Du 10 au 13 juillet 2024, la ville de Chalon-sur-Saône en Bourgogne a accueilli la 37e édition du festival Chalon dans la Rue avec 150 compagnies françaises et internationales, ainsi qu’un millier de représentations à travers la ville. On a battu le pavé à la recherche des meilleurs spectacles de l’été, on vous en a déniché trois qui valent le détour et le retour !
1. Ce que j’appelle oubli de Garniouze Ink. : “Car à la fin tout meurt dans l’oubli”
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“Être coupable on en meurt pas”, expire Christophe Lafargue. Plus connu sous le nom de Garniouze, celui qui, depuis plus de vingt ans, caresse le pavé pendant les festivals d’arts de rue, se tient devant un amas de canettes de 8.6 vides. Elles sont des centaines et cela sonne comme une provocation car il n’a fallu en soustraire qu’une pour que soit soustraite une vie : en 2009, à Lyon, un SDF vole une canette de bière et meurt sous les coups des vigiles. L’auteur Laurent Mauvignier s’empare de ce meurtre pour rédiger Ce que j’appelle oubli, ouvrage publié aux éditions de Minuit. À son tour, Garniouze s’en saisit et le porte à la rue afin de représenter cette trajectoire de vie en marge qui s’éteint sur le bitume. Cet excellent comédien dégingandé, accompagné de François Boutibou pour la création sonore et Olivier « Rital » Magni à la régie, nous offre une œuvre magnétique. Au long monologue sous apnée se couple une mise en scène sobre : les tas de canettes se soulèvent et le comédien souffle dans certaines d’entre elles, comme une tentative désespérée de saisir une respiration qui s’enfuit et les intermèdes sonores allègent l’atmosphère. Mais le tour de force de cette adaptation est celui de montrer que malgré le flot ininterrompu de paroles et le travail de scène, seul règne le silence qui “se renferme sur” la victime, n’étant que “la seule chose qui lui appartient”. Une grande pièce qui agit comme un coup au cœur.
Ce que j’appelle oubli, Garniouze Ink.
Prochaine représentation :
– Les 19 et 20 juillet 2024 à 21h : Théâtre du Grand Rond, 23 rue des Potiers, Toulouse (31)
2. Derrière les arbres, cie Chien Mange Chien : “un autre ordre, infiniment plus élevé et sur-rationnel”
– Le 19 juillet 2024 à 21h : Association Baba Yaga, Hôtel de la Poste et des voyageurs à Chantelle (03)
3. UNRUHE, Groupe Crisis : De quoi avons-nous besoin de guérir ?
En 1518, une femme atteinte du « mal de Saint-Guy » ne peut s’arrêter de danser frénétiquement dans les rues de Strasbourg et contamine plusieurs personnes, saisies par une incontrôlable fièvre qui dure durant des jours. Ce phénomène d’hystérie collective, qui a principalement été observé en Allemagne et en Alsace entre le XIVème et le XVIIIème siècle, n’a pour l’instant, toujours pas trouvé d’explication selon Nolwenn Peterschmitt, qui a dirigé UNRUHE, une intense et déroutante création collective. Cette pièce originale rassemble treize interprètes et deux créateurs sonores autour du cas de cette “manie dansante”. Lors d’une traversée collective de 1h15, le public est convié à danser avec la troupe sur la musique de Thibaut de Raymond et Thomas Delpérié, inspirée de la musique modale médiévale et de la musique électro-acoustique. S’en suit une performance délirante qui traverse progressivement les frontières de la morale et questionne les modes de rituels ancestraux et contemporains. Le public et les artistes font communauté et célèbre l’expression collective de la douleur et de la joie. Le soleil se couche et la catharsis se lève. À faire absolument !
UNRUHE, Groupe Crisis
Prochaine représentation : Les 18 et 19 octobre, à la Parole Errante, Montreuil (93)
Image de couverture : UNRUHE ©Irwin Barbé