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Elisabeth Vigée Le Brun, femme libre et peintre officielle de la Reine

Par Lisa B

Peintre officielle de la reine Marie-Antoinette, Elisabeth Vigée Le Brun est une figure majeure de l’Ancien Régime. Libre, indépendante et talentueuse, elle ne cache pas ses convictions royalistes tout en bouleversant les conventions de l’époque. Artiste avant d’être épouse, elle est l’illustration même de la femme ambitieuse et maître de son destin. 

“Tu seras peintre mon enfant !”

L’histoire d’Elisabeth Vigée Le Brun résonne comme une véritable success story sur un fond de Révolution. Elle naît à Paris en 1755 dans une famille aimante, entourée de ses parents. Comme beaucoup de petites filles de l’époque, Elisabeth passe son enfance dans un pensionnat, entre les murs de l’école du couvent de la Trinité. Elle développe très vite une incroyable aptitude pour le dessin : elle griffonne partout, sur les murs comme sur les cahiers de ses amies. En découvrant le travail de sa fille, son père s’est écrié, plein de fierté : “tu seras peintre mon enfant !” 

Autoportrait (1781-1782), par Élisabeth Vigée Le Brun.

Artiste reconnu de la capitale, Louis Vigée soutient sa fille dans cette voie et la confie à son ami Gabriel-François Doyen, membre de l’Académie Royale, pour apprendre les techniques de la peinture. À peine âgée de douze ans, Elisabeth Vigée est déjà reconnue pour être une portraitiste de génie, usant d’un style sophistiqué qui lui est propre. Elle commence alors à se faire connaître au sein de la haute société parisienne et se constitue une clientèle distinguée. 

Libre comme seul objectif ! 

Alors que sa carrière débute brillamment, une première série de drames va s’abattre sur la jeune artiste. Son père, si doux et encourageant avec elle, décède, tandis que sa mère se remarie. Jacques-François de Sèvre, son beau-père, n’hésite pas un seul instant à empocher l’argent de sa belle-fille. Pour ne rien arranger, en 1774, l’Académie Royale lui confisque son matériel car elle n’en est pas membre. Sa trop grande indépendance dans ce milieu est également vue d’un mauvais œil par les hommes qui le constituent…

La Paix ramenant l’Abondance (1780), par Elisabeth Vigée Le Brun. Musée du Louvre.

Mais il en faut plus pour décourager Elisabeth Vigée le Brun ! La jeune artiste intègre l’Académie Saint-Luc, ouverte aux femmes sous l’Ancien Régime. Mais il lui est interdit d’assister aux cours de peinture d’histoire ou de nu, disciplines entièrement réservées aux hommes. Pour échapper à son beau-père, Elisabeth se marie en 1776 avec Jean-Baptiste Pierre Le Brun, marchand d’art de son métier, libertin de son état. Si le mariage est inévitable, il est inconcevable pour elle de mettre un terme à sa carrière. Son époux lui laisse une relative liberté, mais à son plus grand dam, dépense outrageusement l’argent qu’elle gagne. 

Entrée à la cour du roi

Par l’intermédiaire du propriétaire du logement qu’elle occupe, Elisabeth rencontre la Duchesse de Chartres. L’épouse du Duc d’Orléans est séduite par son style et lui commande un portrait. Enchantée par le résultat de son travail, la Duchesse vante les mérites de cette jeune peintre à Versailles. La reine Marie-Antoinette, intriguée, convie Elisabeth à la cour pour connaître cette artiste dont tout le monde parle…
C’est ainsi que son destin va prendre un tout autre tournant. À peine âgée de 23 ans, elle devient la portraitiste officielle de la souveraine. Cette dernière apprécie sa compagnie et les deux femmes discutent ensemble comme de vraies amies. En près de six ans, Elisabeth va réaliser plus de 30 portraits de l’épouse du roi.

Portrait de Marie Antoinette en robe de mousseline dite ‘à la créole’, ‘en chemise’ ou ‘en gaulle’  (1783) par Élisabeth Louise Vigée Le Brun.

Cette complicité lui permet même de peindre Marie-Antoinette comme on ne l’avait jamais vue : sans corset, sans maquillage et sans apparat. Elisabeth Vigée Le Brun représente la reine au-delà de son statut, comme une femme pleine de charme. Mais exposée au Salon du Louvre, l’œuvre fait scandale. Qui a bien pu représenter la reine de la sorte, presque nue ? Elisabeth brise les codes de l’époque et tient à représenter les femmes autrement. Elle est d’ailleurs la première à peindre des sourires resplendissants, où l’on peut apercevoir les dents des modèles.
Soutenue par le roi et la reine, elle parvient finalement à intégrer l’Académie royale. À l’époque, les femmes disposaient du statut social de leur mari et la profession de Jean-Baptiste Pierre Le Brun ne lui aurait jamais permis de pouvoir y accéder, malgré son talent. Elle est alors l’une des quatre femmes à en être membre : une belle ascension !

Voyages à travers l’Europe

En 1789, la Révolution éclate. Profondément royaliste, Elisabeth Vigée Le Brun n’adhère pas au combat des sans-culottes qui défilent devant sa fenêtre. La tension gagne la capitale et l’artiste craint pour sa sécurité, elle qui est si proche de la reine et habituée de la cour. Avec sa fille Julie et sa gouvernante, elle quitte Paris et son mari pour rejoindre l’Italie. Là-bas, comme à Versailles, le succès est au rendez-vous. Sa renommée lui ouvre toutes les portes : auprès d’une riche clientèle européenne et à l’académie de Bologne

Portrait de Angelica Catalani (1806), par Elisabeth Vigée Le Brun.
Lady Hamilton en Sibylle (1792), par Élisabeth Vigée Le Brun. Collection particulière.

Pendant 12 ans, cette peintre de talent va parcourir l’Europe, plus que jamais indépendante et maître de son art. Après Naples et Vienne, elle pose ses valises et son chevalet à Saint-Pétersbourg, avant de regagner la France. Mais la Révolution a considérablement transformé Paris, cette ville qu’elle chérissait et qu’elle peine à reconnaître. C’est au crépuscule d’une vie libre, riche d’art et de rencontres, qu’Elisabeth Vigée Le Brun s’éteint le 30 mars 1842. 

Photo de Une : Autoportrait au chapeau de paille (1782), par Elisabeth Vigée Le Brun. National Gallery de Londres.

Lisa Back

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