Le canal de l’Ourcq, 200 ans de traversée parisienne

Cette année, cela fait 200 ans que le canal de l’Ourcq abreuve Paris depuis le bassin de la Villette. Avec ses 108 km, le plus long des canaux parisiens s’inscrit dans les projets politiques du XIXe siècle cherchant à moderniser la capitale. Sous Napoléon Bonaparte, il se voit durablement transformé en un haut lieu d’activité industrielle qui prend aussi les couleurs du divertissement.

Abreuver Paris

Si l’on devait résumer l’histoire du canal de l’Ourcq, on pourrait dire qu’elle est née pour abreuver la capitale en eau potable. Tout commence en effet sous l’Empire romain : lorsque Paris se nommait encore Lutèce, les habitants de l’Île-de-la-Cité ont commencé à construire des thermes et des bains publics en raison de la saleté de la Seine. Ils voyaient du même coup s’ériger l’aqueduc d’Arcueil, qui amenait les eaux de sources des coteaux de Rungis, de l’Haÿ, de Cachan et d’Arcueil à travers la voie romaine d’Orléans, désormais dénommée Saint-Jacques.

Avec la chute de l’Empire, celui-ci a été détruit, contraignant ainsi les autochtones à puiser l’eau de la Seine et des sources du Pré-Saint-Gervais durant plus quatre siècles. Avec la construction des Halles de Paris, celle-ci est amenée en plein cœur de la ville par l’installation de deux fontaines, dont celle des Innocents.

C’est à partir du XVe siècle qu’une longue rivière près de la capitale suscite l’intérêt des bateliers souhaitant acheminer du bois de chauffage et de construction de la forêt de Retz vers Paris. Dès 1415, le roi Charles VI autorise alors le prévôt des marchands à exploiter la rivière Ourcq, et le lieu commence à se développer. Au siècle d’après commence sa canalisation et la construction de réservoirs avec un système de flottage et d’écluses simples permettant d’acheminer les produits vers Paris. On raconte même que c’est Léonard de Vinci qui aurait réalisé les premiers essais d’écluse. Il faut ensuite attendre le XVIIe siècle pour que la pompe de La Samaritaine soit construite et que les travaux du nouvel aqueduc d’Arcueil soient engagés.

Naissance sous Bonaparte

Malgré tout, face à la ville qui s’étend, le volume d’eau ne grandit pas véritablement : le débit demeure même inférieur à celui du XIIIe siècle. L’eau se vend alors à la bouteille et devient un impôt cher pour le peuple, car il faut une voie d’eau par personne. Une première idée d’aménagement de l’Ourcq est pourtant proposée par Paul Riquet, ingénieur du canal du Midi. Mais son décès en 1680 fait avorter le projet. D’autres plans sont lancés au siècle suivant, mais toujours sans succès.

Ce n’est finalement qu’au XIXe siècle que le projet du canal de l’Ourcq voit le jour. Dans ses mémoires, Jean-Antoine Chaptal raconte l’une de ses discussions avec Bonaparte. Le Premier Consul lui aurait confié vouloir faire de Paris la plus belle capitale du monde, ce à quoi son premier ministre lui aurait répondu « Donnez-lui de l’eau ! ».

Ce dernier poursuit alors en lui conseillant d’amener la rivière Ourcq au haut de la Villette, afin qu’elle répande ses eaux dans la capitale : « Les choses n’allèrent pas tout à fait aussi vite, mais, le lendemain, Gauthey reçut l’ordre de se rendre sur les lieux et de parcourir la ligne pour faire un rapport. À son retour, le rapport fut approuvé et l’exécution ordonnée. On en estima approximativement la dépense à 12 ou 15 millions. » C’est ainsi qu’en mai 1802, après trois ans de discussions sur le tracé, une loi décide d’amener les eaux de l’Ourcq à Paris.

La traversée de Paris

Sous la direction de l’ingénieur Pierre-Simon Girard, les travaux débutent dès le 23 septembre 1802. La rivière est ainsi dérivée vers le bassin de la Villette. Quant au canal, il part de la Seine, passe par Saint-Denis, la vallée de Montmorency et rejoint la rivière d’Oise près de Pontoise. Tout est orchestré pour qu’il s’agisse à la fois d’une voie navigable, d’un canal d’eau potable et d’une alimentation pour les canaux Saint-Martin et Saint-Denis.

Mais dès 1804, il advient de nombreux glissements de terrain du fait que le canal de l’Ourcq se trouve sur une pente importante. Face à cela, l’ingénieur Emile Vuigner décide alors de placer cinq écluses, empêchant le passage de grands bateaux. Un nouveau prototype dénomme la « flûte d’Ourcq » est spécialement conçu pour pouvoir désormais y naviguer.

C’est en 1822 que la navigation commence. Un service de bateaux-poste est alors lancé afin de relier le bassin de la Villette à Meaux en seulement trois heures. Avec ces nouveaux aménagements, la Villette devient peu à peu l’un des principaux quartiers industriels français, permettant l’arrivage de denrées alimentaires et de matières premières provenant du monde entier.

Le plus long canal de la capitale

Encore aujourd’hui, le canal de l’Ourcq demeure le plus long canal parisien, aux côtés des canaux Saint-Martin et Saint-Denis. Avec ses 97km allant de la Villette jusqu’à Mareuil-sur-Oise, il est prolongé par la rivière sur 11km jusqu’au Port aux Perches dans l’Aisne. Un total de 108km qui est doté de dix écluses et de trois tronçons différents.

Sans écluse, la partie de la Villette à Pavillons-sous-Bois (93) est devenu un vrai lieu de divertissement, avec ses terrasses, ses cinémas et ses pédalos. Bien que le port n’ait plus la même activité qu’au XIXe siècle, le canal garde tout de même un air industriel avec ses ports de fret et son transport de marchandises.

Du côté d’Aulnay-sous-Bois à Mareuil-sur-Ourcq, il dispose de six écluses et est réservé à la navigation de plaisance. Enfin, la rivière dévoile des paysages pittoresques et une importante faune. Une biodiversité que l’on peut d’ailleurs contempler dans le 19^e arrondissement, où un radeau végétalisé sert de refuge et de lieu de reproduction pour de nombreuses espèces aquatiques.

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