Les premiers magazines de mode féminins sont édités dès la fin du XVIIIe siècle. Pourtant, c’est bien au XXe siècle que cette presse connaît un succès retentissant en France ! D’un côté, les jeunes créateurs et créatrices de mode, à l’instar d’Yves Saint Laurent ou Christian Dior, cherchent à faire connaître leur travail. De l’autre, les femmes deviennent plus indépendantes de leur mari et disposent de leur propre argent. La société de consommation, qui transforme l’acte d’achat de nécessité à loisir, rajoute l’ingrédient final de la recette du succès des magazines de mode au XXe siècle. Retour sur l’histoire de trois magazines célébrissimes nés à Paris.
Elle (1945)
“Du sérieux dans la frivolité, l’ironie dans le grave”. Telle est la devise d’Hélène Gordon-Lazareff, fondatrice du magazine Elle. Le célèbre titre est lancé à la fin de la guerre le 21 novembre 1945, après le retour de cette journaliste d’origine russe des Etats-Unis où elle s’était exilée. Son objectif est clair : proposer un magazine de mode – inspiré d’Harper Bazaar où elle a travaillé -, pour accompagner les femmes dans cette nouvelle ère et leur changer les idées. Au fil du temps, Elle s’inscrit comme un véritable prescripteur : les lectrices découvrent les dernières tendances, à l’instar du New Look de Christian Dior ou le smoking d’Yves Saint-Laurent. C’est d’ailleurs Hélène Gordon-Lazareff elle-même qui repère et révèle la jeune Brigitte Bardot au grand public en lui proposant sa première couverture en 1949 ! Loin de vouloir refléter un esprit “catalogue”, le magazine fait la part belle aux photos de mode avec des portfolios en couleur.
A partir des années 50, la mode sportswear a sa place dans les colonnes de l’hebdomadaire au même titre que la haute-couture. Mais vous l’aurez compris, Elle est bien plus qu’un magazine de mode ! Au fil des pages, les lectrices trouvent aussi un contenu axé sur le quotidien, comme des recettes ou des patrons de couture. Si le magazine ne choisit pas une ligne éditoriale féministe, les femmes écrivains y trouvent un lieu d’expression, à l’instar de Marguerite Duras ou Françoise Sagan à leur époque. On découvre également les souvenirs d’enfance d’un certain Marcel Pagnol ou l’histoire inédite du Petit Prince avant sa publication en livre.
Marie Claire (1937)
Pionnier de la presse féminine moderne, Marie Claire est né dans l’entre-deux-guerres, le 3 mars 1937. Dès sa sortie en kiosque, l’hebdomadaire, avec sa couverture “à l’américaine” s’arrache ! Pas moins de 900 000 exemplaires sont vendus sur l’année 1939. Ses fondateurs, Marcelle Auclair et le patron de presse Jean Prouvost cherchent à se différencier de la “presse populaire”, adepte des romans feuilletons, sans pour autant se tourner vers un lectorat élitiste. Marie Claire sera “le Vogue du pauvre” ! Alors que l’avenir sourit au magazine féminin, la seconde guerre mondiale marque un coup d’arrêt à ses activités. On reproche notamment à Jean Prouvost son rôle dans le gouvernement de Pétain, puisqu’il occupe du 19 juin au 10 juillet 1940 le poste de Haut Commissaire à l’Information.
Marie Claire renaît finalement en 1954, mais sous forme de mensuel. On parle de mode, de cosmétiques, mais on découvre aussi des rubriques “maison”, “voyage” ou “culture”. S’il s’adresse aux ménagères à l’ère de la société de consommation, le magazine veut également s’emparer de toutes les questions qui concernent les femmes, sans tabous. Comme l’explique Marianne Mairesse, la directrice de Marie Claire à France 3 en 2019, le magazine féminin se démarque dès le début des années 60 en s’emparant de la question de la contraception. Plus tard, d’autres reportages Marie Claire font sensation, traitant par exemple des femmes agresseuses sexuelles ou du délai de prescription sur les viols sur mineurs.
L’Officiel de la Mode et de la Couture de Paris (1921)
“Les premiers jours de L’Officiel étaient principalement marqués par les mots, une prose fleurie décrivant les collections à côté d’illustrations techniques de mode, et de longues phrases pleines de jargon juridique débattant des nouvelles et des événements du secteur” peut-on lire sur le site internet de celui qui se nommait autrefois L’Officiel de la Mode et de la Couture de Paris. Ce magazine est fondé à Paris en 1921, il y a 100 ans déjà. Destiné initialement à un public professionnel, l’Officiel s’ouvre peu à peu à une clientèle “haut de gamme” en décryptant les dernières nouveautés des maisons de couture.
Les premières couvertures, jugées comme “minimales et utilitaires”, prennent une position plus importante dans le paysage médiatique à partir des années 30. En effet, l’Officiel mise sur le dessinateur Pierre-Armand Covillot, qui révolutionne l’apparence du magazine avec ses couleurs et ses formes géométriques modernes. D’autres graphistes comme Léon Benigni, également illustrateur pour les couturiers Jeanne Lanvin, Cristobal Balenciaga ou Elsa Schiaparelli, viennent apporter leur patte et leur talent au magazine avec des illustrations de mode. En passant des illustrations détourées des premières années, aux croquis colorés et modernes, puis aux dossiers photos signés par de grands photographes, l’Officiel s’impose petit à petit comme une référence. La Seconde Guerre mondiale n’a pas eu raison du mensuel, bien que réduit dans sa pagination. Aujourd’hui, L’Officiel est implanté dans 20 pays dans le monde.
L.B
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