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La Ménagerie du Jardin des Plantes au siècle des naturalistes

Fondée en 1794, la Ménagerie du Jardin des plantes demeure le plus vieux zoo de France et l’un des plus anciens du monde toujours ouverts au public. Si ce lieu historique privilégie désormais des espèces de petite et moyenne taille, il a accueilli durant deux siècles une grande variété d’animaux exotiques découverts pour la première fois par des Parisiens fascinés.

La Ménagerie, le plus ancien zoo de France

Nous sommes en 1792. Sous les foudres de la Révolution, la ménagerie royale de Versailles est soudainement abandonnée, tandis que les naturalistes au service de Louis XVI s’empressent de prendre la fuite. En plein cœur de Paris, ce qui se nommait auparavant le « Jardin du Roi » devient alors l’actuel Jardin des Plantes. Dans ce bouleversement, le botaniste Bernardin de Saint-Pierre décide de rapatrier les derniers animaux sauvages de Versailles vers le tout nouveau Muséum national d’histoire naturelle, afin de soutenir la recherche et d’instruire le public. Un quagga, un bubale, un goura, un lion d’Afrique et un rhinocéros indien sont donc les premiers à investir les nouveaux enclos du Jardin, aux côtés d’animaux confisqués aux forains qui les détenaient illégalement.

Rotonde de la girafe et des éléphants

Le 11 décembre 1794, la ménagerie du Jardin des plantes ouvre donc officiellement ses portes et rencontre immédiatement un vif succès. Au départ, elle présente seulement 32 mammifères et 26 oiseaux, mais en quelques décennies, les armées napoléoniennes ramènent de nouveaux spécimens : on accueille les lions d’Afrique Marc et Constantine offerts par le roi du Maroc ; pour la première fois, on découvre des éléphants asiatiques dénommés Hans et Parkie, qui ont été réquisitionnés à la ménagerie du stathouder de Hollande ; enfin, on reçoit des ours de Berne et des porcs-épics donnés par le gouvernement du Cap. Peu à peu, sous les yeux médusés des parisiens, la ménagerie s’étend et leur dévoile une grande variété d’espèces animales, dont Zarafa, la première girafe présentée en France.

Un lieu d’exploration

Au cours du XIXe siècle, la Ménagerie du Jardin des Plantes devient un lieu d’attraction pour les Parisiens, bien trop curieux de rencontrer des animaux aussi exotiques en plein cœur de la ville. Le lieu souhaite amuser la galerie autant que possible en proposant de multiples activités, telles que des promenades à dos d’éléphants d’Asie et de dromadaires. Il se dote aussi de splendides constructions, dont la célèbre rotonde des « animaux paisibles », le pavillon des reptiles, le palais des singes et les faisanderies. A une époque fascinée par l’orientalisme, des artistes animaliers, comme Eugène Delacroix ou Antoine-Louis Barye, se déplacent avec leurs chevalets pour esquisser ces drôles de spécimens devant leurs cages. On raconte même qu’en 1823, le jeune statuaire aurait été autorisé par le gardien des fauves à pénétrer dans la ménagerie dès cinq heures du matin pour observer les lions.

Animaux divers du Jardin des plantes, Pellerin, 1854

A côté de cela, des cours de dissection sont organisés par les professeurs du Muséum, afin de donner des cours d’anatomie aux artistes et scientifiques de l’époque. Le naturaliste Joseph-Philippe Deleuze explique ainsi : « L’année précédente, l’éléphant mâle, l’un des deux qu’on avait amenés de Hollande, étant mort, M. Cuvier entreprit d’en faire la dissection. Ses élèves en zoologue et en anatomie, et le peintre, M. Maréchal, l’ayant secondé dans ses recherches, il rassembla les descriptions et les dessins nécessaires pour faire connaître les organes particuliers à cet énorme quadrupède […] Il est résulté de ce travail que l’anatomie de l’éléphant, dont on n’avait auparavant que le squelette, est aujourd’hui aussi connue que celle du cheval ; ce qui prouve l’utilité des ménageries pour les progrès de l’histoire naturelle ».

