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Le musée Jean-Jacques Henner, centenaire d’un vestige de la Plaine-Monceau

Le musée Jean-Jacques Henner

C’est le seul musée du 17e arrondissement de Paris : situé au cœur de la Plaine-Monceau, véritable phalanstère d’artistes au XIXe siècle, le musée Jean-Jacques Henner était à l’origine l’hôtel particulier d’un autre peintre dénommé Guillaume Dubufe. Il doit alors son nom à Marie Henner, femme du neveu de l’artiste, qui l’a transformé en musée pour valoriser ses toiles et ses dessins. Entre académisme et symbolisme, l’œuvre inégale de Henner attire pour la sensualité de ses nymphes rousses et de ses nus masculins.

Un quartier d’artistes

Si le musée Jean-Jacques Henner est aujourd’hui l’unique musée du 17e arrondissement, il ne se trouve pas vers Monceau par hasard. En effet, en 1854, alors que les travaux du baron Haussmann défigurent la ville de Paris avec le traçage du boulevard Malesherbes, et des avenues Villiers et Wagram, ce que l’on nomme le quartier de la Plaine-Monceau a commencé tardivement à accueillir de nouvelles constructions, dont de nombreux hôtels particuliers et maisons d’artistes pour la haute bourgeoisie.

Le jardin d'hiver du musée Jean-Jacques Henner
Le jardin d’hiver du musée Jean-Jacques Henner, avec une fresque de Margaux Laurens-Neel

Ainsi, autour du parc Monceau se rassemblent des écrivains, peintres et musiciens fameux, comme les Dumas, Edmond Rostand, Camille Saint-Saëns, Gabriel Fauré, Odilon Redon ou Sarah Bernhardt. Tout ce cercle d’artistes se côtoie quotidiennement en se retrouvant à dîner dans les maisons des uns des autres, ou en s’invitant parfois dans un atelier pour présenter les dernières créations. Cela est savamment organisé, puisque chaque jour et chaque horaire de la semaine sont réservés à une adresse précise du quartier.

La maison de Dubufe

On peut facilement penser que le musée Jean-Jacques Henner est tout simplement l’ancien hôtel particulier du peintre dont il porte le nom. En réalité, l’histoire est bien moins évidente. Ce bel immeuble de l’avenue de Villiers a appartenu à un autre peintre du XIXe siècle : Guillaume Dubufe (1853-1909). Si son nom n’est pas passé à la postérité, il a pourtant été un grand décorateur de son temps, plusieurs fois médaillé. On lui doit notamment certaines fresques sur les plafonds du buffet de la gare de Lyon, de la bibliothèque de la Sorbonne et du foyer de la Comédie française.

La cheminée du musée Jean-Jacques Henner
La cheminée du musée Jean-Jacques Henner

C’est en 1878 que celui-ci achète « un rez-de-chaussée et deux étages sous comble » sur l’avenue de Villiers au peintre Roger Jourdain. En plein cœur du quartier de la Plaine-Monceau, entouré de ses amis artistes et écrivains, Dubufe transforme sa demeure en un lieu de réception et de création. En 1889, des travaux lui permettent de concevoir un atelier au troisième étage, éclairé par une immense baie vitrée. Celui-ci aménage alors de lui-même ses intérieurs : influencé par l’éclectisme de l’époque, il fait notamment installer une cheminée de style « chinois » dans la salle à manger du rez-de-chaussée, magnifiée par des carreaux anciens en faïence de Delft. Si celle-ci a été préservée, il n’en est rien du reste du décor oriental de la pièce.

Le musée Jean-Jacques Henner, avec une céramique de l'artiste Margaux Laurens-Neel
Le musée Jean-Jacques Henner, avec des oeuvres de Margaux Laurens-Neel

Toutefois, Dubufe n’est pas entièrement étranger à Jean-Jacques Henner : si ce dernier habitait rue La Bruyère et avait son atelier 11 place Pigalle, il lui arrivait quelques fois de venir dîner au 43 avenue de Villiers.

