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La prison de la Force, du Palais à l'enfer de la Révolution

La prison de la Force
Par Colombe

« Le Bâtiment-Neuf, qui était tout ce qu’on pouvait voir au monde de plus lézardé et de plus décrépit, était le point faible de la prison. Les murs en étaient à ce point rongés par le salpêtre qu’on avait été obligé de revêtir d’un parement de bois les voûtes des dortoirs, parce qu’il s’en détachait des pierres qui tombaient sur les prisonniers dans leurs lits. » Ce court passage relate l’évasion du père Thénardier de la prison de la Force. La mention de cette dernière dans Les Misérables la fait définitivement entrer dans la légende. Retour sur l’histoire de la prison la plus vaste de Paris, aujourd’hui disparue !

Le Palais devenu prison

Le bâtiment qui abritera, plus tard, la maison d’arrêt de la Force est construit en 1533 sur les ruines d’un ancien palais du 4e arrondissement dont le propriétaire était le frère du roi Saint Louis. À la fin du XVIIe siècle, l’hôtel est divisé en une partie orientale, l’hôtel de Chavigny – devenu depuis la caserne de pompiers du 7 rue de Sévigny – et une partie occidentale, l’hôtel de la Force.

Vendu en 1715 aux frères Paris, l’hôtel de la Force profite de nombreux travaux avant d’appartenir définitivement à l’État qui a alors pour projet d’y installer une école militaire. Le projet est abandonné assez rapidement et l’hôtel particulier est racheté en 1780 par Louis XVI qui transforme les deux parties de l’hôtel en maison de détention. Elle sera divisée en deux parties : la prison de la Grande Force pour les hommes – des débiteurs insolvables, des gens du spectacle ou des jeunes emprisonnés à la demande de leur famille principalement – et celle de la Petite Force réservée aux femmes, pour la plupart prostituées.

La Force : une prison modèle transformée en enfer de la Révolution

À partir des années 1770, la société commence doucement, mais sûrement, à dénoncer les conditions déplorables dans lesquelles les prisonniers européens sont enfermés. Ces derniers, lorsqu’ils étaient jugés dangereux, étaient simplement jetés dans des fosses insalubres jusqu’à ce que mort s’en suive. Les autres étaient entassés, sans distinction de sexe, dans des salles sans air ni lumière. Plusieurs essais, comme le Projet concernant l’établissement des nouvelles prisons pour la capitale d’un magistrat anonyme, dénoncent la surpopulation dans les prisons, l’insalubrité, la façon dont sont traités les détenus. On déclare alors que « l’humanité, la justice, l’honneur de la nation, exigent que l’on s’occupe enfin de cette partie si négligée de notre administration ».

La prison de la Force devient alors symbole de la lutte pour l’amélioration des conditions de détention. Les prisonniers sont séparés selon leur peine, mais aussi leur capacité financière : ceux qui peuvent se le permettre logent dans des chambres à quatre lits, avec une cheminée. L’hiver, les plus nécessiteux ont un chauffoir dans lequel ils peuvent se réunir. La Force apparait alors aux yeux de tous comme l’idéal souhaité. Eugène Sue la qualifie même en ces termes, dans Les Mystères de Paris : « une vaste maison de détention, construite dans toutes les conditions de bien-être et de salubrité que réclame l’humanité ».

Princesse de LamballeLe massacre de la princesse de Lamballe devant la prison de la Force

Mais très vite, le contexte politique et social se gâte et, en 1792, elle devient un lieu de détention politique pour les pillards – majoritairement des femmes – et les opposants au nouveau gouvernement… Lors des massacres de Septembre, la princesse de Lamballe, très proche de la reine Marie-Antoinette, fait partie des nombreuses nobles enfermées à la Petite-Force. Elle sera décapitée alors qu’elle sortait de détention et son corps atrocement mutilé. Le London Times rapportera que « ses cuisses furent tailladées, ses entrailles et son cœur arrachés et son corps mutilé promené pendant deux jours à travers les rues ». Cet épisode de septembre 1792 transforme la Force en symbole noir de ce contexte de Terreur.

Un symbole qui perdure encore

La Force devient donc la prison emblématique des journées sanglantes de la Révolution et entre même dans le langage courant :  « la Force » sert aujourd’hui à désigner une maison d‘arrêt ! Dans la littérature, au-delà de Victor Hugo, Alexandre Dumas la mentionne dans Le Comte de Monte Cristo, Balzac dans Splendeurs et misères des courtisanes. Démolie en 1845, la prison de la Force ne se découvre aujourd’hui que grâce à un pan de mur que vous pouvez observer rue Malher dans le Marais. Ce vestige, retrouvé en 1905, est un pilier qui séparait la Petite et la Grande Force.

Le pan de mur encore existant de la rue Malher (4e arrondissement de Paris)

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