Aux portes de la capitale, se cache un véritable petit paradis sur l’eau qui ne demande qu’à se découvrir au gré de balades bucoliques et de piques-niques dans l’herbe. C’est une île verdoyante, abritant un Temple de l’Amour, et qui a séduit les peintres du XIXe siècle… Vous l’avez reconnue ? On vous emmène sur l’île de la Jatte bien sûr !
Lieu d’inspiration d’un des plus célèbres tableaux au monde
Située sur les communes de Levallois Perret et Neuilly-sur-Seine, l’Île de la Jatte est en effet à moins de deux kilomètres de Paris. Le contraste est tel que ce bout de terre verdoyant fait face à Courbevoie et au quartier d’affaires de Paris-La Défense. À la fin du XIXe siècle, l’île de la Jatte devient très vite un lieu de fêtes et de loisirs pour les Parisiens qui viennent s’adonner au canotage, se reposer ou se détendre. Face à cette clientèle toujours plus importante, de nombreuses guinguettes sont installées. Surtout, l’île de la Jatte, autrefois appelée île de la Grande Jatte, devient le terrain de jeu préféré des peintres impressionnistes. De nombreux artistes célèbres ont déposé leur chevalet dans l’île, qu’il s’agisse de Claude Monet, Vincent van Gogh, Alfred Sisley, Charles Angrand, Albert Gleizes ou Pierre Bonnard, ce qui en fait “l’île des impressionnistes la plus proche de Paris”. Une renommée que l’on doit aussi à Georges Seurat, grâce au tableau Un dimanche après-midi à la Grande Jatte. Une balade sur l’île de la Grande Jatte est d’ailleurs l’occasion de revivre ce passé artistique en découvrant le Parcours des Impressionnistes, imaginé en 2009 par l’Association Jatte Livres & Culture, et long de 4 km. Au milieu des parcs et des allées, on peut ainsi profiter des reproductions de dix tableaux emblématiques, du Dimanche après-midi à la Grande Jatte du néo-impressionniste Seurat à L’Embâcle de la Seine d’Alexandre Nozal, en passant par La Seine avec le pont de la Grande Jatte de Van Gogh ou L’Île de la Grande Jatte de Monet. Reproduits sur des panneaux, ces tableaux représentent des scènes de la vie quotidienne ou des paysages.
Terre d’art, de révolution… mais aussi de drames
Terre des Impressionnistes, l’île de la Jatte fut aussi d’un mouvement majeur du XIXe siècle : l’industrialisation. C’est là que le Levalloisien Adolphe Clément inventa le premier avion à moteur à combustion interne de l’aviation française. On y trouvait aussi de nombreux sous-traitants automobiles, spécialisés principalement dans la course, avant que des bateaux et des voitures de luxe ne soient aussi construits sur l’île. Ce n’est qu’en 1960 que les imprimeries et les premières habitations voient le jour. L’île fut surtout connue pour appartenir dans sa quasi-totalité à Antoine Herzog, industriel alsacien, à la fin du XIXe siècle. Désireux de faire prendre l’air à ses petits-enfants, il fit construire un manège couvert, avec écuries et sellerie, sans oublier une ménagerie et un petit port, le tout situé dans un parc de plusieurs hectares. Le manège abritera plus tard le peintre Benjamin Constant à qui Herzog loua sa propriété, puis la Société française d’électrographie et enfin les décors de l’Opéra. Un lieu que l’on peut encore admirer aujourd’hui, puisqu’il s’agit de l’actuel café de la Jatte. Dans un registre moins glorieux, l’île de la Jatte fut aussi le théâtre d’un événement tragique. Après une série d’articles dans le journal antisémite La Libre Parole soutenant qu’il faut “exclure tous les Juifs de l’armée française”, le soldat André Crémieu-Foa provoqua le journaliste et fondateur de La Libre Parole Édouard Drumont en duel. Mais il lui fut interdit de se battre par les autorités militaires. Un autre officier juif, le capitaine Armand Mayer, prit alors sa place face au marquis de Morès, qui le tua à l’île de la Grande Jatte en 1892. La mort du capitaine Armand Mayer suscita une vive émotion dans toute la France, tandis que le marquis de Morès fut acquitté grâce au travail de son avocat Edgar Demange, qui sera plus tard celui du capitaine Dreyfus.
Le superbe vestige des plus belles fêtes parisiennes trône encore là
Aujourd’hui, la vacarme des duels et des activités industrielles est bien loin, tant l’île est devenue le parfait repère des amoureux de la nature et des loisirs actifs. On y vient pour se promener le long des berges et découvrir de somptueuses curiosités, comme la Maison de la pêche et de la nature, un centre d’éducation à l’environnement et aux milieux aquatiques géré par une association qui organise des activités de découverte de la nature en milieu urbain pour les enfants et les adultes. Entre deux pauses au sein de paysages bucoliques dans les différents restaurants installés sur l’Île, on peut aussi admirer une merveille classée Monument Historique : le Temple de l’Amour. Située sur la pointe sud de l’île, cette structure provenait de la Folie de Chartres, soit l’actuel parc Monceau, créée en 1785 à la demande de Philippe d’Orléans, cousin du roi. Après la mort de Philippe d’Orléans, la Folie de Chartres est délaissée. Bien qu’exproprié par la ville de Paris sous le Second Empire, c’est finalement le fils de Philippe d’Orléans qui reprend possession du bien sous la Restauration. Jetant son dévolu sur l’île de la Jatte, il crée dès 1821 un jardin enchanté prolongeant le parc de son château de Neuilly où il y donne des fêtes extraordinaires. Un peu avant 1830, il fait transporter le temple de Mars, qui deviendra finalement le temple de l’Amour. Abritant désormais une nymphe, ce temple est le spot idéal pour conclure la découverte de l’île de la Jatte en beauté : si les paysages environnants ont bien évolué, on jurerait presque entendre encore un peu la musique de ces fêtes vertigineuses ou le bruit des pinceaux de peintres impressionnistes contre la toile.
Crédit photo de une : Île de la Grande Jatte © Wikipédia
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A. C.