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Art brut, l’exposition qui fait sortir l’art des sentiers battus au Grand Palais

Aloïse Corbaz dit Aloïse Collier en serpent Vers 1956 Pastel gras et mine graphite sur papier 58 x 44 cm recto verso ART BRUT / donation Bruno Decharme en 2021 Centre Pompidou, Paris, Musée national d’art moderne - Centre de création industrielle © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Audrey Laurans / dist. GrandPalaisRmn © Association Aloïse, Chigny

Peut-on dire des créateurs de l’art brut qu’ils sont des artistes ? Eux ne se revendiquent pas comme tel et le nom qui les rassemble a d’ailleurs surgi d’un esprit extérieur, celui de Jean Dubuffet. Leur rapport à la création est pourtant le plus sincère : en marge de la société, ces autoproclamés prophètes ont compulsivement élaboré de nouveaux systèmes et envoyé valser les formes traditionnelles pour offrir au monde des expressions nouvelles. À travers plus de 400 oeuvres de la collection Bruno Decharme, appartenant au centre Pompidou, le Grand Palais dévoile jusqu’au 21 septembre 2025 une autre histoire de l’art.

Des prophètes à l’élan altruiste

L’exposition nous ouvre aux singularités de l’art brut avec justesse : les créateurs, en marge de la société, se sentent investis d’une mission, celle de venir en aide à un monde qui s’abîme à travers les conflits et les injustices. Certains remplissent des carnets de schémas et de calculs pour trouver la jeunesse éternelle, ou peignent des centaines de tableaux pour que la guerre cesse, tandis que d’autres construisent des engins permettant de s’évader vers des territoires lointains, à l’instar d’Hans-Jörg Georgi dont la machine volante en carton est présentée à l’entrée. Dans une vidéo le présentant, celui-ci affirme : “Il n’y a que l’amour, rien d’autre”, soulignant la part altruiste qui caractérise ces créateurs aux élans mystiques.

Vue de l'exposition "Art brut" au Grand Palais - © Didier Plowy / GrandPalaisRmn
Vue de l’exposition “Art brut” au Grand Palais – © Didier Plowy / GrandPalaisRmn

Sortir du langage

La marginalité de ces créateurs leur permet souvent d’observer la société avec recul et de remettre en cause ses structures, en particulier son langage. Les mots sont pauvres et limitants dans un monde riche et complexe comme le nôtre : à travers les oeuvres d’Emile Josome Hodinos, Melvin Way ou Palanc, il est alors question de sortir du système langagier, se passer de lui, ou en inventer de nouveaux capables de saisir des mystères et des intensités : “À moi les langues de feu qui embrasent” déclare Madge Gill.

August WallaSans titre 1983 Acrylique, encre, crayon et lavis sur papier marouflé sur aggloméré 188 x 141 cm ART BRUT / donation Bruno Decharme, 2021 Centre Pompidou, Paris, Musée national d’art moderne - Centre de création industrielle © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Audrey Laurans / dist. GrandPalaisRmn © Art Brut KG
August Walla, Sans titre, 1983 – © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Audrey Laurans / dist. GrandPalaisRmn © Art Brut KG

Détruire et refaire : voilà l’ambition de tout créateur qui remet en cause l’ordre établi par notre société. Mais pour les artistes bruts, cette révolution est nécessaire et urgente, car l’effondrement semble possible à tout moment. La moindre faille, la moindre imprécision marque une fragilité et la possible intrusion de forces maléfiques. Beaucoup d’entre eux cherchent alors à établir de nouveaux calculs permettant de trouver la formule magique, à travers une recherche compulsive. Des vidéos capsules témoignent de ces quêtes parfois insensées, rappelant que sans une part de folie dans l’art ou dans la science, il n’y aurait pas d’invention.

Créer aux quatre coins du monde

De manière plus éparpillée, le parcours se poursuit avec des thématiques diverses : l’art brut est présenté dans différents pays tels que le Japon ou le Brésil, ainsi qu’à travers des dispositifs mis en place pour inciter ces créateurs marginaux à concevoir leurs ouvrages sur les supports de leur choix. Certaines salles présentent des ateliers d’art thérapie, comme La “S” Grand Atelier lancée par Anne-François Rouche, ou La Maison des artistes installée dans l’ancien hôpital psychiatrique de Maria Gugging (Autriche) et dédiée aux patients.

Jaime Fernandes Sans titre 1960 - 1968 Stylo à bille sur papier 25 x 32,4 cm ART BRUT / donation Bruno Decharme en 2021 Centre Pompidou, Paris, Musée national d’art moderne - Centre de création industrielle © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Janeth Rodriguez- Garcia / dist. GrandPalaisRmn © Droits réservés
Jaime Fernandes, Sans titre, 1960 – 1968 – © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Janeth Rodriguez-Garcia / dist. GrandPalaisRmn © Droits réservés

L’art brut est alors approché d’un point de vue médical, voire psychanalytique par une exploration de l’inconscient : “Mais ce qui va se peindre sur la toile, je vous assure que je l’ignore”, assure Augustin Lesage. Cette partie de l’exposition, plus diffuse, perd parfois le visiteur dans une suite d’exemples et une sélection d’oeuvres moins pertinente. Toutefois, on retient de l’art brut une vraie liberté créatrice, celle de prophètes plutôt que d’artistes s’étant émancipé des codes sociaux pour offrir de nouvelles expressions au monde.

Romane Fraysse

Art brut. Dans l’intimité d’une collection
Grand Palais
17 avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris
Jusqu’au 21 septembre 2025

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Image à la une : Aloïse Corbaz dit Aloïse, Collier en serpent, vers 1956 – © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Audrey Laurans / dist. GrandPalaisRmn © Association Aloïse, Chigny

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