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Tarsila do Amaral, cap sur les modernités brésiliennes au musée du Luxembourg

Figura em Azul, 1923 © Photo Galeria Frente © Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A - HD

Peintre représentante du modernisme brésilien, Tarsila do Amaral (1886-1973) ne connaît pas la même renommée en France, malgré ses voyages fréquents dans la capitale et ses affinités avec les surréalistes. Dans une exposition qui lui est consacrée jusqu’au 2 février 2025, le musée du Luxembourg dévoile un langage graphique aussi pluriel que singulier, mêlant traditions brésiliennes, villes contemporaines, et désir d’exotisme des Occidentaux.

Voyage entre modernités

Dès la première salle, notre regard se pose sur le portrait frontal d’une femme que l’on imagine être Tarsila do Amaral. La Figure en bleu, avec ses aplats et ses contrastes colorés, marque les premières modernités de l’artiste brésilienne après sa formation parisienne à l’Académie Julian. Étrangement, le parcours ne présente pas immédiatement la biographie de cette artiste pourtant méconnue en France : c’est seulement dans un deuxième espace que l’on découvre la vie de Tarsila do Amaral, née en 1886 dans une riche famille de Sao Paulo, et venue se former à la peinture à Paris en 1920, où elle se lie d’amitié avec Fernand Léger, Albert Gleizes, André Lhote et Blaise Cendrars.

Vue de l'exposition Tarsila do Amaral. Peindre le Brésil moderne © Photo Didier Plowy pour le GrandPalaisRmn, 2024
Vue de l’exposition Tarsila do Amaral. Peindre le Brésil moderne © Photo Didier Plowy pour le GrandPalaisRmn, 2024

De retour au Brésil, l’artiste délaisse l’art académique pour mener ses propres recherches esthétiques. Les premières salles nous dévoilent l’influence du cubisme sur ses œuvres de jeunesse, dont Caipirinha est l’une des plus marquantes. C’est aussi à cette époque qu’elle s’associe avec Anita Malfatti, Oswald de Andrade, Mário de Andrade et Menotti del Picchia pour former le Groupe des Cinq, fondateur du modernisme brésilien.

Paysages, lignes et couleurs

Progressivement, Tarsila do Amaral s’éloigne du cubisme pour inventer des paysages personnels du Sao Paulo. Inspirée par la vision exotique des Occidentaux tout comme par le folklore brésilien, la peintre représente des villes en construction, l’ambiance d’un marché, le foisonnement d’une végétation à travers des formes géométriques, courbes ou rectilignes, illuminées par une palette vive. Du cubisme, elle conserve donc un certain minimalisme, mais préfère des couleurs éclatantes et retrouve une perspective. À travers ces paysages, l’artiste semble chercher à saisir une essence poétique, particulièrement explicite dans ses dessins à l’encre.

Tarsila do Amaral, La Cuca, 1924 © Ville de Grenoble - Musée de Grenoble photo J.L. Lacroix © Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A
Tarsila do Amaral, La Cuca, 1924 © Ville de Grenoble – Musée de Grenoble photo J.L. Lacroix © Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A

Traditions et distorsions

Le parcours soulève un certain malaise lié à l’œuvre de Tarsila do Amaral. Ses toiles, en s’appropriant les fantasmes exotiques de l’Occident, délivrent une image harmonieuse et festive d’un Brésil pourtant longtemps malmené par la violence coloniale. L’ambiguïté de sa toile La Négresse suscite de nombreux questionnements, étant considérée comme une icône « primitive » par Blaise Cendrars, et reprenant pourtant les stéréotypes de la « mère noire » nourricière.

Tarsila do Amaral, La Négresse, 1923 © Photo Romulo Fialdini © Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A
Tarsila do Amaral, La Négresse, 1923 © Photo Romulo Fialdini © Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A

Mais au-delà de cet exotisme, l’artiste renouvelle des légendes brésiliennes, comme Sací-pererê ou la Cuca, pour composer des paysages oniriques. Plantes grasses et animaux chimériques cohabitent également dans les toiles, sous des formes extravagantes et distordues qui leur conférent une inquiétante étrangeté.

Un champ politique ?

Plusieurs cartels de l’exposition font référence aux collaborations de Tarsila do Amaral avec son compagnon Oswald de Andrade pour son Manifeste anthropophage. Hélas celle-ci reste assez évasive sur les revendications esthétiques de ce texte, et l’engagement de l’artiste brésilienne. De même par la suite, une salle consacrée à son travail autour de l’URSS, à la suite d’un voyage avec son autre compagnon Osório César, dévoile ses fresques sociales et son attention portée au monde ouvrier sans expliciter son positionnement face au régime soviétique. On garde toutefois en mémoire la monumentale toile Ouvriers, saisissante par la pluralité envahissante des visages, mais aussi morose par le choix d’une palette plus terne qui contraste avec le reste de son oeuvre.

Tarsila do Amaral, Ouvriers, 1933 - © Romane Fraysse
Tarsila do Amaral, Ouvriers, 1933 – © Romane Fraysse

 

Romane Fraysse

Tarsila do Amaral
Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard, 75006 Paris
Jusqu’au 2 février 2025

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Image à la une : Tarsila do Amaral, Figure en bleu (extrait), 1923 © Photo Galeria Frente © Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A

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