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10 août 1792 : Le jour où le palais des Tuileries a été assiégé

Jacques Bertaux, Prise du palais des Tuileries le 10 août 1792, durant la Révolution française, 1793

Dans le calendrier français, nous célébrons chaque année la prise de la Bastille du 14 juillet 1789, celant à jamais l’esprit révolutionnaire dans l’identité nationale. Mais un autre événement, que l’on qualifie souvent de « Seconde Révolution », a aussi été décisif durant cette insurrection : celui du 10 août 1792, qui proclame la Première République de France.

La monarchie en péril

Deux événements majeurs de l’année 1789 précipitent le royaume de Louis XVI vers sa chute. Tout d’abord, le serment du Jeu de Paume initié par les États généraux le 20 juin, puis la prise symbolique de la Bastille le 14 juillet. Un basculement qui s’opère officiellement lorsque le peuple parisien contraint la famille royale à quitter Versailles pour demeurer au palais des Tuileries, sous sa surveillance. Le roi tente bien en 1791 de fuir Paris pour rejoindre le bastion royaliste de Montmédy et lancer une contre-révolution, mais celui-ci échoue puisqu’il est arrêté en route, à Varennes-en-Argonne – ce que l’on nomme communément la « fuite de Varenne ».

Jean-Louis Prieur, Arrestation de Louis XVI à Varennes le 22 juin 1791

Ainsi, le roi demeure plusieurs années au palais des Tuileries, sous la tutelle des députés de l’Assemblée nationale constituante. Fragilisé par la guerre menée contre l’Autriche, et par ses nombreux conflits avec ses ministres girondins, Louis XVI renforce peu à peu la colère de l’Assemblée et du peuple contre la monarchie. Le 20 juin 1792, une première insurrection a ainsi lieu dans les appartements royaux du palais des Tuileries, sans encore remettre en cause la place du roi. De son côté, Jacques Brissot, le chef de file des Girondins, s’allie aux révolutionnaires en déclarant : « On vous dit de poursuivre partout les intrigants, les factieux, les conspirateurs… Et moi je vous dis que tous disparaissent si vous frappez sur le cabinet des Tuileries, car ce cabinet est le point où tous les fils aboutissent, où se trament toutes les manœuvres, d’où partent toutes les impulsions ! ». Le 5 juillet, l’Assemblée déclare ainsi la nation « en danger » et encourage les citoyens à servir la Garde nationale en prenant les armes.

Patrie, liberté, égalité

À ce moment décisif, le peuple est guidé par des clubs politiques qui se fondent en marge du pouvoir en place, et s’affirment comme les représentants des idées révolutionnaires. Parmi eux, on compte Georges Jacques Danton, un jeune avocat qui dirige le club des Cordeliers aux côtés de ses alliés républicains Maximilien de Robespierre, Camille Desmoulins ou Jean-Paul Marat. Le 3 août, ces groupes politiques demandent ouvertement à l’Assemblée un détrônement du roi. Mais la décision tarde à être prise, et le peuple s’impatiente, si bien que la section révolutionnaire des Quinze-vingts déclare qu’elle attaquera le palais des Tuileries si Louis XVI n’est pas détrôné après le 9 août.

Alfred Loudet, Marat ayant une conversation animée avec Danton (debout) et Robespierre (assis), 1882

Face à l’inaction, une quarantaine de sections parisiennes rejoignent les Quinze-vingts, et commencent à envahir l’Hôtel de Ville où siège le gouvernement. À minuit, celles-ci décident de nommer un comité provisoire de la Commune, qui suit de près les paroles de Danton. Plusieurs décisions sont prises à la hâte, dont l’assassinat du commandant de la Garde nationale, qui est dorénavant dirigée par le révolutionnaire Antoine-Joseph Santerre.

La journée du 10 août

Le 10 août 1792, vers 6 heures du matin, les révolutionnaires armés avancent en troupe vers le palais, et l’assaillent malgré la défense royale. Pierre-Louis Roederer, procureur général syndic de la Seine, les accueille en leur demandant d’élire quelques députés qui pourraient exprimer directement leurs demandes au roi, mais le peuple refuse et persiste. Sans la Garde nationale, le roi se voit contraint de fuir le palais, sous l’alerte de Roederer : « Votre Majesté n’a pas cinq minutes à perdre ; il n’y a de sûreté pour elle que dans l’Assemblée nationale ; c’est l’opinion du département que vous devez y revenir sans délai. Il n’y a pas assez d’hommes dans la cour pour défendre le château ; et nous ne sommes pas sûrs d’eux ».

Henri-Paul Motte, Affrontement entre les Suisses et les insurgés, 1892

Alors que la famille royale est abritée dans la loge du greffier de l’Assemblée nationale, la foule envahit la cour du château et cherche à accéder au palais des Tuileries. Celui-ci est alors protégé par les Gardes suisses, qui tirent sur la foule insurgée. Les pertes humaines sont considérables, d’un côté comme de l’autre. Face à l’avancée du peuple, le roi ordonne aux Suisses de cesser le feu et de se retirer. En exécution à cet ordre, plusieurs centaines de gardes et de domestiques sont pourchassés et massacrés par les révolutionnaires, qui pénètrent dans le palais. Victorieux, ceux-ci votent alors l’institution d’une Convention nationale et la suspension du roi. Celui-ci est alors transféré avec sa famille dans la tour du Temple, transformée en prison.

La République proclamée

À la suite de cette « Seconde Révolution », la Convention prend le pas sur l’Assemblée et mène une série d’arrestations. Les détenus sont envoyés dans les nombreux édifices royaux transformés en prison, où seront commis les massacres de Septembre. Cette instabilité politique signe ainsi l’ouverture d’une période sanglante, celle de la Terreur, lors de laquelle tous les opposants au régime sont emprisonnés ou exécutés. Sans véritable statut juridique, la Convention élit ses membres au suffrage universel, auquel ne participe en réalité qu’une minorité de Français. Bien sûr, l’une de ses premières mesures est l’abolition de la monarchie, donnant naissance à la Première République française le 21 septembre 1792.

Reiner Vinkeles, Plaidoyer de Louis XVI devant la Convention nationale, salle du Manège aux Tuileries, le 26 décembre 1792, entre 1793-1796

Dans l’histoire de France, cet événement majeur est moins retenu que la symbolique prise de la Bastille, qui est célébrée dans le calendrier. Si le 14 juillet marque l’insurrection de la classe moyenne contre la noblesse, le 10 août signe quant à lui une révolte plus populaire, qui entraîne directement la chute du roi et symbolise un tournant politique majeur.

Romane Fraysse

À lire également : Petite histoire de la prison de la Bastille

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