
Monnaie, cartes à jouer, pinceau ou livre, tant d’objets présentés au musée Marmottan que l’on semble pouvoir attraper… mais seulement par le regard ! Jusqu’au 2 mars 2025, une nouvelle exposition joue sur notre perception à travers l’art du trompe-l’œil, avec une sélection de peintures, photographies, céramiques, sculptures et sérigraphies allant de la Renaissance jusqu’à nos jours.
Nature morte, plus vraie que nature
L’art du trompe-l’œil a connu son apogée au XVIIe siècle, et aujourd’hui encore, c’est à ses natures mortes « plus vraies que nature » que l’on associe le genre. L’exposition s’ouvre ainsi sur ces tableaux emblématiques figurant des livres, des cartes, des encriers, des lettres ou des clés : par des jeux d’optique, chaque objet semble être en relief, dans des décors en perspective créant eux-mêmes l’illusion d’une profondeur. Le parcours présente ainsi des maîtres de l’art, tels que Cornelis Norbert Gijsbrechts, Jean-François de Le Motte, Jean-Baptiste Oudry, Cristoforo Munari, ou plus tard, le fameux Louis Léopold Boilly.

Sortir du cadre
Si le trompe-l’œil est en premier lieu pensé comme un art pictural, il s’étend aussi à d’autres formes artistiques : l’architecture ouvre par exemple des espaces propices à l’illusionnisme. Le parcours présente ainsi des décors peints par Dominique Doncre pour orner des dessus-de-porte, des devants de cheminées ou des médaillons d’hôtels particuliers situés à Arras.

La céramique est aussi un art de l’illusion, à en croire les nombreuses œuvres présentées dans une vitrine : terrine en forme de choux ou de courges, assiette garnie d’olives, plat orné d’une profusion d’animaux et de végétaux… De nombreuses manufactures, comme celles de Sceaux ou de Niderviller, développent cet art décoratif en relief entre les XVIIe et XVIIIe siècles.
Le renouveau
Si le genre existe dès la Renaissance, le terme de « trompe-l’œil » apparaît dans le titre d’un tableau de Louis Léopold Boilly, exposé au Salon de 1800. Il reste toutefois un art mineur, et n’est revalorisé qu’à la moitié du XIXe siècle, avec l’ascension du réalisme et l’intérêt nouveau porté pour les objets du quotidien. Avec les Lettres d’Alsace et de Lorraine, Adolphe-Martial Potémont en fait son sujet principal tout en gardant une narration comme prétexte. L’illusionnisme est davantage assumé chez les avant-gardes du XXe siècle, notamment avec le groupe « Trompe-l’œil / Réalité » qui mêle absurdité et dérision, et l’arte povera qui favorise un retour à l’objet brut.

Un art du camouflage
En explorant le trompe-l’œil de ses apparitions jusqu’aux réinventions contemporaines, on termine l’exposition par un lien singulier établi avec l’art du camouflage. Les commissaires ont pensé ce parallèle au regard de l’engagement de Paul Marmottan dans la création du musée historique de l’Armée. Une bonne raison de penser la dissimulation militaire, à travers les œuvres d’artistes ayant conçu des vêtements et décors recourant au camouflage. Les photographies contemporaines de Daniel Camus et de Lisa Sartorio illustrent tout particulièrement l’effacement des soldats au sein d’un vaste paysage.

Romane Fraysse
Le trompe-l’Å“il. De 1520 Ã nos jours
Musée Marmottan
2 rue Louis Boilly, 75016 Paris
Jusqu’au 2 mars 2025
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Image à la une : Henri Cadiou (1906-1989), La Déchirure (extrait), 1981, Huile sur toile, Collection particulière – © Droits réservés © ADAGP, Paris 2024