Frères Séeberger, L’éléphant Rachel, 1905

Véritable espace d’exploration, la Ménagerie s’inscrit ainsi comme un lieu emblématique de la capitale par son incroyable ascension : au tournant du XXe siècle, elle abrite presque 1 700 animaux, dont 407 mammifères, 636 oiseaux, 216 reptiles, 237 amphibiens et 197 poissons.

Portraits d’animaux

La Ménagerie du Jardin des Plantes a été l’occasion, pour de nombreux Parisiens, de découvrir pour la première fois certains animaux exotiques sur le territoire français.

Le Passage de la girafe près d’Arnay-le-Duc, tableau de Jacques Raymond Brascassat, 1827

Zarafa fait partie des célébrités de la Ménagerie. Offerte par le vice-roi égyptien Méhémet Ali à Charles X, elle est la première girafe à entrer en France en 1826, à l’âge de deux ans, pour y vivre durant dix-huit années. Durant son voyage de l’Egypte ottoman à Marseille, elle est accompagnée par le naturaliste Geoffroy Saint-Hilaire, directeur du Jardin des Plantes, et son soigneur égyptien, qui ne cessait de la brosser pour qu’elle ait belle allure à son entrée dans la capitale. Arrivée le 30 juin 1827 à la Ménagerie, elle devient très vite l’une des principales attractions de la capitale. Les Parisiens contemplent pour la première fois ce curieux mammifère tacheté, demeurant l’animal à la plus grande taille, avec ses six mètres de haut et son cou inhabituellement élancé. Dans Mon journal (1896), un recueil hebdomadaire illustré pour les enfants, on peut ainsi lire que « la girafe, par sa grandeur et les singulières proportions de son corps, est assurément l’un des animaux les plus étranges de la création ». Véritable figure historique, Zarafa a été naturalisée et fait désormais partie de la collection zoologique du Muséum d’histoire naturelle de La Rochelle.

Illustration de Hans et Parkie publiée dans l’ouvrage de Vignier de Soligny, Vertus morales des deux éléphants, mâle et femelle, nouvellement arrivés à la ménagerie nationale du Jardin des Plantes, 1798

Deux autres figures incontournables de la Ménagerie du Jardin des Plantes, ce sont Hans et Parkie. Né vers 1785 dans le Sri Lanka, ce couple d’éléphants asiatiques a été capturé à seulement 18 mois afin d’être offert au stathouder de Hollande Guillaume V d’Orange-Nassau. Embarqués dans un navire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, ils rejoignent en 1786 la ménagerie du château de Het Loo, située à Apeldoorn. Apprivoisés durant leur voyage, Hans et Parkie vivent dans l’entourage du prince durant plusieurs années. Mais avec la bataille de Fleurus, Guillaume V capitule et le pays voit débarquer les armées françaises, prêtes à confisquer une partie de son patrimoine. Botaniste au Jardin des Plantes, André Thouin fait partie du voyage, lors duquel son attention se porte sur ces deux éléphants, que la France n’a pas encore jamais eu l’occasion de rencontrer. Après plusieurs tentatives échouées, le couple de pachydermes entre finalement dans la Ménagerie parisienne le 20 mars 1798. Les Parisiens découvrent alors cet animal immense à la trompe désarticulée. Leur arrivée suscite un tel engouement qu’un concert des musiciens du Conservatoire est même organisé devant leur enclos, afin d’étudier leur réaction. Mais en 1802, le couple est définitivement séparé lorsque Hans décède d’une pneumonie. Les journaux racontent alors que l’on a vu Parkie en larmes face à la dépouille de son compagnon de toujours. Durant 15 ans, elle restera alors en compagnie d’un autre éléphant et d’un chameau dans la rotonde des animaux paisibles.

Romane Fraysse

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