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Le musée des Arts décoratifs ouvre les portes de l’intime du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours

Edgar Degas — Femme assise sur le bord d’une baignoire et s’épongeant le cou 1880-1895 © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

L’intime, vaste sujet auquel se confronte le musée des Arts décoratifs, qui explore ses différents angles à travers les objets domestiques, la sphère privée, la sexualité, le design, les appareils connectés ou la vidéosurveillance. Jusqu’au 30 mars 2025, ce long parcours dévoile 470 peintures, photographies, vidéos, objets d’art et du quotidien pour questionner les évolutions sociales du XVIIIe siècle à nos jours. Une entreprise ambitieuse qui survole des thématiques pourtant complexes, sans reconnaître son impuissance à saisir les mystères du sensible.

Pluralité intime

Explorer l’intime, voilà une initiative ambitieuse tant le terme englobe une quantité infinie de thématiques. Le musée des Arts décoratifs a ainsi décidé d’évoquer une douzaine d’espaces de l’intimité, mêlant l’évolution de la “vie privée”, les objets quotidiens, le récit de soi, la sexualité, mais aussi les objets connectés, la surveillance, le design ou la vie dans la rue.

Superstudio —Canapé Bazaar 1968 © C. Toraldo di Francia | Superstudio, Archivio Filottrano
Superstudio, Canapé Bazaar, 1968 – © C. Toraldo di Francia | Superstudio, Archivio Filottrano

Le visiteur évolue ainsi entre ces différentes sphères, dévoilant des scènes intérieures d’Édouard Vuillard, des photographies de Nan Goldin, des meubles design au service du confort, une pluralité de sextoys, des extraits de journaux intimes, des appareils connectés ou des systèmes de vidéosurveillance. Bref, tout un panel d’objets visant à penser l’intime comme un lieu sentimental, pudique, chaleureux, dont les frontières sont menacées par la répression sociale ou le voyeurisme des réseaux sociaux.

Corps intime et corps social

La première partie de l’exposition se concentre davantage sur l’évolution sociale du concept “d’intime”. C’est véritablement au XVIIIe siècle que germe l’idée d'”individu” dans la philosophie des Lumières, menant en parallèle à forger celle d’une sphère privée. Mais loin d’avoir un jardin secret, le corps fait face à une hausse du contrôle social et du seuil de la pudeur. Avec l’hygiénisme, le corps doit être peu à peu dissimulé, tandis que les pulsions sont régulées au moyen de discours.

Drone — Anafi Al 2021 © Les Arts Décoratifs
Drone, Anafi Al, 2021 – © Les Arts Décoratifs

L’exposition dévoile cette évolution à travers certains objets domestiques, comme les toilettes : autrefois uriner en public était monnaie courante grâce au bourdaloue ou au pot de chambre utilisé en présence d’autres personnes. Mais progressivement, des interdits et des tabous ont entouré le corps, ce que certains artistes dénoncent, à l’instar de Judy Chicago qui photographie les protections liées aux menstruations dans des toilettes publiques.

Le sensible, insaisissable ?

Si une exposition sur l’intime est une riche idée, le parcours très dense proposé au musée des Arts décoratifs semble vouloir tout explorer en faisant face à ses limites. La construction assez inégale confie une large place aux objets domestiques et à la dimension sociale de l’intime dans un premier temps, puis survole les autres thématiques tout aussi passionnantes dans un second, celles-ci méritant en réalité une exposition à elles seules (design, surveillance, sexualité, vivre à la rue, etc.).

Evan Baden — Emily 2010 © Evan Baden
Evan Baden, Emily, 2010 – © Evan Baden

Autre bémol de cette exposition, la place minime consacrée au sentiment, qui n’est réduit qu’au journal intime, donc au récit de soi. L’intime ne semble donc être évoqué que de l’extérieur, et laisse ainsi une sensation de vide intérieur… Dans le fond, ces grandes thématiques prouvent bien une chose : la société tente de s’emparer de l’intime en le cloisonnant dans de grandes idées, mais se montre finalement impuissante à pouvoir nommer ce qui est indicible, le corps sensible et le mystère de ses émotions.

Romane Fraysse

L’intime, de la chambre aux réseaux sociaux
Musée des Arts décoratifs
107 rue de Rivoli, 75001 Paris
Jusqu’au 30 mars 2025

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Image à la une : Edgar Degas, Femme assise sur le bord d’une baignoire et s’épongeant le cou, 1880-1895 – © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

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