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La ruse de Parmentier pour démocratiser la pomme de terre à Paris

Statue d'Antoine Parmentier

On entend souvent dire qu’Antoine Parmentier est celui qui a importé la pomme de terre en France. C’est accorder un peu trop d’importance à cet homme qui n’a fait “que” populariser le tubercule, mais il l’a fait avec un tel bagout et une telle intelligence qu’on ne s’insurgera pas longtemps de cette erreur. On vous raconte comment, grâce à un ingénieux stratagème et une persévérance remarquable, cet apothicaire du XVIIIe siècle est parvenu à donner ses lettres de noblesse à la pomme de terre !

La pomme de terre, un légume qui fait peur et répugne

Introduite par les explorateurs espagnols, la pomme de terre (alors nommée “papa”) fait son apparition dans quelques champs européens dès le milieu du XVIe siècle. Elle a beau être l’aliment de base des populations sud-américaines depuis plusieurs centaines d’années, elle est très mal considérée, voire crainte sur le Vieux Continent. En France, on dit que ce légume est non seulement mauvais pour la santé, mais il est également accusé de transmettre la lèpre. En Allemagne, la “papa” est un peu mieux considérée, mais ce n’est pas le grand amour non plus : son utilisation reste cantonnée à l’alimentation des animaux… et des prisonniers de guerre. Une considération peu révérencieuse pour les détenus militaires, mais qui a participé à la propagation de ce légume chez nous !

Antoine Parmentier prend conscience des capacités de la “papa”

En effet, c’est en Allemagne, pendant la guerre de sept ans (1756-1763), qu’Antoine Parmentier découvre la pomme de terre. Celui qui est alors pharmacien militaire au service des armées françaises tombe plusieurs fois entre les mains ennemies et, chaque fois, il est exclusivement nourri par une sorte de bouillie composée d’eau et de pommes de terre. Un met qui ne fait pas frétiller les papilles, mais aux qualités nutritives indéniables. Conquis par la valeur du légume, Parmentier se décide donc, dès son retour en France, à développer son usage.

Parmentier
Antoine Parmentier

Il obtient la charge d’apothicaire en chef de l’hôtel des Invalides et se lance dans d’intensives recherches sur la pomme de terre. Il prouve rapidement que le tubercule, cousin éloigné de la mandragore et de la belladone, n’a rien de dangereux et peut être consommé sans crainte. Ces premières recherches permettent de faire lever l’interdiction, en vigueur depuis 1748, de cultiver le légume. Il peut désormais se lancer lui-même dans la culture de différentes variétés. Son combat est pourtant loin d’être terminé et le pharmacien va devoir mener une campagne difficile en faveur de la pomme de terre.

Une intensive campagne de publicité

Première étape, rendre le légume essentiel. Avec ses recherches, Parmentier participe à un concours de l’Académie de Besançon qui s’intéresse à la question de l’alimentation en cas de famine ou de disette. La question débattue est on ne peut plus claire : “Quels sont les végétaux qui pourraient être substitués en cas de disette et quelle devrait être la préparation.” Parmentier remporte le concours haut-la-main avec sa recette de “pain aux pommes de terres”. Cela ne suffit pas à convaincre les Français, mais c’est un grand pas qui sera utile pour la suite.

Deuxième étape, convaincre les milieux décideurs. En complément de ces recherches, Parmentier se lance dans la publicité de son aliment fétiche. Régulièrement, il invite des personnalités illustres, scientifiques ou notables, à sa table. Le rituel est le même à chaque fois : il ne leur sert que des plats préparés à base de “parmentière” comme il aime à appeler le tubercule. Bingo ! Le roi Louis XVI entend parler de ce nouveau légume et, en grand amateur de découvertes, commence à s’y intéresser. C’est sans doute le bon moment pour faire entrer le roi dans l’aventure, doit-se dire Parmentier… lui qui vient justement de se faire expulser du jardin des Invalides et cherche un nouveau lieu pour son potager. Il demande donc au roi de lui octroyer un terrain. Ce dernier lui offre un espace situé à quelques kilomètres de la capitale, entre Neuilly et Ternes, sur la plaine des Sablons.

Troisième étape, donner envie au peuple de se l’approprier. La terre offerte par le roi est difficilement cultivable, mais peu importe, il sait que sa parmentière se cultive facilement et un peu partout. Et l’endroit, idéalement situé aux portes de Paris, lui permet de mettre facilement en oeuvre la dernière partie de son plan : susciter l’envie et la convoitise. Ainsi, pour faire croire qu’il s’agit d’un légume prestigieux réservé au roi et à son entourage, Parmentier fait garder son potager par des gardes royaux… Mais uniquement le jour, il faut bien laisser les voleurs et les curieux découvrir ce précieux légume que la cour conserve jalousement ! Comme on dit, la rareté fait la valeur…

Photo de couverture : Statue en bronze d’Antoine Parmentier qui se trouve devant la faculté de pharmacie, avenue de l’Observatoire. © Paristoric

Cyrielle Didier

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