Fou de Dieu, fou d’amour ou fou de peur, le « fou » est une figure universelle qui prend de multiples identités selon les doctrines religieuses, politiques et esthétiques. Le fou, en société, est l’autre, le marginal, celui qui désobéit ou renonce, bref celui que l’on juge tantôt idiot, tantôt rebelle pour s’assurer de l’écarter de soi. Jusqu’au 3 février 2025, le musée du Louvre explore magistralement cette figure ambiguë à travers plus de 300 œuvres allant du Moyen Âge au romantisme.
Le fou, figure universelle
Le musée du Louvre n’est pas le favori des Parisiens, cherchant souvent à fuir l’immensité de ses lieux envahis de visiteurs. Pourtant, par-delà les collections égyptiennes ou italiennes, un espace est temporairement dédié à une figure universelle, celle du fou, dont on aurait tort de se priver. Depuis le Moyen Âge jusqu’aux romantiques, cette exposition retrace avec un grand intérêt toutes les dimensions de la figure du fou au fil des idéologies religieuses, politiques et culturelles. Au total, plus de 300 manuscrits enluminés, gravures, tapisseries, peintures, sculptures et objets sont présentés et éclairés par des cartels détaillés.
La démesure du corps
« Infini est le nombre des fous » : c’est sur cette citation de l’Ecclésiaste (1,15) que s’ouvre l’exposition. Rien d’étonnant à ce que la première approche soit celle de la religion, puisqu’à l’origine, le fou est celui qui refuse Dieu, celui donc qui sort de la mesure pour s’abandonner à la démesure infinie d’un corps empli de passions. Cette figure est parfois insensée, parfois tentatrice, revêtant ainsi les traits du Diable. De cette conception chrétienne découle une folie amoureuse : l’amant, ignorant la raison divine, se perd dans le trouble des sentiments et s’adonne à des actes vicieux, voire mortifères.
Le fou à la cour
Cette dimension diabolique est peu à peu délaissée pour s’inspirer de Marcolf, un fou qui aurait été à la cour du roi Salomon. Les rois de France reprennent cette idée pour amuser leurs courtisans. Ainsi, nombre de toiles représentent cette figure, souvent laide ou difforme, et vêtue de vêtements aux couleurs criardes. Le fou devient alors une figure insouciante et amusante, propice aux bals, aux tournois et aux jeux – ce qui explique sa présence dans les jeux de cartes ou d’échecs.
La folie mentale
Si la société tente de marginaliser le fou pour en faire une figure vicieuse ou ridicule, le déclin de la religion et de la monarchie conduisent à humaniser son image. La psychiatrie émergente tente alors de pathologiser certains comportements et pointe du doigt les dangers de la maladie mentale. De leur côté, les romantiques y voient la figure de l’artiste par excellence, tourmenté par ses angoisses, comme l’illustre la dernière œuvre de l’exposition, L’Homme fou de peur de Gustave Courbet.
Romane Fraysse
Figures du fou
Musée du Louvre
75001 Paris
Jusqu’au 3 février 2025
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Image à la une : Maître de 1537, Portrait de fou regardant à travers ses doigts – © Anvers, The Phoebus Foundation