Après plus d’un an de travaux de restauration, le musée Jacquemart-André inaugure sa réouverture avec un prêt exceptionnel. Jusqu’au 5 janvier 2025, ses salles présentent une quarantaine d’œuvres provenant de la célèbre galerie Borghèse, qui rassemble les collections du cardinal Scipion Borghese à Rome. Parmi elles, des toiles de la Renaissance et de la période baroque rarement exposées à l’étranger, et signées Caravage, Raphaël, Titien, Botticelli, Véronèse ou Rubens.
Aux prémices de la galerie
Avant d’entrer au sein du musée Jacquemart-André, commençons par retracer l’histoire de la galerie Borghèse, et de son créateur, le collectionneur Scipion Caffarelli-Borghèse (1577-1633). Né dans une famille de la noblesse siennoise, celui-ci est appelé à Rome alors que son oncle maternel, qui n’est autre que le pape Paul V, décide de le nommer cardinal. Durant les seize années du pontificat de son oncle, Scipion Borghèse exerce une réelle influence en occupant différents postes administratifs et diplomatiques.
Parmi la fortune qu’il acquiert, il commande la construction de palais, d’églises, de monuments, et constitue dès 1607 une importante collection d’œuvres d’art, avec des antiquités, des peintures et des sculptures des XVIe et XVIIe siècles. Les acquisitions ne sont pas toujours faites de manière très légale et consentie, Scipion Borghèse n’hésitant pas à faire appel à la menace, au vol et à l’emprisonnement : dès la première année, plus de 100 toiles maniéristes sont ainsi saisies dans l’atelier du Cavalier d’Arpin, qui est condamné par le pape sans véritable justification. Le cardinal récupère alors des pièces magistrales, comme l’Arrestation du Christ, mais aussi un tableau de jeunesse du Caravage : le célèbre Garçon à la corbeille de fruits.
Des œuvres devenues icônes
La réouverture du musée Jacquemart-André avec la collection de la galerie Borghèse est une alliance heureuse. À travers le parcours, on découvre des chefs-d’œuvre de la Renaissance et de la période baroque, peints par des artistes magistraux connus de tous : Raphaël, Botticelli, Caravage ou Véronèse. Malgré les travaux de restauration, on retrouve toutefois les contraintes d’espace et les reflets des éclairages des salles d’exposition, qui sont loin d’être idéales pour observer des toiles de grandes dimensions.
Mais passons ces détails pour revenir aux œuvres, celles-là mêmes qui valent largement le détour pour qui aime l’art italien de ces siècles. Le regroupement d’une quarantaine d’œuvres de la galerie Borghèse, rarement prêtées à l’étranger, permet ainsi de parcourir la diversité de sa collection. On y trouve La Chèvre Amalthée qui fut la première sculpture connue de Bernin, le Garçon à la corbeille de fruits du Caravage fascinant de modernité, ou encore l’éclatante Dame à la Licorne de Raphaël qui semble émettre une lumière immanente.
Mélange des genres
Parmi les œuvres, une thématique s’illustre tout particulièrement : celle du mythe. Parfois littéraire ou historique, le sujet chéri par la Renaissance s’inspire bien souvent de la mythologie gréco-romaine et de l’Ancien Testament. Toutefois, Scipion Borghèse apprécie tout particulièrement les mélanges de genre, et choisit bien souvent des œuvres faisant la part belle au paysage ou à la nature morte. C’est notamment le cas de l’Allégorie mythologique peinte par Dosso Dossi qui laisse une grande place à la représentation d’une ville onirique et lointaine, mais aussi le Portrait d’un gentleman de Lorenzo Lotto, dont la main recouvre un memento mori.
De nombreux portraits sont en effet exposés dans le parcours. Genre particulièrement en vogue durant la Renaissance – qui a vu passer le visage de profil à face –, celui-ci s’illustre dans des toiles d’Antonello de Messina, Parmesan, ou Lorenzo Lotto. Ce dernier, en privilégiant des traits mélancoliques du modèle, s’inscrit dans la modernité des peintres italiens du Quattrocento et du Cinquecento, qui privilégient la personnalité singulière plutôt que le statut social.
Expressions du corps
Si le corps humain incarnait autrefois un symbole – celui du statut social, de la fonction de la personne –, l’art de la Renaissance, et en particulier de la période baroque, va privilégier l’expressivité des formes, l’émotion du geste, et l’intensité des contrastes. Cette esthétique, tout à fait du goût de Scipion Borghèse, est mise en lumière à travers les deux dernières salles de l’exposition.
L’une d’elles, dotée de murs entièrement noirs, accentue la dimension tragique des oeuvres. On y découvre notamment Suzanne et les vieillards de Rubens, peintre des corps aux formes réalistes et aux poses lascives, mais aussi deux toiles du colérique Caravage, avec Judith et Holopherne et Ecce Homo. La toute dernière salle regroupe quant à elles des toiles sur la thématique de l’Éros, dont celles Leonard de Vinci, Raphaël et la très sensuelle Vénus bandant les yeux de l’Amour de Titien, rarement sortie de la villa Borghèse.
Romane Fraysse
Chefs-d’oeuvre de la galerie Borghèse
Musée Jacquemart-André
158 boulevard Haussmann, 75008 Paris
Jusqu’au 5 janvier 2025
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Image à la une : Caravage, Garçon à la corbeille de fruits, vers 1595, huile sur toile, 70 x 67 cm, Galleria Borghese, Rome. © Galleria Borghese / ph. Mauro Coen