gargouilles, un rempart contre les flots

Plurielles et malicieuses, les gargouilles de Notre-Dame ne trônent pas là depuis plus de 700 ans par l’opération du Saint-Esprit ! Bien qu’elles n’aient pu éteindre les flammes de l’incendie, ces créatures gothiques déploient depuis des siècles leur gorge de pierre pour évacuer les eaux de pluie, loin des murs de la cathédrale. Placées sur les culées des arcs-boutants durant le XIIIe siècle, elles évitent ainsi que l’humidité ne vienne fragiliser le squelette de la vieille Dame médiévale.

Elancées et lourdement taillées, elles empruntent de nombreuses formes bestiales, variant selon l’inspiration de leurs sculpteurs. Lions, lézards ou dragons à la gueule ouverte et au corps saillant, toutes ces créatures ont pour fonction de se faire les protectrices de la cathédrale contre les colères du ciel.

Gargouilles médiévales au sommet d’un arc-boutant du chœur de la cathédrale Notre-Dame

Pourquoi alors leur prêter une allure hybride et féroce, proche des habituelles représentations chrétiennes du mal ? Paradoxalement, il faut voir dans cette vilaine mine une défense symbolique contre toutes formes de démons cherchant à pénétrer dans la cathédrale. En effet, leur gueule effrayante dissuade bien vite les mauvais esprits de s’aventurer dans ces lieux sacrés. En menaçant l’extérieur, elles se font ainsi les meilleures gardiennes de Notre-Dame, certaine de maintenir toute sa pureté loin des intempéries.

Quand les gargouilles protègent, les chimères se pavanent

Ces gargouilles aux grimaces exubérantes n’en restent pas moins sages et discrètes. Pourtant, elles connaissent une notoriété sans pareille, si bien qu’on tend souvent à les confondre avec leurs voisines les chimères. En effet, il n’est pas rare de les désigner sous le même patronyme, sans qu’elles soient pourtant de la même espèce.

Si les gargouilles de la cathédrale sont vieilles de plus de 700 ans, les chimères naissent, quant à elles, seulement au XIXe siècle. C’est lors des grands travaux de restauration qu’Eugène Viollet-le-Duc et Jean-Baptiste-Antoine Lassus remplacent les sculptures détruites durant la Révolution par une cinquantaine de chimères venues tout droit de leur imagination. Inspirés par les vestiges gothiques du Moyen Âge, les deux architectes se sont donnés à cœur joie de faire de la vieille toiture un véritable observatoire des créatures fantastiques en tout genre, librement empruntées au romantisme de Notre-Dame de Paris, écrit par Victor Hugo quelques années auparavant.

La Stryge, célèbre chimère de la cathédrale Notre-Dame

Ainsi, c’est dans les années 1840 que l’on voit apparaître ces monstres de pierre n’ayant, contrairement aux gargouilles, aucune autre utilité que de décorer la galerie supérieure qui relie les deux tours de la cathédrale. Sur son perchoir haut de 46 mètres, on rencontre notamment la célèbre Stryge, mélancolique à souhait, qui contemple les bourdonnements de la Ville-Lumière d’un air pensif.

Gargouilles et chimères, éminemment romantiques

Aujourd’hui dénuées de tout pouvoir surnaturel, gargouilles et chimères n’en demeurent pas moins des créatures intrigantes dans l’imaginaire collectif. Monstres aux allures excentriques et désinvoltes, bien loin des cérémonieux saints de la cathédrale, elles confèrent au paysage haussmannien un caractère marginal, accentué par leur inaccessibilité. Laides mais salvatrices, pérennes mais mystérieuses, elles incarnent à elles seules le charme des esprits rebelles.

Étienne Moreau-Nélaton, Chimères de Notre-Dame, vers 1898

Tout cela nourrit l’imagination, et c’est en partie grâce au chef-d’œuvre de Victor Hugo que ces sculptures grotesques sont entourées d’une sublime mystique, en faisant l’une des figures emblématiques du Paris romantique.

Pour ne rien rater de nos sorties dans Paris, n’hésitez pas à vous inscrire à notre Newsletter Visites !

Romane Fraysse

À lire également : Les 10 églises parisiennes à voir au moins une fois dans sa vie

Photo de Une : La galerie des Chimères de Notre-Dame, fin XIXe.