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Au musée d’Orsay, Gustave Caillebotte met l’homme à l’épreuve de sa sensibilité

Gustave Caillebotte Les raboteurs de parquet, 1875 Musée d'Orsay Don, 1894 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Du groupe impressionniste, Gustave Caillebotte semble être le plus discret. Au-delà de ses deux œuvres phares Rue de Paris, temps de pluie et Les Raboteurs de parquet, le peintre se différencie pourtant par son approche intime du corps masculin, saisi dans des environnements aussi bien ouvriers que bourgeois. 130 ans après sa mort, le musée d’Orsay met en lumière ce regard singulier à travers l’exposition de plus de 70 toiles, pastels, dessins, photographies et documents présentés jusqu’au 19 janvier 2025. Et de notre côté, on lance une visite guidée sur le Paris de Caillebotte.

Le corps travailleur

De Gustave Caillebotte, on connaît en premier lieu les célèbres Raboteurs de parquets. Le tableau, mis en valeur dans les premières salles, étonne par sa grandeur. À contre-jour, les torses nus des trois artisans se démarquent des rayures du bois tendre du parquet : en plein effort, ils adoptent des poses naturelles qui sont décuplées à travers plusieurs dessins préparatoires présentés en marge. Cet intérêt porté au monde ouvrier, en privilégiant une représentation réaliste des corps, différencie Caillebotte de ses contemporains, si bien que ce tableau est rapidement remarqué à l’exposition impressionniste de 1876.

Gustave Caillebotte Dessin préparatoire des Raboteurs de parquet, 1875 - © Romane Fraysse
Gustave Caillebotte, Dessin préparatoire des Raboteurs de parquet, 1875 – © Romane Fraysse

Silhouettes dans la ville

L’exposition met en lumière les hommes peints par Gustave Caillebotte, mais cette représentation ne va pas sans un environnement. Tout comme ses camarades impressionnistes, le peintre s’intéresse à la modernité de la capitale, transformée par les importants travaux menés par le baron Haussmann.

Gustave Caillebotte (1848-1894)Rue de Paris, temps de pluie, 1877 Chicago, The Art Institute of Chicago Charles H. and Mary F. S. Worcester Collection, 1964.336 © Image Courtesy of The Art Institute of Chicago
Gustave Caillebotte (1848-1894), Rue de Paris, temps de pluie, 1877 – © Image Courtesy of The Art Institute of Chicago

Le célèbre Rue de Paris, temps de pluie, aux dimensions bien plus monumentales qu’on ne le croit, révèle ce contraste entre le mouvement des silhouettes et l’immensité des architectures linéaires. Sa représentation du Pont de l’Europe permet aussi de jouer sur les cadrages et les constructions géométriques, afin de concevoir une nouvelle fois un dialogue entre l’homme et la ville.

Gustave CaillebotteLe pont de l’Europe, 1876-1877 © Etats-Unis, Texas, fort Worth, Kimbell Art Museum / Kimbell Art Museum
Gustave Caillebotte
Le pont de l’Europe, 1876-1877
© États-Unis, Texas, fort Worth, Kimbell Art Museum / Kimbell Art Museum

Ce face-à-face est particulièrement visible dans ses portraits d’hommes au balcon, souvent peints de dos. Une confrontation épique, où l’homme conquérant semble dominer la ville qu’il a construite. Mais d’une autre manière, ce détachement de la silhouette l’isole tout autant, et la laisse dans ses pensées face à un espace urbain devenu abstrait et insaisissable.

Portraits tendres

Le monde ouvrier, la représentation de la ville moderne… ces sujets sont bien connus dans l’œuvre de Caillebotte. En revanche, une grande salle consacrée aux portraits de ses amis « célibataires » éclaire avec intérêt les liens particuliers que le peintre a tissés avec les hommes. Accompagné de son « amie » Charlotte Berthier – qui fut visiblement son amante –, Caillebotte passe une partie de sa vie entourée par un cercle d’amis qu’il représente à de nombreuses reprises, en tâchant de relever leur personnalité et leur sensibilité dans des scènes intimes. Cette relation sensible et tendre entre des hommes est tout à fait singulière dans la peinture de l’époque.

Gustave CaillebotteHenri Cordier, 1883 Musée d'Orsay Don Mme Henri Cordier, 1926 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Gustave Caillebotte, Henri Cordier, 1883 – © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Sensualité du corps

Le nu n’est pas un sujet caractéristique de l’œuvre de Caillebotte : le peintre n’en a peint que trois, présentés dans une salle du parcours. Son nu masculin le plus remarquable est sûrement L’Homme au bain, mis en dialogue avec le Nu au divan féminin, qui délaisse toute idéalisation du corps viril pour laisser percevoir une silhouette élancée, de dos, les fesses découvertes. Il ne s’agit nullement d’un personnage mythologique, mais bien d’un jeune homme en train de prendre son bain. Là encore, la sensualité du corps masculin saisi dans son intimité marque une approche singulière, aux antipodes de l’idéal masculin associé à la puissance et à la raison.

Gustave Caillebotte, Homme au bain, 1884 - © Romane Fraysse
Gustave Caillebotte, Homme au bain, 1884 – © Romane Fraysse

Romane Fraysse

Gustave Caillebotte. Peindre les hommes
Musée d’Orsay
Esplanade Valéry Giscard d’Estaing, 75007 Paris
Jusqu’au 19 janvier 2025

À lire également : Voici 12 expositions parisiennes qui nous attendent à la rentrée 2024 

Image à la une : Gustave Caillebotte Les raboteurs de parquet, 1875 Musée d’Orsay Don, 1894 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

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