Ces éléments de mobilier urbain font désormais partie du paysage parisien et sont, au même titre que les fontaines Wallace ou les édicules Guimard, une composante essentielle de la capitale. On vous raconte l’histoire de ces colonnes publicitaires connues sous le nom de colonne Morris.
Paris et Berlin, une même réponse à un problème similaire
Au milieu du XIXe siècle, Paris et Berlin font face au même problème. Avec l’apparition de nouveaux lieux de divertissement, les annonces publicitaires ne cessent de se multiplier un peu partout dans les rues. Sur les murs, les arbres, les grilles, mais surtout sur les urinoirs publics qui servent à la fois de toilettes et de panneaux d’affichage.
En 1845, à Berlin, l’imprimeur et inventeur allemand Ernst Litfaß trouve une solution à ce problème affectant le paysage urbain : ériger un mobilier spécialement dédié à la publicité et interdire l’affichage sauvage. Les premières colonnes Litfaß, ou Litfaßsäule, sont inaugurées en 1855. Quelques années plus tard à Paris, c’est l’imprimeur Gabriel Morris, spécialisé dans la publicité des spectacles parisiens, qui prend l’initiative de mettre en place des lieux entièrement dédiés aux affiches publicitaires. Il a en effet remarqué que les odeurs d’urines repoussent farouchement les passants et propose donc de faire installer des colonnes de forme cylindrique séparées des urinoirs.
Emballé par l’idée, le préfet de police fait installer une dizaine de ces modèles sur les Grands Boulevards, alors surchargés de réclame pour les spectacles des théâtres alentours. La ville de Paris donne à Morris le monopole publicitaire sur les colonnes, qui deviennent dans le langage populaire les “colonnes Morris”. 451 colonnes, chacune pouvant accueillir 4m² de publicités dédiées aux offres culturelles parisiennes, seront mises en service entre 1868 et le milieu des années 1870.
Des constructions en harmonie avec l’architecture parisienne
Construites en fonte et peintes de cette couleur verte si caractéristique du mobilier parisien, leur toiture est composée d’une marquise hexagonale, décorée de six mufles de lions à  chaque coin. Le tout est surmonté d’un dôme convexe, décoré d’écailles et d’une flèche ornée de feuilles d’acanthe, typiques de l’architecture néoclassique et éclectique du XIXe siècle.
Ces premières colonnes sont ensuite perfectionnées par l’architecte Gabriel Davioud. Sous la marquise, il ajoute un bandeau où sont notés les mots “Spectacles” et “Théâtre” coupés d’un médaillon en fonte de fer non peinte. Le bateau gravé sur ce médaillon n’est pas sans rappeler le blason de la ville et sa devise, “Fluctuat nec mergitur”, rendue officielle en 1854 par le baron Haussmann. À l’intérieur, un espace permet d’y ranger les balais des équipes de nettoyage.
Les colonnes Morris deviennent très rapidement des éléments emblématiques du paysage parisien. Si bien qu’on les retrouve dans de nombreux tableaux de peintres de la Belle Époque.
Cyrielle Didier