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Quatre soirées parisiennes mythiques

Par Manon

En ces temps de pandémie, faire la fête paraît bien loin. Pourtant, la vie nocturne fait partie de la culture parisienne : elle était particulièrement importante dans les années 70 et 80. Petite sélection de soirées qui prouvent définitivement que Paris est une fête… et depuis bien longtemps !

La “Moratoire Noire” de Karl Lagerfeld 

En 1977, une soirée est organisée en l’honneur de Karl Lagerfeld. L’élite parisienne se regroupe à la Main Bleue, une boîte de nuit de Montreuil. L’invitation stipule : “Tenue tragique noire absolument obligatoire”. Quatre mille personnes sont présentes, toutes vêtues de cuir et de noir. L’ambiance est à l’érotisme et au SM. On peut croiser dans la salle un homme, dont le visage est masqué par une cagoule cloutée. 

Jacques de Bascher (dandy parisien, amant de Yves Saint Laurent et compagnon de Karl Lagerfeld) et Xavier de Castella (architecte, amant de Kenzo) reçoivent leurs invités en tenue d’escrimeurs blancs. Leurs visages sont cachés par des masques d’escrimes, recouverts de résille noire. La fête fera scandale : un couple s’adonne à la pratique du “fist-fucking” sur scène. Pourtant, c’est aussi cette soirée qui créera en partie le personnage de Karl Lagerfeld, désigné suite à cet évènement comme le nouveau “roi de la nuit”. 

L’année suivante, il organisera le “Bal Vénitien” au Palace, le nouveau club en vogue, au cours duquel on pourra notamment voir une gondole portée par les pompiers de Paris.

Fin de soirée du Bal Vénitien de Karl Lagerfeld, 1978. Photographie de Guy Marineau

Le mariage de Thadée Klossowski et de Loulou de la Falaise

Loulou la Falaise, muse et créatrice de bijoux de Yves Saint Laurent, se marie en 1977 à Thadée Klossowski de Rola, fils du peintre Balthus. Le mariage se tient sur une barque. Loulou est en tunique indienne et porte un turban. La célébration de leur union, somptueuse, est organisée par Yves Saint Laurent et Pierre Berger et se déroule au Chalet des Îles, sur la petite île du lac du Bois de Boulogne

500 invités sont présents, dont Paloma Picasso, Bianca Jagger et Kenzo Takada. Laurence Benaïm, journaliste spécialisée dans le domaine de la mode, écrira dans sa biographie Yves Saint Laurent : “Cette fête fera figure d’événement dans l’histoire de la nuit parisienne : premier grand “brassage” de baronnes et de punks, d’old socials et de gate crashers”. 

Pierre Berger, Loulou de la Falaise, Yves Saint Laurent et Thadée Klossowski de Rola au mariage de Loulou et Thadée. Photographie de Guy Marineau.

L’inauguration du Palace 

Le 1er mars 1978, Fabrice Emaer ouvre Le Palace, dans un ancien cinéma qu’il a racheté et rénové. Il est connu de la vie nocturne parisienne : il est propriétaire du Sept, une boite de nuit située rue Sainte-Anne. Le jour de l’inauguration du Palace, Grace Jones fait un show et interprète La Vie en Rose, qui deviendra l’hymne du club. Les serveurs sont habillés par Mugler, un grand couturier français, et sont vêtus de costumes rouges et or. 

La fête réuni 1500 personnes. Le champagne coule à flot. Le Palace semble déjà devenir le futur lieu incontournable de la nuit parisienne. Et il le sera: l’année suivante, Gainsbourg y donnera des concerts qui relanceront sa carrière et Karl Lagerfeld y organisera son “Bal Vénitien”. Prince y donne son premier concert parisien en 1983. Peu à peu, Le Palace devient un lieu mythique de la vie nocturne parisienne. 

Parmi ses habitués figurent Jean-Paul Gaultier, Andy Warhol ou encore Mick Jagger. Farida Khelfa, actrice et ancienne mannequin française, icône du Palace, dira en 2018 pour Point de vue: Il régnait un tel sentiment de liberté que c’était merveilleux. J’avais soif de vivre et j’ai été happée par ce mouvement. Comme une sorte d’initiation, j’ai découvert un monde artistique nouveau”. 

Malheureusement, Fabrice Emaer meurt en 1983 d’un cancer du rein : c’est la fin d’une époque. Les dépenses du club étant plus importantes que ses recettes, Le Palace décline et les dettes s’accumulent. Le club ferme définitivement ses portes en 1996.

L’inauguration des Bains Douches

Le 21 décembre 1978, la boîte de nuit Les Bains Douches est inaugurée rue Bourg-l’Abbé, dans le 3e arrondissement de Paris. Quelque 3000 personnes sont présentes dans les anciens thermes, rénovés pour devenir ce lieu réunissant une salle de concert, une boîte de nuit, un restaurant et un bar. En prévision de l’affluence, la préfecture de police avait posté huit cars de CRS à chaque extrémité de la rue du Bourg-l’Abbé. Les drogues dures circulent et certains vont se goinfrer des réserves de foie-gras au sous-sol. “Dès le lendemain de l’ouverture des Bains, l’endroit était tellement dévasté que j’ai voulu m’en débarrasser”, a affirmé Fabrice Coat, co-directeur du club.

Le lieu comporte une piscine, au fond de laquelle se trouve un échiquier géant dont les pièces sont déplacées par un homme grenouille. La peinture des travaux est encore fraîche et ruinera de nombreuses tenues. Très vite, le club, qui sera notamment géré par le couple Guetta, est fréquenté par l’élite parisienne. Farida Khelfa, à ce moment âgée de 18 ans, tient la porte et décide de qui rentre, ou non.

L’entrée est très sélective. C’est là qu’elle rencontre Jean-Paul Goude : elle deviendra sa muse et sa compagne. La phrase « Désolée, ce soir, c’est pas possible.» marquera définitivement la nuit parisienne. Les années SIDA et une mauvaise gestion du club mène à son déclin dans les années 2000, jusqu’à sa fermeture en 2010. En 2015, le local est intégralement rénové et transformé en hôtel de luxe.

 

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Manon Gazin