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Des sciences aux arts, ces hôtels particuliers cachés qui ont aussi marqué l’histoire de Paris

A travers les 400 hôtels particuliers qui rythment les rues parisiennes, certains se font plus discrets que d’autres. On a tous admiré la splendeur des monuments qui ornent les places de la Concorde ou des Vosges, mais l’on ignore que de nombreux quartiers cachent aussi des trésors derrière leurs murs. Laissés dans l’ombre, certains de ces hôtels ont pourtant été d’importants lieux de création et d’inspiration pour les artistes, écrivains et savants de leur époque.

Les satires de Beaumarchais à l’hôtel Amelot de Bisseuil

Hôtel Amelot de Bisseuil, vu de la deuxième cour intérieure

Dans l’historique quartier du Marais, cet hôtel du XVIIe siècle reste caché par sa grande porte sculptée de bas-relief. Fondé sur une ancienne demeure médiévale, sa façade a été remaniée par Pierre Cottard, architecte de Louis XIV, et a la particularité d’être entourée par deux cours. On trouve à l’intérieur des décorations classées au titre de Monuments historiques, dont la galerie de Psyché entièrement dédiée au personnage mythologique.

A partir de 1776, Beaumarchais loue entièrement l’hôtel, dans lequel il écrit deux ans plus tard sa comédie phare : Le Mariage de Figaro. Précédant la Révolution française, cette satire de la noblesse ne sera publiquement jouée que six ans après sa création. Et c’est entre ces murs qu’il poursuit sa critique en composant Tarare en 1787, une tragédie lyrique s’attaquant à l’absolutisme royal.

Après de multiples altérations, le bâtiment a connu d’importants travaux de restauration durant la dernière décennie. Acheté en 2017, ce monument classé devrait sortir de sa réserve en devenant un hôtel de luxe ouvert au public courant 2022.

Hôtel Amelot de Bisseuil
47 rue Vieille du Temple, 75004 Paris

L’atelier de Picasso à l’hôtel d’Hercule

L’hôtel Hercule, vu de la cour intérieur

Construit vers 1470, cet hôtel a appartenu aux princes de Savoie jusqu’à la Révolution. Son étonnant patronyme provient des fresques et des tapisseries ornant l’intérieur du bâtiment, qui représentaient les douze travaux d’Hercule. Sous la Renaissance, il demeure l’un des plus vastes hôtels parisiens.

Mais en secret, le monument a aussi fait naître de grands chefs-d’œuvre. Il inspire tout d’abord Honoré de Balzac, qui y situe l’atelier de Frenhofer dans sa nouvelle Le Chef-d’œuvre inconnu. Ce peintre génial s’isole dans sa pièce pour s’adonner sans relâche à l’œuvre idéale, La Belle Noiseuse, restée incomprise par ses contemporains qui n’y voient qu’une « débauche de couleurs ».

C’est sans étonnement que Pablo Picasso décide d’y aménager son atelier, un siècle plus tard. Installé avec la photographe Dora Maar, il y restera jusqu’en 1955 pour expérimenter l’art cubiste et y faire naître son monument Guernica. Une période d’intense création documentée par sa compagne à travers de célèbres clichés.

Hôtel d’Hercule
7 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris

Les leçons de Mozart à l’hôtel de Castries

L’hôtel de Castries, vu du jardin intérieur – © Bernard Suard / Terra

Situé rue de Varenne, cet hôtel construit dès 1694 a appartenu à la famille de Castries durant près de deux siècles. Derrière un haut portail, une cour carrée nous introduit dans une architecture typique du Grand Siècle, prolongée par un splendide jardin de 442 m². C’est là, dans un petit salon, que des cours de harpe étaient données à la fille du duc de Guines qui louait le premier étage de l’hôtel. Et cela n’a rien d’anecdotique puisqu’elles étaient modestement prodiguées par l’un des plus emblématiques compositeurs de notre histoire : Wolfgang Amadeus Mozart. C’est d’ailleurs pour la famille que le musicien créa le Concerto pour flûte et harpe en ut majeur K.299. Néanmoins, au fur et à mesure des leçons, celui-ci déchanta vite face à l’incompétence de la jeune fille qu’il trouvait « non seulement complètement sotte, mais aussi tout à fait paresseuse ».

