Le Mémorial caché du Marais
Mis à jour en septembre 2016
Depuis près de neuf siècles, une part importante de la communauté juive parisienne s’est installée dans le quartier historique du Marais, y a développé des commerces, a accueilli les réfugiés des premiers pogroms d’Europe de l’Est et a connu sous l’occupation les rafles et la déportation vers les camps. La volonté de créer, dans ce même quartier, un lieu de mémoire de cette période tragique de l’Histoire qui a vu mourir des millions de juifs dans des camps, semblait, dès lors, plutôt naturelle. C’est donc à deux pas de l’île Saint-Louis que, dès 1953, on s’active à construire ce monument, classé historique depuis 1991, que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de Mémorial de la Shoah.
Par une journée pluvieuse de septembre, on a décidé de pousser la porte de ce bâtiment très bien gardé et planqué à l’angle de l’allée des Justes de France et la rue Geoffroy-l’Asnier dans le 4ème arrondissement. Un guide charmant nous explique qu’il s’est passé un certain temps avant que le Mémorial ne se dote de tous ses équipements actuels. Cette structure est née de la fusion entre le Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), fondé initialement à Grenoble en 1943 et déménagé à Paris après la Libération, et le Mémorial du Martyr juif inconnu inauguré en 1956, tous deux créés à l’initiative du même homme, le militant Isaac Schneersohn.
Au fil de la visite, on constate aisément que les installations mises en place dans les années 1950 côtoient celles apparues seulement en 2005, lors de l’ouverture au public le 27 janvier à l’occasion du 60ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz. Sur le parvis du bâtiment, on aperçoit un cylindre de bronze, entreposé après la guerre, qui porte les noms du Ghetto de Varsovie et des 12 camps de concentration et d’extermination, et symbolise les cheminées des camps de la mort.
Le long du parvis d’origine, l’impressionnant Mur des Noms vient troubler le regard du visiteur, portant, au total, 76 000 inscriptions gravées dans la pierre qui sont autant de noms d’hommes, femmes et enfants juifs déportés de France entre les années 1942 et 1944. C’est, de toute évidence, ces trois modestes pans de murs qui, de toute les installations du musée, nous permettent de prendre véritablement la mesure des événements, surtout lorsque l’on entreprend de retrouver le nom d’un ancien déporté venu témoigner ou d’une des victimes dont on a croisé le portrait sur le parcours.
A l’intérieur, on découvre, juste au-dessous du cylindre du parvis, une crypte faiblement éclairée avec, en son centre, une immense étoile de David en marbre noir, tombeau symbolique des six millions de juifs morts sans sépulture, sous lequel reposent les cendres des victimes recueillies dans les camps et ensevelies en 1957 dans de la terre d’Israël. A l’image de la tombe du Soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe, une flamme éternelle brûle au centre de l’étoile.
La salle d’exposition permanente, s’étalant sur près de 1000m2 autour de la crypte, suit le fil de l’Histoire des Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale, faisant écho également à l’Histoire européenne pour davantage d’emphase. Elle nous permet d’aborder l’histoire collective du génocide à travers le prisme de témoignages et de trajectoires de vie individuelles. L’exposition débouche sur un espace cubique où l’on découvre un impressionnant patchwork de photos présentant les visages de plus de 3500 enfants juifs déportés, sur des panneaux éclairés par transparence.
Au milieu de maquettes des camps, de vieux papiers d’identité, de vestiges retrouvés d’étoile jaune et d’uniforme rayé, ainsi que de clichés d’hommes, de femmes et d’enfants déportés, on revient sur les traces du génocide juif en n’oubliant pas d’aborder les autres massacres de population connus dans l’Histoire. Une institution, vieille de 60 ans, qui n’a pourtant cessé d’évoluer, pour devenir aujourd’hui le premier centre d’information européen sur la Shoah… à visiter au moins une fois !
Pour plus d’infos, rendez-vous sur leur site internet.