Un musée centenaire

À la mort de Jean-Jacques Henner en 1905, son neveu Jules Henner prend en charge la patrimonialisation de son œuvre. Celui-ci donne trente toiles au Petit Palais, puis son épouse Marie Henner prend le relai à sa disparition. Désirant faire une donation à l’État français, celle-ci achète l’hôtel particulier de Guillaume Dubufe en mars 1922 dans l’idée de le transformer en musée. Après un an de travaux, le lieu est prêt à dévoiler les œuvres de Jean-Jacques Henner appartenant désormais à l’État : 440 peintures, des dessins, des objets et du mobilier issu de l’atelier de l’artiste. Toutefois, celui-ci n’ouvre au public qu’en mars 1924.

Le jardin d'hiver du musée Jean-Jacques Henner
Le jardin d’hiver du musée Jean-Jacques Henner

Marie Henner prend alors la décision de nommer le premier conservateur du musée, qu’elle souhaite artiste : celle-ci choisit Emmanuel Michel, dit Many Benner, un peintre et ami de la famille qui a été autrefois le disciple de Henner. Celui-ci aide à inventorier, classer et accrocher les œuvres dans les salles, tout en faisant des visites des collections pour le public.

Le musée Jean-Jacques Henner
Le musée Jean-Jacques Henner

Le musée a un certain succès, mais connaît un grand nombre de fermetures, notamment pour un réaménagement du jardin d’hiver dès 1926, l’évacuation des œuvres durant la Seconde Guerre mondiale, de longs travaux de rénovation, jusqu’à la crise du Covid-19 qui repousse la réouverture en mai 2021.

L’œuvre de Henner

Le musée est aujourd’hui composé de trois étages d’exposition. Grâce à des dons ou legs, on y trouve près d’une centaine d’œuvres acquises entre 1924 et aujourd’hui, dont les iconiques L’Alsace. Elle attend ou La Liseuse. Si l’ancienne salle à manger a été aménagée pour présenter l’histoire du quartier de la Plaine-Monceau et du peintre Guillaume Dubufe, le reste du musée est entièrement dédié à l’œuvre de Henner.

Jean-Jacques Henner, L'Alsace. Elle attend
Jean-Jacques Henner, L’Alsace. Elle attend

Quelques expositions temporaires se mêlent aux collections du musée, car l’œuvre de Henner demeure toujours relativement méconnue et attire peu pour elle-même. L’histoire de l’art ne s’est d’ailleurs pas beaucoup intéressée au peintre, dont l’œuvre est difficile à assigner à un mouvement moderne. Au premier étage, une série de ses paysages et de portraits se rapprochent de l’académisme et de l’orientalisme alors en vogue, sans parvenir à convaincre. Bien sûr, ce sont les toiles plus symbolistes qui attirent le regard, celles de ses mystérieuses nymphes rousses et nues, à l’instar de La Solitude ou de La Liseuse. Avec une touche veloutée, floutant les frontières comme dans un rêve, ces œuvres allégoriques rendent à la peinture sa matérialité, et invitent à la caresse.

Le musée Jean-Jacques Henner
Le musée Jean-Jacques Henner

Autre série remarquable, celle des nus masculins étonnement sensuels : les sujets aux corps longilignes prennent des postures lascives, qui rompent radicalement avec les canons de beauté de l’époque. Loin de valoriser un torse musclé, ces toiles mettent en scène un jeune éphèbe, évoquant parfois la silhouette rachitique du Christ. Avec cette série, Henner semble faire correspondre le nu masculin avec celui de ses nymphes rousses – à cela près que l’homme, plus naturaliste, n’est pas représenté dans un paysage idéalisé inspiré par la mythologie.

Romane Fraysse

Musée Jean-Jacques Henner
43 avenue de Villiers, 75017 Paris
Ouvert tous les jours, sauf le mardi

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