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Le fantastique théâtre de Robert-Houdin, le « père de la magie moderne »

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Aujourd’hui, le nom de Jean-Eugène Robert-Houdin évoque peu de choses. Ce pionnier de la magie moderne a pourtant connu un succès considérable dans le Paris de la seconde moitié du XIXe siècle, friand du divertissement et de l’occultisme. Son théâtre des « soirées fantastiques », désormais disparu, a largement contribué au développement de l’illusionnisme français, qui a ensuite ouvert la voie au septième art.

La magie de l’illusionnisme

Dès ses origines, l’illusionnisme garde un lien étroit avec la magie. Dès la Préhistoire, les représentations rupestres de sorciers et d’animaux légendaires montrent une fascination pour le surnaturel. Il va de soi que toute civilisation se construit à travers ses religions, ses mythes et ses croyances populaires, qui élaborent une lecture symbolique du monde. Depuis longtemps, les magiciens sont aussi admirés que redoutés, et certains écrits grecs évoquent déjà leur intérêt pour les « faiseurs de prestiges ».

Jérôme Bosch (ou suiveur) L'Escamoteur, 1475-1480
Jérôme Bosch (ou suiveur) L’Escamoteur, 1475-1480

Ainsi, les marionnettes, les objets truqués, et autres tours de passe-passe sont utilisés depuis l’Antiquité pour faire croire à des phénomènes surnaturels. Au Moyen Âge, les bateleurs font des tours d’adresse et d’escamotage dans les rues, contre quelques pièces de monnaie. Puis, avec l’avènement de la science moderne, plusieurs membres de l’Académie royale des sciences tentent, au XVIIIe siècle, d’expliquer les différents tours des prestidigitateurs dans une perspective rationaliste. En réaction, le siècle suivant développe un véritable engouement pour l’occultisme, ravivant ainsi l’intérêt porté à cet art de l’illusion. On retrouve notamment en Italie certains pionniers du genre, comme le professeur de magie naturelle Giuseppe Pinetti, ainsi qu’en France avec le développement des automates.

Robert-Houdin, le chef de file

Parmi les premiers intéressés par les expériences de la magie, on trouve le Français Jean-Eugène Robert. Né en 1848 à Blois, le jeune homme se passionne très tôt pour la mécanique grâce à son père, Prosper Roger, qui était alors un horloger reconnu. Devenu notaire pour satisfaire sa famille, Jean-Eugène quitte rapidement son activité afin d’apprendre lui-même l’horlogerie. Installé à Paris, il devient alors commissionnaire chez l’horloger Jacques Houdin, et épouse sa fille Cécile Églantine. En parallèle, il suit déjà les séances des prestidigitateurs de l’époque, fortement inspirées par celles réalisées en Angleterre.

Jean-Eugène Robert-Houdin, 1849
Jean-Eugène Robert-Houdin, 1849

Sa fascination pour la mécanique le mène à développer son activité bien au-delà de l’horlogerie, la recherche d’illusion devenant finalement son principal moteur. Ainsi, le désormais Jean-Eugène Robert-Houdin dépose plusieurs brevets d’invention dès 1837 pour la création d’un réveil briquet, de pendules mystérieuses ou d’automates, tels que l’écrivain dessinateur qui sera présenté à l’Exposition nationale de 1844. En parallèle, l’inventeur continue tout de même à soutenir les sciences, en concevant des appareils de mesure, comme le taximètre, certains appareils électromécaniques ainsi que des instruments d’ophtalmologie.

Invention de Robert-Houdin, 1837
Le réveil-briquet de Robert-Houdin, 1837

Mais son premier amour demeure bel et bien l’illusionnisme. Au fil des années, il s’intéresse de plus près à cet art en vogue, et entame lui-même une carrière de prestidigitateur. Son esprit inventif et sa formation dans la mécanique lui permettent d’imaginer de nombreux tours d’adresse, trucs d’escamotage ou effets de mentalisme qui constituent toujours le répertoire de la magie actuelle, si bien qu’on le surnomme le « père de la magie moderne ».

