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Les fabuleux automates de Jacques Monestier

Par Romane Fraysse

Les automates gardent en eux cette croyance qu’ont les enfants en la vie secrète des objets. Si la tradition se perd, leurs silhouettes perdurent dans certains recoins méconnus de Paris. On croise le Défenseur du Temps dans le quartier de l’Horloge, un Théâtre optique au musée Grévin, ou le Marcheur de la BNP aux Champs-Elysées. Discrets, ils sont tous trois conçus par un certain Jacques Monestier, un artiste de 82 ans qui se revendique volontiers « sculpteur d’automates ».

Les automates, entre artisanat ancien et mécanisme moderne 

Lorsqu’il était enfant, Jacques Monestier bricolait déjà dans sa chambre les quelques jouets qu’il avait entre ses mains. Après une formation classique à l’École des Beaux-Arts de Paris, le jeune homme se prend de passion pour l’art savant de la Renaissance italienne. Donatello, Leonard de Vinci, Filippo Brunelleschi… il voue une admiration sans borne pour ces génies qui allient les techniques scientifiques à la sensibilité esthétique.

Croquis du Défenseur du Temps, par Jacques Monestier

Dès lors, lui-même se consacre avec ingéniosité au dessin. Animaux mythologiques, Homme de Vitruve, éléments naturels… L’artiste pioche dans ses nombreux modèles. Il multiplie les esquisses, mesure la proportion des corps et précise la graduation des gestes. Très vite naît alors une véritable fascination pour les machines : Monestier se considère autant technicien qu’artiste et mêle les catalogues de peinture aux manuels de mathématiques.

Naturellement, à partir des années 1960, les lignes de sa plume se transforment en de grands squelettes en acier soudé, sur lesquels le sculpteur applique du laiton martelé doré ou oxydé, voire du bronze ou du cuivre. Puis, comme pour donner un souffle à ses inventions, il les nourrie de tout un réseau de connexions électriques, mécaniques ou informatiques. Parfois de ses propres mains, d’autres fois grâce à l’aide de ciseleurs, ferronniers ou électriciens.

On voit un visage tourner de côté, un crabe articuler ses pinces ou un cheval partir au galop. Ses œuvres prennent vie et ne manquent pas de fasciner par leur véritable monumentalité. Dans la dorure d’une icône médiévale, les bras se mettent en mouvement grâce à des câbles, des radars, des panneaux solaires ou des programmes informatiques. À la fois orfèvre, plasticien et ingénieur, Jacques Monestier allie les techniques anciennes aux technologies les plus avancées pour créer des automates qui n’ont que faire de l’injonction contemporaine à l’abstraction.

Le mouvement de la matière

L’« automate » porte bien son nom. Pour Monestier, il est une œuvre autonome, dont la souplesse des gestes et la précision des formes dévoilent un attachement certain pour les corps vivants. « Je suis toujours fasciné par le mouvement. Lorsque je regarde quelqu’un, j’ai inconsciemment une caméra dans la tête qui me permet d’enregistrer les mouvements, et puis de les restituer », raconte-t-il.

Jacques Monestier, La Chouette, 2009

Aussi, sa grande technique lui permet de se concentrer sur les oscillations les plus minimes. Sa chouette dorée tourne son regard avec une dextérité bouleversante, qui ébranle la frontière entre l’objet et l’être vivant. Son bailleur porte quant à lui la main devant sa bouche lorsqu’un passant l’approche. Accompagné par des bruitages, son Défenseur du Temps manie le glaive et le bouclier pour combattre d’un même coup le crabe sortant de son rocher, le dragon ouvrant sa gueule et l’oiseau montrant ses griffes.

Une esthétique symbolique

Finalement, l’univers de Monestier nous immisce dans une grande épopée mythologique où des figures héroïques côtoient de fantastiques créatures. Fortement inspiré par l’iconographie chrétienne – que l’on retrouve sans détour dans ses œuvres, à l’instar de L’Arbre de vie ou de L’Apocalypse selon Saint-Jean – l’artiste trahit sa volonté d’atteindre un art sacré, proche des icônes religieuses. Du même fait, ses sculptures transcendent la matière pour donner lieu à une Idée qui les dépasse. Leur dorure leur apporte un certain mysticisme, soutenu par l’héroïsme de certaines scènes mises en mouvement.

Pour découvrir ses automates prendre vie, rendez-vous sur le site de Monestier.

Jacques Monestier, Le char du soleil, 1966

Romane Fraysse

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Photo de Une : Programmation du Défenseur du Temps par Jacques Monestier, 1995
© Jacques Monestier