Jusqu’au 30 mars 2025, la maison de Balzac mêle les textes du romancier de la Comédie humaine avec les dessins de ses contemporains autour de la thématique du mariage… et plus particulièrement, de ses “illusions perdues”. À la fois commerce social et union morale, le mariage de raison propre au XIXe siècle laisse percevoir des déséquilibres, tant sur l’âge ou la fortune des mariés que sur les droits attribués à chaque genre.
Scènes d’une Comédie humaine
Dans un siècle spectateur de la naissance de la bourgeoisie, Honoré de Balzac décortique les différents types sociaux qu’il se plaît à mettre en scène dans sa Comédie humaine. À une époque où la caricature des représentants de l’État est interdite sous peine de censure, les dessinateurs de presse se rabattent alors sur la satire des mÅ“urs. Avec des illustrations de Victor Adam, Honoré Daumier ou Gavarni, une première salle présente ainsi la figure du jeune célibataire à la recherche d’une femme à marier ou d’une maîtresse à prendre sous sa protection (actrices, modistes ou prostituées), tandis qu’une troisième catégorie de femme est laissée au rabais (souvent en raison de leur âge ou de leur petite condition).
Une fois mariée, la Comédie continue, à en croire la longue échelle conjugale présentée dans les dessins d’Émile-Charles Wattier : de la rencontre jusqu’à la séparation des corps – le divorce étant interdit à l’époque -, on observe des amants d’abord épris puis lassés, d’abord dévoués l’un à l’autre puis confrontés aux disputes. Sur le mur, une citation de Balzac souligne ce constat amer : “Le mariage ne saurait avoir pour base la passion, ni même l’amour. En commençant la vie conjugale par une ardeur extrême, elle ne peut que décroître” (Mémoire de deux jeunes mariées).
Un commerce entre familles
L’exposition dévoile aussi les motivations réelles des mariages du XIXe siècle, qui étaient pour la plupart des unions dites “de raison”. En ce sens, la femme était souvent considérée comme une monnaie d’échange, les parents souhaitant établir leurs filles à moindre coût ou marier leurs garçons à des héritières fortunées. Ces situations sont souvent moquées par les dessinateurs, qui s’amusent à représenter des couples déséquilibrés, situation que Balzac critique maintes fois. D’autres caricaturent aussi de jeunes filles romantiques pour dénoncer les “dangers de l’imagination” et encourager les familles à ne pas leur laisser de littérature entre les mains.
Les réalités d’un contrat moralÂ
À travers cette exposition, le XIXe siècle et ses mariages de raison mettent en lumière les origines de ce contrat : s’assurer une descendance. Il est d’autant plus intéressant de comprendre comment la morale tente de maintenir cette union. D’un côté, la femme sensible et chaste, dépendant financièrement du mari, contrainte de rester au domicile pour ne pas enfanter ailleurs (ce que Balzac n’hésite pas à nommer une “prostitution légale”.
De l’autre, le mari qui a le droit à quelques écarts (l’adultère lui vaut une amende, là où la femme peut être condamnée jusqu’à deux ans de prison), mais dont la réputation repose sur la fidélité de sa femme. Plusieurs dessinateurs s’amusent ainsi à représenter le mari souvent absent, rentrant ivre chez lui, attendu par une femme en rogne. Si Balzac souhaite dénoncer les injustices liées au mariage, les caricatures semblent quant à elles chercher davantage le divertissement, sans remise en cause des normes sociales.
Romane Fraysse
Maison de Balzac
47 rue Raynouard, 75016 Paris
Jusqu’au 30 mars 2025
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Image à la une : © Maison de Balzac