Le théâtre des illusions

Avec sa renommée, Jean-Eugène Robert-Houdin a l’opportunité d’ouvrir sa propre salle de spectacle. Ainsi, le 3 juillet 1845 a lieu la première séance publique des « Soirées fantastiques de Robert-Houdin » à son théâtre parisien, situé au 11 rue de Valois, près du Palais-Royal. On peut y voir ses automates investir la scène, comme « L’Oranger merveilleux » ou « Le Pâtissier du Palais-Royal ».

Affiche du théâtre Robert-Houdin
Affiche du théâtre Robert-Houdin

D’autres tours de magie s’y ajoutent le mois suivant, comme « La Bouteille inépuisable », qui consistait à servir sans fin de la liqueur aux spectateurs à l’aide d’une bouteille, ou encore « La Suspension éthéréenne », permettant à l’illusionniste de tenir en suspension dans le vide.

La Bouteille inépuisable, théâtre Robert-Houdin © Tallandier.
La Bouteille inépuisable, théâtre Robert-Houdin – © Tallandier.

Par leur modernité surprenante, les tours Robert-Houdin attirent les Parisiens en recherche de divertissement, et les 225 sièges de sa salle de spectacle ont vite été remplis à chaque représentation. L’illusionniste ne cesse de parfaire ses inventions, et y ajoute tantôt de l’électricité, tantôt de l’électro-magnétisme.

La Suspension éthéréenne, théâtre Robert-Houdin - © Tallandier
La Suspension éthéréenne, théâtre Robert-Houdin – © Tallandier

En plus de ces dispositifs, la scène est elle-même composée de trappes et de machineries permettant de créer des effets illusionnistes, tels que des transpositions instantanées de magiciens depuis la salle vers l’estrade, du sol au plafond, qui offrent un spectacle fantastique.

Les prémices du cinéma

Après cinq ans de représentations, Jean-Eugène Robert-Houdin souhaite se retirer à Blois. Il confie alors son théâtre à l’un de ses assistants, dénommé Hamilton. Celui-ci dirige la célèbre salle de spectacle, qui est transférée dès 1854 au 8 boulevard des Italiens, avant d’être reprise par le magicien Cléverman et le peintre Hippolyte Plantet, jusqu’à revenir finalement entre les mains de Émile Robert-Houdin, le fils de l’illusionniste. Mais à sa disparition, c’est un certain Georges Méliès qui reprendra l’établissement pour y fonder l’Académie de prestidigitation en 1891. Grand admirateur de Jean-Eugène Robert-Houdin, le futur cinéaste y développe en premier lieu une carrière d’illusionniste, en inventant plusieurs saynètes magiques.

Portrait de Georges Méliès, vers 1890
Portrait de Georges Méliès, vers 1890

Les spectacles présentés au boulevard des Italiens évoluent alors au fur et à mesure de la carrière de Méliès. Il y présente d’abord des tours de prestidigitation dans des décors peints par ses soins, puis de grandes pièces illusionnistes, telles que Le Nain jaune ou Les Farces de la Lune, ainsi que des numéros parodiant la nouvelle vogue du spiritisme. Enfin, en 1896, le tout nouveau cinéaste organise des séances de projections de vues animées, dont celle de son premier film Une partie de cartes, dans lesquels on retrouve plusieurs trucages devenus caractéristiques du septième art.

Extrait d'un film de Georges Méliès
Extrait d’un film de Georges Méliès

Malheureusement, le théâtre est en partie détruit le 30 janvier 1901, lors d’un incendie qui se déclare dans l’immeuble. Faisant face à de grandes difficultés financières, Georges Méliès tente de vendre les automates de Robert-Houdin, et se voit finalement contraint d’abandonner la salle. En 1924, le théâtre est finalement démoli lors du percement du boulevard Haussmann, ne laissant les traces de son passé illusionniste que dans les souvenirs.

Romane Fraysse

À lire également : Georges Méliès, un voyage à l’aube du septième art

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