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Le fronton du Panthéon, témoin d'une Histoire mouvementée

Le Panthéon de Paris - © Shutterstock
Par Cyrielle

“Aux grands hommes la patrie reconnaissante”. Si cette devise est désormais bien établie sur le fronton du Panthéon, il n’en a pas toujours été ainsi. L’emblématique édifice de la montagne Sainte-Geneviève a en effet connu une histoire mouvementée et n’a pas invariablement eu pour vocation d’honorer les grandes personnalités de la nation française. Le destin de son fronton, modifié à quatre reprises, est évocateur de la tumultueuse histoire qu’a connu l’édifice, évoluant au rythme de celle de la France.

Une église en l’honneur de la sainte patronne de Paris

Lorsque la première pierre de ce grand édifice néo-classique est posée par Louis XV en 1764, le monument est destiné à devenir un lieu de culte catholique en l’honneur de Geneviève, la sainte patronne de Paris. Vingt ans plus tôt, le roi de France, gravement malade à Metz, avait fait le vœu de réédifier l’ancienne basilique Sainte-Geneviève, fondée treize siècles auparavant par Clovis, s’il parvenait à guérir de sa mystérieuse maladie. Les travaux, qui débutent dès 1757 avec le nivellement du sol, sont confiés à l’architecte Jacques-Germain Soufflot et s’étendront sur plus de trente ans.

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La façade du Panthéon telle que voulue par l’architecte Soufflot au début du projet

Qu’en est-il du fronton ? Premier fronton de forme rectangulaire réalisé en France, il est l’oeuvre du sculpteur Guillaume II Coustou et nommé L’Adoration de la Croix. Il représente des chérubins et des anges adorateurs entourant une croix rayonnante.

Le Panthéon, temple de la Patrie

Le bâtiment n’est ni terminé, ni consacré par l’Église catholique, lorsque éclatent les prémices de la Révolution Française au printemps 1789. L’Assemblée constituante en profite donc pour s’emparer du projet : l’édifice ne sera pas un temple de la religion, mais un temple de la patrie. À ces fins, l’Assemblée décide en avril 1791 que le lieu, encore connu en tant qu’Église Sainte-Geneviève, deviendra un Panthéon honorant les grands hommes de la patrie.

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L’inhumation de Voltaire au Panthéon en juillet 1791. Gravure de Simon-Charles Miger (1817)

Qu’en est-il du fronton ? Retiré en 1791, le premier fronton est remplacé en 1793 par une oeuvre de Jean-Guillaume Moitte illustrant les idéaux révolutionnaires, La Patrie couronnant les vertus civiques et guerrières. La célèbre inscription que l’on connait apparaît pour la première fois sur l’édifice en lettres de bronze : “Aux grands hommes la patrie reconnaissante”.

Rendu au culte, l’édifice reprend son nom d’origine

Le 12 avril 1816, deux ans après le retour de la monarchie, une ordonnance royale rend l’édifice au culte et prévoit la suppression de tous les ornements non-catholiques. Une partie, jugée trop révolutionnaire, était d’ailleurs déjà cachée depuis l’arrivée de Napoléon au pouvoir en 1804. Le 3 janvier 1823, jour anniversaire de la mort de la sainte patronne de Paris, le Panthéon redevient officiellement l’Église Sainte-Geneviève.

Le fronton de l'Église Sainte-Geneviève
Le fronton de l’Église Sainte-Geneviève

Qu’en est-il du fronton ? L’ancien fronton révolutionnaire est supprimé, remplacé par une oeuvre  réalisée par l’architecte Baltard. Comme sur le premier fronton, une croix se dresse au centre de la sculpture, très modestement ornementéeUne inscription latine évoquant la sainte patronne Geneviève et les rois Louis XV et Louis XVIII, « D.O.M. sub invocat. S. Genovefae. Lud. XV dicavit. Lud. XVIII restituit », prend la place de l’ancienne formule.

Un XIXe siècle très tumultueux

Moins de sept ans après avoir été inauguré en tant qu’Église, le destin de cet édifice érigé à la gloire de Sainte Geneviève connaît un nouveau changement d’affectation. Dès son accession au pouvoir en 1830, Louis-Philippe d’Orléans décide en effet que le lieu doit reprendre sa place de temple en l’honneur des grandes figures de la Nation et être largement remanié afin de devenir un édifice laïc à la gloire de la Patrie.

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Le fronton du Panthéon tel qu’il existe depuis 1837

Qu’en est-il du fronton ? David d’Angers est chargé de sculpter un nouveau fronton, La Patrie couronnant les hommes célèbres. Ce dernier réalise une oeuvre représentant une allégorie de la France. La Patrie tend des couronnes de laurier aux hommes qui ont fait son histoire. À sa droite, la Liberté conduit les écrivains, les artistes, les hommes politiques et les scientifiques. À sa gauche, l’Histoire inscrit les noms des grands hommes sur ses tablettes. Les militaires quant à eux s’attachent à défendre la Patrie. La devise “Aux grands hommes la patrie reconnaissante” retrouve son emplacement initial sous le fronton.

Si ce dernier fronton n’a pas connu d’évolution depuis son édification en 1837, le monument et sa devise ont quant à eux connus encore quelques troubles. En 1851, sous le Second Empire, le lieu redevient une église et l’inscription est à nouveau supprimée. Le lieu reste néanmoins un lieu de sépulture nationale jusqu’à ce que la Troisième République engage, dès sa proclamation en 1870, un nouveau débat : l’édifice doit-il redevenir un lieu laïc à la gloire des personnalités qui ont marqué la France ? Il faudra attendre 1885 et l’inhumation du poète Victor Hugo pour que la devise réapparaisse et que le monument obtienne définitivement son statut de Panthéon en l’honneur de grandes figures de la nation française.

Cyrielle Didier