Quelques décennies plus tard, l’hôtel de Castries faisait encore parler de lui. Fréquenté par Stendhal, il lui inspira le fameux hôtel de la Mole dans son roman Le Rouge et le Noir, lieu décisif dans lequel Julien Sorel rencontre le milieu aristocratique parisien.

Hôtel de Castries
72 rue de Varenne, 75007 Paris

L’Académie des Sciences à l’Hôtel de Montmor

L’hôtel de Montmor, vu de la cour intérieure

Fondé en 1623, ce bel hôtel de style classique n’est perceptible depuis la rue que par son imposant portail à refends. En pénétrant la cour, on découvre une façade éloquente. L’une des fenêtres est surmontée d’un fronton triangulaire représentant un enfant tenant un miroir, une allégorie de la Vérité. La chouette qui l’accompagne célèbre quant à elle Minerve et la connaissance rationnelle.

Une symbolique qui n’est pas anodine puisque cet hôtel a été le siège de l’ « académie montmorienne » de Henri-Louis de Montmort, qui a ensuite donnée naissance à l’Académie Royale des sciences. Entre cour et jardin, cet homme de lettres reçoit toute l’élite scientifique du XVIIe siècle : le médecin Guy Patin, le mathématicien Roberval et le scientifique Descartes y exposent notamment leurs découvertes. Il y héberge également le philosophe Pierre Gassendi et accueille Molière venu lire sa pièce Tartuffe après son interdiction par le roi.

Hôtel de Montmor
79 Rue du Temple, 75003 Paris

Les bibliothèques de l’hôtel de Nevers

L’hôtel de Nevers, vu de la rue Colbert

En passant par la rue Colbert, on ne peut deviner qu’un vestige de l’hôtel de Nevers. Difficile d’imaginer que ce lieu était autrefois occupé par le palais du cardinal Mazarin s’étalant sur 144m de long, un lieu resplendissant qui signe les prémisses de la célèbre bibliothèque Mazarine, la plus ancienne publique de France. Dès 1648, celle-ci rassemble près de 40 000 ouvrages, devenant l’une des plus importantes collections rassemblées jusqu’alors en Europe.

Celle-ci est tragiquement dispersée en 1652, et à la mort du cardinal, le duc de Nevers rachète une partie du palais. Il loue alors la salle de l’ancienne bibliothèque à la marquise de Lambert, qui y lance son salon littéraire, l’un des plus prisés de l’époque. On y croisait Fontenelle, Marie-Catherine d’Aulnoy, Marivaux ou Montesquieu. Son influence sera telle qu’elle jouera un rôle essentiel dans la naissance de l’Encyclopédie et la pensée féministe des Lumières.

Passé aux mains de nombreux acquéreurs, l’ensemble du domaine est finalement récupéré par Louis XV en 1720. L’hôtel de Nevers est alors rénové afin d’y aménager la Bibliothèque royale constituée de manuscrits, d’estampes, de titres, de médailles et d’imprimés. Mais celle-ci ne nous est pas parvenu, puisqu’au XIXe siècle, l’architecte Henri Labrouste décide de la remettre au goût du jour en démolissant sans vergogne ses anciens bâtiments. Mais avec la chute du Second Empire, celui-ci n’a pu mener à bien son projet, laissant l’aile de l’hôtel que l’on peut encore contempler.

Hôtel de Nevers
12 rue Colbert, 75002 Paris

La rencontre de l’Hôtel Véron

L’hôtel Véron, vu de la rue des Perchamps

Cet hôtel n’a peut-être pas baigné dans un passé aussi artistique, mais il est à considérer comme un point de rencontre historique. En effet, c’est dans ce bâtiment néo-classique du XVIIIe siècle qu’une orpheline anglaise nommée Caroline Dufaÿs est recueillie par l’avocat Pierre Pérignon et son épouse Louise Coudougnan. Jusqu’ici, son nom ne dit rien à personne. C’est pourtant ici qu’elle fera la rencontre d’un certain Joseph-François Baudelaire, prêtre et ami de ses protecteurs, avec lequel elle donnera naissance au célèbre poète Charles Baudelaire. Une union entre une jeune émigrée et un homme d’église de 34 ans son aîné qui n’aurait très certainement jamais existé sans cette adresse.

Hôtel Véron
16 rue d’Auteuil, 75016 Paris

Romane Fraysse

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