Le nom d’Harriet Backer n’évoque que peu de choses : pourtant, cette peintre norvégienne du XIXe siècle fait partie des grandes figures artistiques de son pays, aux côtés d’Edvard Munch. Inspirée par les thèmes réalistes et la touche impressionniste, elle s’engage dans une existence indépendante en s’intéressant aux scènes d’intérieur et au folklore populaire, intimement associés à la musique. Ainsi, jusqu’au 12 janvier 2025, le musée d’Orsay rend hommage à Backer et à son phalanstère féminin au sein d’une rétrospective.
Une vie indépendante
En premier lieu, Harriet Backer (1845-1932) mérite toute notre attention pour la vie indépendante qu’elle mène en tant que femme, dans une société du XIXe siècle encore peu laxiste envers ce qu’elle considère comme le « sexe faible ». Certes, celle-ci provient d’un milieu bourgeois et suit, comme de nombreuses jeunes femmes, une éducation artistique dans de nombreuses capitales d’Europe pour copier les maîtres et découvrir la création contemporaine. Avec sa sœur musicienne, elle passe par Berlin, Florence, et s’installe à Munich, puis à Paris.
Au fil des voyages et des rencontres, Backer constitue un cercle d’artistes femmes, avec des amies telles qu’Eilif Peterssen ou Kitty Kielland. Refusant le mariage, celles-ci préfèrent cohabiter en laissant planer le mystère sur la forme de leur relation. Une salle de l’exposition est dédiée à ce phalanstère, à travers une sélection de portraits et de scènes d’intérieur. Les convictions féministes de Backer vont d’ailleurs se renforcer au cours de sa vie, marquée par la création d’une école mixte de peinture en Norvège, à une époque où celles-ci sont majoritairement réservées aux hommes.
Peindre les intimités
Au fil des salles, l’œuvre d’Harriet Backer évolue considérablement dans son style. Toutefois, ses sujets se rapportent toujours à la vie intime : portraits de ses proches, scènes d’intérieurs rustiques, rites religieux, vanité d’objets quotidiens ou vues familières de paysages norvégiens. Inspirée par la touche impressionniste, l’artiste s’essaye à une palette plus ou moins vive, jouant sur les effets de lumière et le mouvement de formes imprécises.
Une touche musicale
En sous-titre à cette exposition, la commissaire Leïla Jarbouai a choisi « La musique des couleurs ». En effet, Harriet Backer ne cesse de vouloir créer des résonnances entre sa peinture et la musique qui l’accompagne toute sa vie, en la présence de sa sœur, la compositrice Agathe Backer Grøndahl. Dans une salle, plusieurs compositions au piano de cette dernière sont ainsi diffusées en dialogue avec une série de portrait, mettant en lumière ce lien sensible entre mélodie et couleurs. Cette recherche synesthésique est particulièrement perceptible dans le tableau Lavande, où Backer associe la scène d’une pianiste à une palette lumineuse et à un titre évoquant de doux effluves.
Inachèvements
Si les expérimentations de sa palette sonnent parfois juste, on reste tout de même sur notre faim. Harriet Backer mettait des années à terminer ses tableaux, sans parfois parvenir à les achever, comme l’illustre sa Nature morte, ou Image éternelle qu’elle ne cessait de reprendre. Hélas, ces indécisions se ressentent à la découverte de ses œuvres : on fait face à un style qui se cherche, sans finalement saisir de vraie cohérence en sortant de l’exposition.
Romane Fraysse
Harriet Backer. La musique des couleurs
Musée d’Orsay
Esplanade Valéry Giscard d’Estaing, 75007 Paris
Jusqu’au 12 janvier 2025
À voir également : Voici 12 expositions parisiennes qui nous attendent à la rentrée 2024Â
Image à la une : Harriet Backer (1845 – 1932), Intérieur bleu, 1883 – © Oslo, Nasjonalmuseet for kunst, arkitektur og design, NG.M.02216/ Photo: National Museum / Børre Høstland