Le 16 septembre 1792 au soir, des gardes patrouillant sur la place de la Révolution se rendent compte que des individus se trouvent à l’intérieur du Garde-meuble de la Couronne. Dans ce bâtiment est entreposé le plus grand trésor français : près de 9000 diamants et d’innombrables pierres précieuses amassés par les rois de France depuis François 1er. Le constat est édifiant, la scène improbable : les bijoux ont presque tous disparu, remplacés par des cadavres de bouteilles, des restes de nourriture… et des prostituées. Retour sur ce spectaculaire cambriolage.
Le Garde-meuble de la Couronne, entrepôt du trésor royal
Construit entre 1757 et 1774, ce grand bâtiment situé sur la place de la Révolution (ancienne place Louis XV, devenue place de la Concorde) est l’oeuvre d’Ange-Jacques Gabriel, premier architecte du roi, également constructeur de la place attenante. La bâtisse abrite, depuis 1772, le Garde-meuble de la Couronne, chargé de la gestion du mobilier et des objets d’art destinés à l’ornement des appartements royaux. Depuis le retour du roi Louis XVI à Paris le 6 octobre 1789, les bijoux de la Couronne y sont également conservés.
Ce bâtiment contient donc un trésor exceptionnel, tant par sa valeur financière qu’historique : des diamants, joyaux et pierres précieuses parmi les plus rares du monde, accumulés au fil des siècles par les souverains français. Parmi ces milliers de bijoux, se trouvent le “Bleu de France”, le plus gros diamant bleu connu ou encore le “Sancy”, considéré comme l’un des plus purs diamants blancs d’Europe. Mais la pièce la plus remarquable de la collection est le “Régent”, le plus gros et pur diamant du monde.
Le plus grand casse de l’Histoire de France
L’affaire débute dans la nuit du 11 au 12 septembre 1792. Ce soir là, une bande de malfrats menés par Paul Miette, professionnel du cambriolage libéré de prison pendant les massacres de Septembre, s’introduit dans le Garde-meuble. Sans que personne ne vienne les déranger, ils s’emparent de centaines de bijoux et des plus grosses gemmes de la Couronne, dont le “Régent”.
Le lendemain, un autre groupe s’introduit dans le bâtiment et y dérobe d’autres bijoux. Les deux soirs suivants, toute la pègre parisienne y fera son marché, profitant de l’occasion pour festoyer allègrement. Il faudra attendre le 16 septembre au soir pour que les gardes chargés de la protection du trésor, alertés par la présence de voleurs enivrés et bruyants, ne se rendent compte de l’effraction.
Pris en flagrant délit, les poches remplies de pierres précieuses, quelques brigands dénoncent des complices. 17 personnes seront accusées, 12 seront condamnées à mort, mais seulement 5 seront effectivement exécutées le 13 octobre 1792. Paul Miette, cerveau avéré de l’affaire et probable détenteur du “Régent”, échappera non seulement à la guillotine, mais sera intégralement relaxé. Une décision qui surprend et ouvre la porte à une multitude de théories.
Qui est à l’origine de ce vol rocambolesque ?
Comment l’intendant du Garde-Meuble a-t-il pu ne pas entendre les voleurs alors que son logement se trouve dans le bâtiment ? Pourquoi le lieu n’était-il pas plus protégé ? Pourquoi le ministre de l’Intérieur Roland de La Platière n’a-t-il pas répondu aux demandes de l’intendant qui réclamait un renfort de quarante hommes ? Y a t-il eu une volonté de ne pas intervenir pendant le vol ? Les questions ne manquent pas et, dans ce contexte de confusion insurrectionnelle, tout le monde semble accuser son voisin.
Pour certains, la relaxe de Paul Miette s’expliquerait par le rôle joué par le ministre de la justice Danton. Ce dernier aurait manipulé le voleur afin qu’il s’empare des bijoux, puis se serait servi des joyaux pour soudoyer le duc de Brunswick pour qu’il laisse la victoire à la France lors de la bataille de Valmy. Pour d’autres, le vol des bijoux de la Couronne aurait été commandité par les Anglais. D’autres encore soupçonnent le gouvernement. Enfin, l’effraction peut simplement avoir été l’oeuvre de malfrats profitant du chaos généré par la Révolution… Plus de deux siècles après, les historiens n’ont toujours pas levé le voile sur l’affaire.
Où sont les joyaux aujourd’hui ?
Dernière bizarrerie, et non des moindres, les trois quarts des diamants ont été retrouvés, dans des circonstances souvent inattendues et au quatre coins de France, dans les deux ans qui ont suivi l’affaire. Vendue par l’État en 1887, la collection est aujourd’hui dispersée. Seule une infime partie de ce trésor appartient encore à la France et est désormais entreposée dans la galerie d’Apollon du musée du Louvre.
Cyrielle Didier