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Portrait de la comtesse de Ségur

Par Leonard

Femme de grande valeur, la comtesse de Ségur (1799-1874) a traversé le XIXe siècle et laissé derrière elle des contes pour enfant précurseurs et sensibles. Intéressons-nous à cette femme de lettres, originaire de Russie, mais dont le travail d’écrire figure dans notre panthéon littéraire français.

Sofia l’exilée

Née Sofia Fiodorovna Rostoptchina, au sein de l’aristocratie moscovite (son père état gouverneur de Moscou), la jeune fille assiste, en témoin direct, aux bouleversements politiques à l’oeuvre au début du XIXe siècle en Europe. Sofia et sa famille doivent notamment quitter Moscou, en 1812, face à l’avancée de Napoléon. De cette enfance, Sofia conserve également le souvenir d’une éducation sévère, empreinte d’une morale extrêmement rigoureuse, inculquée par ses parents. Jeune fille turbulente, Sofia témoigne très tôt d’un sens aigu de la liberté…

Exilée de Russie en 1817, la famille Rostoptchina trouve finalement refuge en France, pays débarrassé de Napoléon et qui a retrouvé sur son trône un représentant des Bourbon, Louis XVIII. En France, Sofia mène la grande vie, et, grâce à une éducation soignée, trouve un mari, dès l’âge de 19 ans, issu de la très bonne société parisienne : le comte de Ségur (petit-fils d’un illustre maréchal et ministre de la guerre). Si la vie de la comtesse en France sonne au départ comme un véritable conte de fée (elle habite le magnifique château des Nouettes, en Normandie), le comte de Ségur fait voler en éclat leur relation, à cause d’un penchant trop prononcé pour les femmes… Fuyant les mondanités parisiennes, qu’elle estime vicieuse et hypocrite, la comtesse se concentre sur l’éducation de ses huit enfants

Château des Nouettes, dans l’Orne, où résida pendant longtemps la comtesse de Ségur.

La comtesse pédagogue

C’est à l’âge de cinquante ans seulement que la comtesse se lance, avec succès, dans l’écriture. Compilant les histoires qu’elle avait coutume de raconter à ses enfants, ses livres sont avant tout destinés à un public enfantin, et ont une forte tonalité moralisatrice, tout en étant très bienveillants. Le plus célèbre de ses ouvrages, Les malheurs de Sophie, publié pour la première fois en 1858, raconte l’enfance turbulente de la petite Sophie, coutumière des petites bêtises, au sein d’une famille aisée et conservatrice. Cette histoire fait en particulier écho à la propre enfance de la comtesse, dont elle évoque, de façon indirecte, les mauvais et bons souvenirs.

Planche d’illustration des Malheurs de Sophie (édition de 1948). Au premier plan, l’héroïne et son cousin Paul.Rue des Archives/©Rue des Archives/PVDE

Les thèmes du châtiment corporel et de la punition sont majeurs dans les ouvrages de la comtesse (Les malheurs de Sophie, Les bons petits diables, Les petites filles modèles…). A rebours d’une éducation traditionnelle aristocratique fondée sur une rigueur morale exacerbée et une imposition de la honte, la comtesse de Ségur préconise plutôt un modèle d’éducation axée sur la douceur, l’épanouissement de l’enfant et le refus net de tout châtiment.

La comtesse de Ségur s’éteint en 1874, laissant derrière elle un corpus de textes foisonnant, qui ont rencontré (et rencontre toujours) un vigoureux succès. Nous sommes beaucoup à avoir été bercés par les dessins-animés tirés des Malheurs de Sophie, diffusés sur le service public, il y a cela une dizaine d’années !

Scène de pique-nique lors du tournage du téléfilm « Les Malheurs de Sophie » de Jean-Claude Brialy.
© Robert César / Ina

Fidèles à l’esprit de leur époque, les contes de Ségur restituent enfin une atmosphère aristocratique et châtelaine propre à la seconde moitié du XIXe siècle. Soutenue par une écriture brillante et sensible, les Malheurs de Sophie et les autres peuvent ainsi se lire comme des romans réalistes, témoignage de la société du Second Empire, ce qui contribue à faire de ces œuvres des mines d’or culturelles pour les plus petits, comme pour les plus grands…

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